REACH. LA législation destinée à remettre les pendules à l’heure et garantir que les substances extrêmement préoccupantes seront à terme bannies en Europe. Dix ans après son adoption, le Bureau Européen de l’Environnement a publié un bilan de son actuelle mise en oeuvre et des pistes pour renforcer son action.
C’est indéniable, le règlement REACH a généré des progrès substantiels dans la gestion des substances chimiques en Europe. L’amélioration de la connaissance des risques associés aux substances a permis de renforcer l’encadrement de leur utilisation et promouvoir leur substitution. Plusieurs bases de données soutiennent cette démarche (comme le Substitution Support Portal ou la boite à outil pour la substitution de l’OCDE) et de nombreuses entreprises ont choisi de privilégier des alternatives plus sûres.
Mais l’implémentation du processus d’autorisation souffre néanmoins de plusieurs maux, identifiés par le Bureau Européen de l’Environnement dans son rapport « A roadmap to revitalise REACH« . Afin d’en faciliter la lecture, nous vous proposons ici une synthèse de la première partie du document, la seconde sera publiée dans notre prochaine nIEWsletter.
Pour rappel, l’objectif de REACH est que les substances extrêmement préoccupantes (SVHC) soient progressivement remplacées par des alternatives plus sûres. Première étape de la procédure : l’identification des SVHC. Les substances cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR) ; persistantes, bioaccumulatives et toxiques (PBT) ou très persistantes et très bioaccumulatives; les substances susceptibles de produire des effets sérieux sur la santé humaine ou l’environnement (comme les perturbateurs endocriniens) sont identifiables comme SVHC. Les substances peuvent être proposées par les Etats-Membres ou l’Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA). Si la proposition est validée, la substance se voit inscrite sur la liste des substances candidates. Les substances reprises sur cette liste sont ensuite priorisées et les plus problématiques sont soumises les premières à la procédure d’autorisation en étant inscrites sur la liste d’autorisations. Une fois qu’une substance y est inscrite, un fabriquant ou un utilisateur a 18 mois pour réagir et demander une autorisation de continuer à utiliser cette substance. L’ECHA, par l’intermédiaire de son comité d’évaluation des risques et de son comité d’analyse socio-économique, décide de donner un avis favorable – ou pas – à la demande. La Commission est responsable de la délivrance finale de l’autorisation, ou de son refus. L’ensemble de cette procédure est expliquée sur le site de l’ECHA ou sur le site REACH in Belgium.
Première difficulté : l’identification des SVHC et leur inscription sur la liste des substances candidates. Dans son livre blanc « Stratégie pour la future politique dans le domaine des substances chimiques », la Commission estimait à 1400 le nombre de substances susceptibles d’être inscrites à la liste des substances candidates (dont on sait qu’il sous-estime le nombre de substances CMR et qu’il n’intègre pas les perturbateurs endocriniens). Aujourd’hui, seulement 163 substances ont été inscrites sur la liste ! En 2013, une feuille de route a été adoptée par la Commission et les Etats-Membres, qui ambitionne l’inclusion des toutes les SVHC connues sur la liste des substances candidates pour 2020 (soit 440 substances). Cette feuille de route intègre une nouvelle procédure : l’analyse des options de gestion des risques (RMOA). Cette étape vise à identifier la meilleure action régulatrice à adopter pour une substance spécifique et devait accélérer le processus d’identification des SVHC. Las, alors que 29 substances étaient inscrites en 2010, 28 en 2011 et 67 en 2012, seules 24 substances ont été identifiées deux ans plus tard – soit 12 par an !
Pour améliorer la situation, garantir l’atteinte des objectifs de protection de la santé et de l’environnement et soutenir l’innovation dans notre industrie chimique, le Bureau Européen de l’Environnement identifie plusieurs pistes. Première recommandation : l’abandon du RMOA. Cette procédure surcharge les Etats-Membres, et leur impose de collecter des informations sur l’utilisation et l’exposition aux substances, alors que cette étape est prévue dans la procédure de priorisation. Par ailleurs, les Etats-Membres doivent participer à ce travail, notamment les Etats-Membres ayant une industrie chimique importante. Pour information, signalons que l’Allemagne réalise un effort important sur ce point (44 substances proposées), suivie par la France (17 substances), les Pays-Bas (14 substances), l’Autriche et la Suède (13 substances chacune), le Danemark et la Pologne (9 substances chacune) la Belgique (7 substances), la Norvège (6 substances), la Slovaquie et la Grand-Bretagne (2 substances chacune) et la Slovénie et l’Espagne (1 substance chacune). Enfin, rappelons que deux outils ont été développés par la société civile pour faciliter l’identification des substances devant être inscrites sur la liste des substances candidates : la SIN list, proposée par ChemSec et la Liste prioritaire des organisations syndicales.