La réforme de la fiscalité automobile est un modeste jalon sur le long chemin vers une société transformée en profondeur pour répondre aux défis des bouleversements climatiques et de l’effondrement de la biodiversité. Long chemin que nous devons parcourir au pas de charge, en quelques années tout au plus. Le Gouvernement wallon semble être en passe de renoncer à cette réforme…
« Les taxes de circulation et de mise en circulation seront revues, à fiscalité globale inchangée, pour les moduler en fonction des émissions de CO2 et de la masse / puissance. L’objectif est notamment d’encourager des voitures moins puissantes et moins lourdes et dès lors moins polluantes. » C’était là l’engagement du Gouvernement wallon dans sa déclaration de politique régionale (DPR) de 2019. Il s’agissait d’un « troisième service », après les DPR de 2009 et de 2014 qui comportaient déjà des engagements à réformer la fiscalité automobile pour orienter les achats vers des véhicules moins polluants. En la matière, les exécutifs wallons précédents avaient toujours renoncé à mettre leurs déclarations en œuvre. Mais en 2019, les astres paraissaient bien alignés. Nous y croyions : la troisième fois serait la bonne !
Hélas : trois ans plus tard, il est à craindre que, en dépit du travail de grande qualité mené par l’équipe instruisant le dossier et malgré la modestie de la réforme envisagée, celle-ci ne verra pas le jour.
La modestie imposée par la DPR (la réforme devant se faire « à fiscalité globale inchangée ») n’enlevait rien au caractère indispensable d’une mesure visant à baser le calcul des taxes de mise en circulation et de circulation sur des critères en lien direct avec les défis environnementaux et sociaux. Le principe était simple : plus un véhicule émettait de CO2, plus il était lourd, plus il était puissant, et plus élevées seraient les taxes. Les tarifs varieraient également selon les motorisations (essence, gaz, diesel, électrique, hybride). L’objectif, clairement énoncé dans la DPR, était d’encourager les automobilistes à acheter les voitures ayant le plus faible impact environnemental possible. Moins lourdes et moins puissantes, ce sont également celles dont l’utilisation est la moins coûteuse (en assurances, en entretien, en carburant, …).
La réforme envisagée était donc bénéfique à la fois pour le climat (et l’environnement de manière générale) et pour les automobilistes. Les seuls perdants auraient été les constructeurs d’automobiles (qui réalisent de meilleures marges bénéficiaires sur les modèles plus lourds et plus puissants) et une certaine conception de la liberté. Conception selon laquelle une personne ayant envie d’acheter tel véhicule doit pouvoir l’acheter. Même si un véhicule moins polluant couvrirait tout aussi bien ses besoins objectifs de mobilité. Et même si (ce que beaucoup préfèrent ignorer) l’envie est instillée par un marketing scientifiquement optimisé dans ce but. Cette conception de la liberté, très répandue dans la population, est également présente à travers tout le spectre politique.
Comme lors des deux législatures précédentes, la crainte de déplaire aux électrices et électeurs et la sensibilité aux arguments des constructeurs (aussi habiles à défendre leurs intérêts financiers qu’à promouvoir leurs produits) risquent donc d’encore condamner le Gouvernement à l’inaction.
Les citoyens qui se mobilisent contre divers projets (infrastructures, logements, industries, …) se voient régulièrement reprocher de verser dans le Nimby (acronyme anglais de « not in my backyard » : pas dans mon jardin). La saga de la réforme de la fiscalité automobile en Wallonie (qui remonte à 2009) est illustrative de la déclinaison politique du Nimby : le PPMM (pas pendant mon mandat). Les exécutifs qui refusent, pendant leur mandat, de mettre en œuvre de modestes mesures (pourtant inscrites dans la DPR) nécessaires pour répondre au défi climatique se condamnent – nous condamnent – ipso facto à l’échec. La lucidité mène parfois à poser des constats accablants. Celui-ci l’est particulièrement.