Matière vaste et complexe, l’aménagement du territoire est capable de passionner jusqu’au coup de sang les plus tièdes de nos concitoyens. Il touche aux perceptions autant qu’à l’organisation de notre vie en société et, de ce fait, met en équation subjectivité et besoins collectifs. Paysage, environnement sonore ou odorant, patrimoine bâti, routes, zones naturelles, implantations commerciales et industrielles, rente foncière, quartiers de vie, la matière recouvre assez de thématiques pour capter l’intérêt de tous.
Cet intérêt ne s’est pas démenti lors de la première saison de notre nouvelle formule de formation. Les cinq escales de 2009 étaient la Halle aux Viandes de Liège, l’hôtel de ville de Mons, la Vieille Cense à Marloie, le C.R.I.E. de Mouscron et la salle de la cure à Ottignies.
La « formule IEW »
La « formule IEW », si l’on peut dire ainsi, cherche à donner corps aux connaissances formelles[[Signalons déjà aux participants potentiels de la saison 2010 que la fédération Inter-Environnement Wallonie complète l’offre assurée par les instances régionales, les maisons de l’urbanisme et l’Union des Villes et Communes de Wallonie. Elle ne peut se substituer à elles pour donner un cours sur le Code Wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, du Patrimoine et de l’Energie (CWATUPE), mission qui leur revient de droit. Nous relayons par ailleurs toujours auprès de nos participants les informations sur la tenue de ces sessions, d’abord parce que leur contenu correspond à des attentes dont nous sommes témoins, mais aussi parce qu’il nous importe de caractériser plus nettement notre propre formule.]]. Elle a pour but de conforter chaque citoyen dans sa capacité à réagir à un projet. Dans cette optique, la formation aborde les lignes théoriques avec le recul nécessaire quant aux évolutions de la législation. Loin de vouloir mettre de côté le Code et les procédures, elle vise à faciliter la navigation de tout un chacun sur ces mers chahutées.
La fédération Inter-Environnement Wallonie considère les formations comme des occasions d’entendre les demandes des gens de terrain. Ces demandes peuvent même donner lieu à un véritable projet de lobby. C’est en l’occurrence ce qui a résulté d’un des exercices de la formation en aménagement du territoire : dans la foulée de l’analyse des plans et cartes, les participants nous ont incités à œuvrer pour que le Gouvernement Wallon établisse une charte graphique et qu’il exige formellement des bureaux d’études des documents lisibles en noir et blanc, aisément reproductibles et transmissibles, strictement non ambigus sur le plan de la symbolique.
Quels sont les objectifs de fond de cette formation ?
Le premier objectif de fond est de se familiariser avec les outils légaux et les démarches qu’une commune peut entreprendre pour gérer son territoire. Le deuxième est de se construire une grille d’analyse dans le cadre d’une argumentation pour ou contre un projet d’aménagement.
Le citoyen a un droit de regard par le biais de l’enquête publique. La Commisssion Communale d’Aménagement du Territoire et de Mobilité (CCATM) constitue un second regard citoyen sur le projet, lorsqu’elle est amenée à rendre son avis. A ce double titre, la formation évoque les démarches qui jalonnent la vie d’une commune et peuvent orienter son avenir de manière décisive : élaboration d’un schéma de structure communal, d’un règlement communal d’urbanisme, d’un plan communal d’aménagement, d’un plan communal ou intercommunal de mobilité, sans oublier le plan communal de développement de la nature. La formation offre aussi la possibilité d’examiner de près des projets d’aménagement de toute nature et d’en commenter les tenants et aboutissants : projets de lotissement soumis à étude d’incidences, implantation de parc éolien, élevage industriel, etc.
Le deuxième objectif de fond vise à aiguiser le regard et la réflexion afin de nourrir les futurs argumentaires de nos participants. De manière très pratique, si la formation cherche à renforcer le raisonnement logique et contextuel, elle pousse en outre chaque participant à une appréhension moins pessimiste des processus de décision. Notre souhait est que tous sautent le pas difficile d’une implication suffisamment claire et personnelle pour être intéressante à lire ou à entendre, suffisamment soucieuse de l’intérêt collectif pour être susceptible d’être suivie!
Quel est l’objectif d’animation ?
Chaque participant, prêt à passer deux journées bien tassées, doit prendre conscience de la capacité des autres participants à faire écho à ses interrogations, quel que soit leur degré de familiarité avec le sujet. Nos cinq groupes de 2009 ont joué le jeu. Très attentifs durant les débats, ils ont su profiter des pauses pour échanger quelques tuyaux. Ce sont là autant de points de départ d’une réflexion à poursuivre au-delà des formations, l’idéal étant de voir se constituer peu à peu un réseau informel entre citoyens de différentes communes. Grâce à ce système de communication ouverte et interactive, ceux qui étaient venus avec l’idée d’approfondir leurs connaissances théoriques ont été amenés à réfléchir aux enjeux de la participation et sont repartis enrichis sur le plan de la compréhension des contraintes des pouvoirs publics. En tant que formateurs, nous avons pu à de nombreuses reprises bénéficier de l’expérience et des remarques des participants, qui nous ont aidés à répondre de manière plus complète aux questions et à nuancer le propos.
Des exercices « comme si vous y étiez »!
Histoire de se replonger encore un instant dans les formations de 2009, voici deux mises en situation qui seront à nouveau au menu de la saison 2010.
Un exercice consistait à analyser un projet de modification du plan de secteur. Dans ce cadre, l’ensemble des participants formait une CCATM temporaire, et les formateurs devenaient des agents du service communal d’urbanisme. Le site choisi était aussi étranger que possible aux participants afin de les mettre sur un pied d’égalité face à l’information et donc face à la démarche à engager ensemble. On s’en doute, nombreuses étaient les objections quant à la possibilité de se prononcer sans connaître les lieux et les besoins réels. Cela n’a cependant empêché aucun groupe de discuter de l’opportunité du projet, de prendre fait et cause quant à sa mise en œuvre, bref de se soucier de l’avenir de « sa » commune par le prisme de cette mise en situation. D’aucuns en sont ressortis avec les idées plus claires sur des points théoriques liés au CWATUPE et sur le vocabulaire technique. Des concepts tels qu’urbanisation en ruban, réserve foncière, lotissement, habitat semi-mitoyen, zone du plan de secteur, périmètre d’étude, périmètre de la zone à affecter, leur semblent désormais familiers et plus sympathiques.
Quant à la descente sur le terrain, un de ses buts sous-jacent était – à nouveau – que chacun aie voix au chapitre. Apparenté au jeu « Que vois-tu par la fenêtre ? » conseillé dans le Marabout Flash «Je distrais mes enfants en voiture», l’exercice consistait à collecter virtuellement chaque élément urbanistique rencontré en chemin ou aperçu à l’arrière plan, et de construire une liste collective. Les cinq explorations ont livré une abondante récolte et quelques constats récurrents. Goût marqué pour la juxtaposition de revêtements de sol, cacophonie des signalétiques destinées à différentes catégories d’utilisateurs, cohabitation souvent trop rapprochée de mobilier urbain encombrant, sans oublier les espaces publics mal définis, où la jurisprudence des utilisateurs quotidiens l’emporte sur la destination première des lieux.
En conclusion à cette promenade active, les participants notaient les efforts entrepris ces dernières années pour tenter d’améliorer l’espace commun, notamment en incorporant davantage la nature ou, tout au moins, le végétal. Ils soulignaient par contre les progrès encore à faire pour que l’ensemble du système des circulations au centre des agglomérations ou à proximité des gares donne envie de quitter sa voiture. L’idée proposée par quelques–uns mérite d’être conduite à bon port : pourquoi ne pas revoir les normes pour personnes à mobilité réduite et les ériger en principe directeur de tout aménagement de l’espace public? Puisqu’elles facilitent la vie de l’ensemble des usagers, elles pourraient effectivement éviter bien des blocages, des dérapages… et des dépenses inutiles[[Ajoutons, à l’unisson des associations qui luttent pour faire respecter ces normes, que ce principe a déjà force de loi pour les aménagements ponctuels, permis par permis, mais qu’il est loin de connaître dans les faits le respect auquel il a droit. Pour plus d’information : GAMAH, asbl Passe-Muraille à Mouscron, asbl ASPH à Antoing, et le CAWaB, entre autres.]].
2010: 5 rendez-vous dès avril
Cinq autres lieux nous accueilleront en 2010 à partir du mois d’avril, à chaque fois durant deux jours d’affilée. Les villes et dates la nouvelle saison seront diffusées début mars. Pour être avertis personnellement, les membres de CCATM et le grand public peuvent s’adresser à une seule et même boîte mail : info@iewonline. Si vous avez déjà participé en 2009, vous serez contacté(e) d’office, afin que vous puissiez nous aider à relayer l’information. Au plaisir de rencontrer de nouveaux participants à ces débats passionnés et passionnants !
Extrait de nIEWs (n°69, du 11 au 25 février),
la Lettre d’information de la Fédération.
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