Le 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel français recalait la projet de « taxe carbone » concocté par le Gouvernement Fillon, estimant que les nombreuses exemptions prévues par le texte constituaient une rupture de l’égalité devant l’impôt. Le projet a donc été revu et va être soumis à la concertation. Entreprises, partenaires sociaux, associations et élus sont invités à se prononcer sur cette nouvelle mouture.
Alors qu’elle devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010, la taxe carbone voulue par Nicolas Sarkozy s’était faite recalée par le Conseil constitutionnel qui la jugeait inefficace sur le plan écologique et inéquitable sur le plan fiscal car «les exemptions totales de contribution carbone étaient contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient une rupture d’égalité devant les charges publiques». Me Conseil estimait notamment injustifiées les exonérations octroyées aux entreprises soumises au régime européen des quotas d’émissions (ETS), ces quotas leur étant alloués gratuitement jusqu’en 2013.
Le Gouvernement a dès lors tenté de donner un second souffle à son projet et en ce début février, il a soumis sa nouvelle proposition à la concertation des représentants de la société civile. Entreprises, syndicats, ONG et élus sont ainsi amenés à réagir à l’adaptation de la taxe carbone au cas particulier des secteurs industriels soumis à l’ETS.
Le texte soumis à concertation, téléchargeable sur le site du Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer (Meeddm), indique que la taxe carbone s’appliquera bien aux entreprises soumises au marché ETS, du moins jusqu’à 2013, date de mise aux enchères des quotas d’émission de CO2. Néanmoins, certains secteurs sensibles se verraient dotés de dispositifs particuliers afin de préserver leur compétitivité. C’est sur cet aspect particulier du texte que porte la concertation sociétale.
Le projet propose différents scénarios visant à ménager les secteurs industriels de potentiels effets indésirables. L’un suggère d’appliquer un taux réduit aux entreprises les plus exposées, qu’elles soient soumises à la concurrence internationale ou qu’elles soient à forte intensité énergétique. Le second, emprunté au Royaume-Uni, consiste en l’application du principe de bonus-malus avec une restitution forfaitaire visant à favoriser les entreprises les plus performantes.
Pour le reste, la proposition de loi reste relativement similaire à la première version, tant au niveau du prix (17 ¤ la tonne de CO2) que du régime compensatoire octroyé aux citoyens et des taux préférentiels dont bénéficieraient les secteurs de l’agriculture, de la pêche et du transport de marchandises.
Ces remaniements s’attirent d’ores et déjà les foudres du milieu environnemental et en particulier du Réseau environnement & droit (RED) pour lequel la nouvelle version n’est rien de plus qu’un emplâtre sur une jambe de bois. L’association française affirme ainsi que« le projet du gouvernement se caractérise davantage par la recherche d’une compensation intégrale de l’extension de la taxe carbone que par l’étude du bénéfice environnemental du nouveau mécanisme». Elle déplore aussi que la mesure soit centrée sur la problématique du carbone et non sur celle de la baisse des consommations énergétiques. Et d’ajouter comme autres griefs «la complexité du dispositif, son manque de lisibilité, le maintien d’exemptions et l’absence de progressivité du taux».
En dépit de ses faiblesses, cette taxe carbone française aura le mérite d’exister dans une disposition légale et pourra (rêvons un peu…) se voir renforcée dans le temps. Il faut souhaiter que d’autres États, hors pays nordiques déjà à la pointe en la matière, lui emboîte le pas. La problématique climatique ne peut en effet se payer le luxe d’attendre qu’une taxe carbone européenne voit le jour, ce qui nécessite l’unanimité dans le chef des États membres et risque donc de prendre énormément de temps.
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