Gilets jaunes – l’art de se tromper de cible

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Le mouvement des « gilets jaunes », soit des automobilistes courroucés par le prix des carburants, entend « faire entendre raison » aux pouvoirs publics. Ce mouvement populaire trouve son origine dans des déclarations intempestives et populistes en France.

Car de quoi s’indigne-t-on ? Qu’un pouvoir exécutif tente d’alimenter le budget de l’Etat (lequel alimente à son tour, on a tendance à l’oublier, le financement de l’éducation, des soins de santé, …) par des mesures fiscales qui font sens. Et à l’heure où les climatologues engagés nous disent qu’une révolution de nos modes de production et de consommation doit être mise en place de manière urgentissime, une augmentation du prix des carburants fossiles fait assurément sens.

Ce qui fait beaucoup moins sens, par contre, c’est la manière dont les constructeurs d’automobiles s’affranchissent de leurs obligations légales et « pilotent le marché ».

Les émissions de CO2 (qui sont directement proportionnelles à la consommation de carburant) des voitures neuves ont officiellement baissé, en Europe, de 30,4% entre 2001 et 2016, passant de 169,7 à 118,1 gCO2/km[[EEA. 2017. Monitoring CO2 emissions from new passenger cars and vans in 2016, p. 19]]. En intégrant les chiffres de l’International Council on Clean Transportation (ICCT) relatifs au différentiel entre les émissions annoncées et les émissions sur route[[Téléchargeables ici : https://www.theicct.org/sites/default/files/L2R2017_summary_statistics.xlsx]], la baisse réelle sur la période 2001-2016 est de 9,3%, les émissions réelles passant de 185,0 à 167,7 gCO2/km. Deux tiers des réductions de consommation annoncées par les constructeurs sont du vent ! Ceci en raison de leur maîtrise croissante de l’art de jouer avec les tests d’homologation des véhicules. Le perdant est évidemment l’automobiliste : la consommation aurait dû baisser de 30%, elle n’a baissé que de 9% !

La masse et la puissance des véhicules ne cesse d’augmenter, de même que la part de véhicules de type SUV. Les constructeurs sont passés maîtres dans l’art de faire acheter par les consommateurs des véhicules surdimensionnés par rapport aux besoins réels de mobilité de ceux-ci. Qui obtempèrent sans sourciller aux injonctions à acheter de grosses voitures, plus chères à l’achat et à l’utilisation (assurances, entretien, consommation de carburant).

De tout ceci, les gilets jaunes ne touchent mot. Flirtant allègrement avec le poujadisme (au sens dérivé d’anti-étatisme populiste), les initiateurs de ce mouvement se trompent de cible – sciemment sans doute pour certains, qui entraînent les crédules à leur suite. C’est sur l’Etat qui prélève des taxes pour les redistribuer et assurer le bon fonctionnement de nos sociétés que se tourne leur colère quand ils sont dans les faits victimes des constructeurs automobiles.