Une Fiat Panda, une Audi Q7 et un char d’assaut Panzer peuvent-ils appartenir à la même catégorie d’un point de vue des émissions de CO2 ? Oui, selon le futur label allemand !
Ce jeudi 08 juillet 2011, le Bundesrat (chambre haute du Parlement allemand) devrait se prononcer sur un projet de labellisation CO2 des véhicules automobiles. Un tel système existe déjà dans plusieurs pays européens, dont la Belgique. La classification établie dans le guide CO2 belge propose deux échelles, l’une pour les motorisations diesel, l’autre pour les motorisations essence, comprenant 7 classes d’émissions (de A à G). Par exemple, la classe A essence groupe les voitures dont les émissions sont inférieures à 100 g/km, la B celles dont les émissions sont égales ou supérieures à 100 g/km et inférieures à 120 g/km et ainsi de suite.
L’industrie allemande, qui produit beaucoup de véhicules imposants, lourds et donc gros émetteurs, a trouvé LA manière pour que ses véhicules soient bien cotés. Et a persuadé une grande partie du monde politique du bien-fondé de son approche. Il s’agit en fait d’établir le rapport entre le poids et les émissions du véhicule. Pour un même poids, si les émissions diminuent, le rapport poids/émissions augmente et le véhicule est mieux coté. Et donc, si le véhicule X est deux fois plus lourd et émet deux fois plus de CO2 que le véhicule Y, ils présentent tous deux le même rapport poids/émissions et reçoivent tous deux la même cote ! Amusant, n’est-il pas ?
Très concrètement, la Porsche Cayenne S Hybrid (196 g CO2/km et 2.315kg) recevra, comme la Citroen C3 Hdi (114 g CO2/km et 1.190kg), la cote « B ». La Land Rover Discovery (244g CO2/km et 2.650kg) recevra, tout comme la Toyota IQ (99g CO2/km et 920kg) la cote « C ». La cote E sera attribuée, elle à l’Audi Q7 (298g CO2/km – 2710kg), à la Smart Mhd (103g CO2/km – 750kg) et à la Fiat Panda (119g CO2/km – 915kg). Cote que pourrait revendiquer le… char d’assaut Panzer (5.850g CO2/km et 62.000 kg).
Il est évident que, pour un même poids, il est préférable de choisir le véhicule dont les émissions sont les plus basses. Mais cette approche présente l’énorme désavantage de masquer complètement cette vérité élémentaire : la voie royale pour faire baisser la consommation d’un véhicule (et donc ses émissions de CO2) est de l’alléger. Cette approche est aussi en porte-à-faux avec la législation européenne. L’article 7 de la directive 1999/94/CE « concernant la disponibilité d’informations sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 à l’intention des consommateurs lors de la commercialisation des voitures particulières neuves » dispose clairement que : « Les États membres veillent à ce que la présence, sur les étiquettes, les guides, les affiches ou le matériel de documentation promotionnel visés aux articles 3, 4, 5 et 6, d’autres indications, symboles ou inscriptions concernant la consommation de carburant ou les émissions de CO2 non conformes aux exigences de la présente directive soit interdite si elle est susceptible de créer une confusion pour l’acquéreur potentiel d’une voiture particulière neuve. »
Le Bundesrat votera-t-il ce projet ? Qu’importe. Ce que cette petite histoire a d’intéressant c’est tout d’abord l’inventivité dont fait preuve l’industrie automobile pour transformer en une opportunité un projet qui apparaissait d’abord comme une contrainte. Et ensuite la force de frappe dont dispose cette industrie pour faire partager ses vues au mode politique – dont la perméabilité à ces messages est particulièrement élevée…