Ancien bras souterrain de l’Ourthe, la grotte de Bohon présente une large ouverture donnant accès à plus de 500 mètres de cavité souterraine. Une telle grotte constitue un lieu d’hivernage idéal pour les chauves souris mais aussi… un potentiel touristique à exploiter. La gestion du cas « Bohon » illustre à quel point le manque de volonté tant dans le chef du politique que de l’administration a été préjudiciable à la biodiversité. Mais, une lueur d’espoir persiste puisque l’application du décret sur la répression des infractions environnementales offre une réelle opportunité de sortir les infractions flagrantes de leur impunité actuelle.
Une grotte à chiroptères
Les inventaires réalisés avant l’exploitation touristique de la grotte de Bohon[[FAIRON, J. & THYS, G., 1995b. Répertoire du Milieu souterrain pénétrable de Wallonie – inventaire descriptif des sites souterrains naturels et artificiels et leur intérêt biologique. Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, 389 pp]] ont montré qu’elle constituait un milieu idéal pour de nombreuses espèces de chauves souris puisqu’y hivernaient notamment le grand rhinolophe, les vespertilions (de Daubenton, à oreilles échancrées et à moustaches) et le grand murin… Des espèces vulnérables voire en danger d’extinction en Wallonie. La grotte de Bohon est également située dans et à proximité de sites Natura 2000 désignés depuis 2001 pour assurer la protection des chauves-souris.
Des mesures de protection mais une autorité absente
En 1997, suite aux démarches faites par un tour opérateur pour racheter le massif forestier environnant et exploiter la cavité souterraine, la grotte a été placée d’urgence, à l’initiative de la Commission Wallonne d’Etude et de Protection des Sites Souterrains, sur la liste de sauvegarde. Le délai ainsi obtenu a été mis a profit par la CWEPSS et par le DNF pour faire aboutir le dossier de mise sous statut de Cavité Souterraine d’Intérêt Scientifique, via un arrêté ministériel, le 22 décembre 1997. Un arrêté qui interdisait d’entrer dans la grotte si ce n’est pour raisons scientifiques.
Protégée par ce statut et fermée par une importante grille métallique, la grotte a cependant été fréquentée et exploitée par divers tours opérateurs qui payaient un droit d’entrée au gestionnaire-propriétaire du domaine. L’autorité publique a délivré des avertissements mais – et le manquement est à souligner – n’a pas usé des différentes voies de droits pour faire arrêter cette exploitation interdite.
Des faits pourtant inacceptables
En 2002, la CWEPSS a constaté que de nombreux aménagements de type mains-courantes, passerelles, câbles et cordes avaient été réalisés pour faciliter et accélérer le passage dans la grotte. Des mottes de boue ont été lancées sur les voûtes de la grotte aux endroits où se situaient les colonies de chiroptères. De nombreux graffitis et même des traces de feu ont été constatés ! Il va sans dire que ces aménagements, les très nombreuses visites et les dégradations constatées ont très fortement affecté le site dont l’intérêt pour les hôtes cavernicoles ne faisait que décroître.
Une tentative d’expropriation… à l’amiable
Afin de résoudre, sans le contraindre, le non respect par le propriétaire du statut de protection du site, le gouvernent a tenté en 2001 de l’exproprier. Les démarches se sont révélées infructueuses, car l’exploitant comptait bien valoriser la valeur d’utilisation de la grotte à des fins de loisirs. La encore, on regrettera que l’expropriation n’ait pas été réalisée à défaut de l’accord du propriétaire. Ce qui est pour le moins regrettable quand on sait que l’expropriation pure et simple était possible. Légiférer sur la biodiversité est une chose, faire appliquer et, quand c’est nécessaire, imposer les législations sur le terrain en est une autre en Région wallonne…
On comprend aisément pourquoi le propriétaire n’a pas accepté l’expropriation publique puisque qu’il a eu la possibilité de le revendre, en 2005, à un exploitant Hollandais qui a transformé le site en terrain de sports aventures générateur de profits notoires. En dépit de la protection du site, le nouveau propriétaire « PBN Sport & Adventure » a, en toute logique, accéléré la fréquentation du site en exploitant ouvertement la cavité. Une promotion sur Youtube montre clairement l’utilisation commerciale de la grotte…
Jusqu’à l’intervention de l’Unité Anti Braconnage
Le site a connu son apothéose en terme d’exploitation ce printemps 2009 : avec l’accord de PBN, un film a été tourné sur le site. Pour ce faire, un chapiteau a été installé dans les prairies jouxtant la grotte et, pour satisfaire aux exigences du tournage, la grille a été enlevée! La liste des infractions, cette fois, n’a laissé indifférents ni l’administration ni le Ministre et ce fut au tour de l’UAB de descendre sur le terrain. Outre les diverses infractions au permis d’environnement et au CWATUPe lié à l’installation temporaire, la descente sur les lieux s’est soldée par un flagrant délit de circulation dans la grotte et la pose de scellés.
Toujours sans protection définitive
Le dossier est aujourd’hui instruit par le parquet et on attend avec intérêt les suites qui y seront données et le jugement qui en résultera. De même, on attend toujours les mesures qui condamneront effectivement et définitivement l’accès de cette grotte aux aventuriers d’un jour.
On se demande par ailleurs comment on parviendra à convaincre gestionnaires forestiers et agriculteurs de faire des efforts substantiels et respecter des contraintes importantes pour préserver les espèces protégées dans le cadre de Natura 2000 si l’on reste incapable de faire respecter un arrêté de 1998 crucial pour la protection de ces mêmes espèces…