GAIA, défend les animaux. C’est son identité dépourvue de toute ambiguïté – l’acronyme GAIA désigne le « Groupe d’Action dans l’Intérêt des Animaux » – et c’est comme ça depuis 25 ans – l’association fête cette année son quart de siècle d’existence et on peut s’en réjouir : « Bon anniversaire ! ». Cela n’empêche toutefois pas certains de dénigrer son combat pour servir leur propre cause. La campagne menée fin août début septembre, en marge de l’Aït-el-Kébir, contre l’abattage sans étourdissement déclencha ainsi une volée de critiques aussi grotesques que violentes. Des attaques tellement outrancières qu’elles en auraient été insignifiantes si le profil de leurs auteurs ne les avait pas rendues particulièrement interpellantes voire inquiétantes.
« Les affiches de #GAIA à l’occasion de la fête du sacrifice font passer #les musulmans pour des barbares ; c’est un acharnement hypocrite #Aïd » s’indigna sur son compte twitter Jamal Ikazban, député bruxellois et chef de l’opposition PS à Molenbeek.
Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas vue, voici l’affiche incriminée.
Un mouton avec une larme de sang perlant à l’œil gauche. Pas de barbu en djellaba, un couteau dégoulinant d’hémoglobine à la main. Pas même de bête égorgée. Pas non plus de slogan accusateur. Juste cette image et un logo. Difficile de faire plus allusif, plus implicite, plus soft. Mais comme disait ma regrettée grand-mère, « qui se sent morveux se mouche… » : celui ou celle qui prétend voir là une volonté de faire « passer les musulmans pour des barbares » peine sans doute lui-même à assumer la nature du geste dénoncé.
Le procès en « acharnement hypocrite » intenté à GAIA relève lui du grand n’importe quoi. Il n’y avait en effet rien d’autre dans cette campagne que la poursuite obstinée d’un combat considéré comme juste et qui, à l’opposé d’une prétendue hypocrisie, désigne clairement sa cible : l’abattage sans étourdissement. Grâce notamment aux actions passées de l’association, la loi interdit aujourd’hui cette pratique… sauf lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre d’un rite religieux. C’est donc tout naturellement contre ladite exception jugée surréaliste – comment une quelconque croyance pourrait-elle légitimer la souffrance animale ? – que la mobilisation se concentre désormais, punt aan de lijn. On se fout de savoir si sa suppression affectera ou pas la pratique des musulmans, des juifs, des catholiques, des protestants, des orthodoxes, des pentecôtistes, des baptistes, des mormons, des hindous, des bouddhistes, des animistes, des témoins de Jehova, des scientologues ou des raeliens.
Qu’un responsable politique s’égare dans de telles considérations niant la réalité des faits et attisant des passions qu’il importerait au contraire d’apaiser est non seulement regrettable mais détestable. Et cela devient même dangereux et condamnable lorsque la manœuvre détourne et pervertit les valeurs que ce responsable est censé servir.
« Très petit, minable, Gaia démontre que son véritable but n’est pas le bien-être animal mais la stigmatisation des musulmans. Pire ils instrumentalisent la cause du bien être animal pour atteindre leur véritable but!!! la stigmatisation d’une communauté en particulier!!! une plainte et une mobilisation afin de les condamner sérieusement est utile aujourd’hui ainsi que le retrait de leurs subventions. l’argent publique ne peut pas servir à la stigmatisation. Mobilisons-nous un point c’est tout. » Ce message (dont la transcription respecte la ponctuation et l’orthographe d’origine) fut posté sur Facebook par Abobakre Bouhjar, ci-devant conseiller communal PS à Schaerbeek et, circonstance aggravante, animateur au sein du MRAX, le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie, dont il fut auparavant administrateur.
Voici donc un monsieur censé œuvrer contre la haine de l’Autre qui, à coups d’arguments fallacieux, de contrevérités et de pures calomnies, s’applique à attiser des tensions.
Comment peut-on écrire « Gaia démontre que son véritable but n’est pas le bien-être animal » ou « pire ils instrumentalisent la cause du bien être animal » alors que rien ne permet d’entretenir la moindre équivoque quant à la nature et la droiture du combat mené depuis 25 ans ? Et que dire de l’affirmation selon laquelle ce combat aurait pour véritable but « la stigmatisation d’une communauté en particulier », « la stigmatisation des musulmans », sinon que c’est à la fois stupide, injurieux et scélérat ? Ces propos à portée communautariste qui foulent aux pieds l’honneur d’une organisation intègre avilissent leur auteur, véritable pompier-pyromane idéologique. Mais peu lui importe sans doute son indignité pourvu qu’elle serve ses visées électoralistes…
Toutefois,l’attitude la plus déplorable dans cette histoire se situe peut-être du côté de Publifer, la régie publicitaire de la SNCB, qui refusa que l’affiche de GAIA apparaissent sur les panneaux des 19 plus grandes gares du pays comme le prévoyait le plan de communication initial. Motif invoqué par Fred Van Dessel, directeur des ventes chez Publifer : « Notre contrat nous empêche d’accepter des campagnes confessionnelles, politiques, sexistes ou contraires aux bonnes mœurs. »[[« La Capitale », 6 septembre 2017]] Et l’image du mouton fut considérée comme susceptibles de « porter atteinte aux convictions religieuses ». Pareilles interprétation et position ne pouvaient évidemment qu’alimenter la rhétorique se plaisant à entretenir l’amalgame entre défense du bien-être animal et dénigrement d’une pratique religieuse.
Comme quoi la dictature du politiquement correct et la peur de choquer les susceptibles peuvent s’avérer dangereusement contre-productives…