« Hydrogène hype », garder la tête froide

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S’il n’y a pas de doute sur le fait que l’hydrogène peut jouer un rôle important dans la transition énergétique, nous devons garder la tête froide face à certains discours simplificateurs. Tour d’horizon des défis environnementaux de l’hydrogène.

Sur le papier, l’hydrogène semble être une solution miracle pour la transition énergétique car il n’émet pas de CO2 (juste de l’eau) que ce soit en le brûlant ou en l’utilisant via une pile a combustible pour produire de l’électricité. Il permet aussi de stocker l’électricité grâce à la réaction d’électrolyse. C’est sur base de ce constat que l’hydrogène est devenu le chouchou des politiques énergétiques en quelques années (à la suite du livre économie de l’hydrogène de Jérémy Rifkin en 2002). Aujourd’hui, plus un débat sur l’énergie où la question hydrogène ne soit au centre des discussions.

1. Pas d’hydrogène gris

L’hydrogène sous sa forme moléculaire H2 n’existe (presque) pas sur terre, il faut donc le produire. Actuellement sa production repose sur  le « cassage » des molécules de gaz fossile (CH4), ce qui émet de grandes quantités de CO2. On parle alors d’hydrogène gris qui a un impact négatif sur le climat au même titre, voire pire, que le méthane dont il est issu (Une centrale électrique H2 émettrait par exemple à peine moins de  CO2 qu’une centrale au charbon).

L’hydrogène gris doit donc être exclu de tout futur énergétique (et ne peut être soutenu par les autorités).

Certains défendent l’idée de capter le CO2 issu du processus de conversion du méthane en hydrogène, ce qui le rendrait « neutre en carbone ». On parle alors d’hydrogène « bleu ». Mais les technologies de  capture du carbone pour le stocker (CCS) ou pour le ré-utiliser (CCU) posent encore beaucoup de questions malgré les milliards européens qui ont été investis dans cette technologie, notamment du fait de son coût ou de sa faible fiabilité en terme climatique. Nous reviendrons plus tard sur ces technologies. En attendant le dossier réalisé  en 2014 par IEW reste pertinent dans les questions qu’il pose.

2. Des quantités d’hydrogène vert limitées

Un autre moyen de produire l’hydrogène est de faire passer un courant électrique dans l’eau (H20) (on parle d’électrolyse). L’hydrogène qui est produit à base de ce processus pourrait dès lors être vert si l’électricité utilisée est renouvelable. Aujourd’hui pour des raisons de coût de production, cette technique demeure anecdotique dans la production d’hydrogène. La recherche et le développement des électrolyseurs à un niveau industriel offrent de vraies perspectives d’avenir, d’autant que certains acteurs wallons de premier plan sont en course pour le développement de ces technologies (notamment John Cockerill).

Toutefois, quand on transforme de l’électricité verte en hydrogène, il y a des pertes importantes d’énergie : on parle de pertes de transformation estimées à +/- 30%. Il est donc beaucoup plus intéressant d’utiliser l’électricité renouvelable directement plutôt que de la transformer en hydrogène. D’autant que nous savons à quel point l’électricité renouvelable est précieuse et que donc on ne peut la gaspiller ! Faut-il évoquer la difficulté qu’il y a à installer des éoliennes en Wallonie ?

Nous estimons donc raisonnable de n’utiliser pour la production d’hydrogène, que l’électricité renouvelable que l’on ne sait pas consommer tout de suite sous forme d’électricité. C’est le cas par exemple quand le vent souffle et que nous ne consommons pas toute l’électricité produite. Il est alors très intéressant de transformer cet excédent d’électricité verte en hydrogène. 

3. Une utilisation en ligne avec les stocks disponibles

Les quantités d’hydrogène vert disponibles sont donc directement liées à la disponibilité d’excédents de production d’électricité renouvelable ! Il faudra de ce fait l’utiliser avec parcimonie là où nous ne disposons pas d’alternatives… On le voit, on est très loin de l’économie de l’Hydrogène rêvée par Rifkin !

C’est le cas dans l’industrie, en remplacement des combustibles fossiles pour les processus industriels qui nécessitent des températures importantes. Comme nous le voyons au point 4, certains chercheurs soulignent qu’il serait alors plus efficace de le transformer en gaz CH41.

Il peut également être envisagé pour la production d’électricité quand le vent ne souffle pas…  Notons qu’il est bien plus efficace d’utiliser des  piles à combustible plutôt que d’imaginer brûler l’hydrogène dans des centrales gaz reconverties…

Quoi qu’il en soit, les stocks d’hydrogène vert disponibles à terme ne devraient pas permettre une utilisation plus large. Il est donc inutile d’envisager des utilisations de l’hydrogène comme carburant pour le transport en tout cas individuel où l’électricité verte peut être utilisée directement.

4. Un gaz « vert » à base d’hydrogène… en quantité limitée.

L’hydrogène (H2) peut se consommer comme tel.  Mais on parle beaucoup de le transformer en méthane (CH4)  en le combinant avec du CO2 via une réaction de Sabatier… Cette transformation de l’hydrogène en méthane vise surtout à  faciliter le stockage car l’hydrogène se stocke mal : le faire implique de le garder sous très forte pression ou très basse température…

Mais le secteur du gaz y voit surtout un moyen pour pérenniser ses investissements (réseaux de gaz belge parmi les plus denses au monde, centrales au gaz … ) dans un contexte où la crise climatique nous oblige à bannir le méthane au plus tôt.  A ce stade, il faut au minimum rester extrêmement prudents par rapport à cette proposition…

Car la transformation de l’hydrogène en méthane entraine de nouvelles pertes de conversion et rend donc notre point 3 (disponibilité limitée des stocks d’hydrogène vert) encore plus prégnant. Dans tous les cas, ce gaz vert (produit à base d’hydrogène mais aussi certains biogaz) sera donc disponible en petite quantité et les infrastructures actuelles de gaz naturel dont notre fameux réseau seront bien trop importantes par rapport au stock de gaz « vert » disponible.  

CONCLUSION

Pas de doute, l’hydrogène est un pion de la transition énergétique notamment parce qu’il permet de stocker les excédents d’électricité renouvelable. Mais nous constatons encore une fois que les effets de mode ont aussi lieu dans les salons du pouvoir.  Les différents plans de relances des pays européens rivalisent pour savoir qui mettra le plus de milliards dans la filière hydrogène. Jusqu’à parfois perdre le sens des mesures.

Nous appelons les autorités belges à garder la tête froide et à dessiner une vision de l’hydrogène qui tienne compte des limites de cette technologie.

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  1. Comme dans cet article de l’université de Gent