Cette semaine, Verviers vit « Au film de l’eau ».
Conférences, films et animations diverses autour de l’eau et de ses cours animent la cité lainière.
Cette célébration apparaît toutefois quelque peu paradoxale lorsque l’on sait que la commune s’apprête à couvrir la Vesdre sur plus de 200 mètres!
En cause, un projet de centre commercial gigantesque chevauchant la rivière à l’entrée ouest de la ville.
Si Inter-Environnement Wallonie ne nie pas la nécessité de requalifier cet espace défiguré par d’importants travaux routiers dans les années 70 et reconnaît l’intérêt d’implanter des commerces au centre-ville, le projet présenté lui apparaît inacceptable dans sa forme actuelle.
En premier lieu, Inter-Environnement Wallonie met sérieusement en doute la viabilité économique d’un centre commercial d’une telle ampleur dans une ville de moins de 55.000 habitants. Quelque 86 cellules commerciales réparties sur 32.000 m2 et sur deux niveaux (avec des allées en cul-de-sac) sont ainsi prévues alors que l’on connaît la difficulté de faire vivre les étages des centres commerciaux. La désertion du niveau supérieur de la galerie Opéra, pourtant au c½ur des principaux parcours urbains de Liège, en témoigne tristement. A Verviers même, l’outletmall inauguré récemment à quelques centaines de mètres du site du projet est encore partiellement vide… Le risque est dès lors grand de se retrouver d’ici quelques années face à un chancre urbain. Le promoteur prévoit d’attirer une clientèle issue d’une large région allant de Liège à Aachen mais on peut légitimement se demander ce que cette clientèle viendrait chercher qu’elle ne trouve pas chez elle dans ce centre commercial semblables à tant d’autres…
Une bonne gestion supra locale imposerait la prise en compte de la hiérarchie urbaine dans la taille et le type de structures commerciales autorisées, à l’image du Danemark qui a compris l’importance stratégique du commerce dans le développement territorial.
Le promoteur fait évidemment miroiter l’emploi, argument massue s’il en est. Mais à côté des emplois (éventuellement) créés, a-t-il évalué ceux qui seront perdus ? Car ni la clientèle, ni le pouvoir d‘achat ne sont extensibles…
Ce projet est d’autre part extrêmement critiquable sur les plans urbanistique, patrimonial et paysager. C’est que la Vesdre raconte l’histoire de la cité lainière; elle définit un paysage (arrêtez-vous sur le pont du Chêne..) et génère une architecture qui fait le charme et la spécificité de Verviers. Le schéma de structure en cours identifie d’ailleurs la rivière comme un atout majeur à valoriser.
La couvrir, c’est gommer cet atout. Et c’est aussi condamner une rivière vivante. La Vesdre fait en effet partie du patrimoine social. Des Verviétois de plus en plus nombreux – dont ceux-là même qui avait dénoncé la transformation de ses berges en voies rapides dans les années 70 – s’élèvent ainsi contre le projet et la couverture de « leur » rivière.
A l’heure où les villes qui n’ont pas de cours d’eau le déplorent et où celles qui l’ont canalisé le regrettent et engagent parfois des frais importants pour le remettre à jour, ce projet apparaît totalement inadapté… Gageons dès lors que les élus entendront la voix des citoyens et s’attelleront à préserver ce qui fait l’âme et l’identité de leur ville.
Contact : Sophie Dawance, chargée de mission « Aménagement du territoire » : 0477/495.434