Le plan Marshall wallon vise à donner un élan en vue d’une redynamisation économique de notre région. A ce titre, nous ne pouvons qu’y adhérer. Ce plan nous semble d’ailleurs d’autant plus intéressant qu’il est fondé sur une analyse économique et sociale sérieuse des causes du mal-développement wallon.
Un programme spécifique et intégré de soutien est de fait essentiel si l’on veut booster la relance de l’activité économique. Nous appuyons aussi la volonté politique de sortir du saupoudrage des moyens publics, dont le principal effet est de satisfaire les baronnies sous-régionales, pour aller vers une meilleure efficience fondée sur des critères et des procédures d’évaluation plus objectifs dans l’affectation des investissements publics. Mais…
Dans une économie mondialisée comme la nôtre, il y a des limites importantes à l’action politique menée à l’échelle d’une région comme la Wallonie. Les moyens d’incitation restent faibles en terme d’impacts tant la concurrence internationale est rude. Il est par exemple reconnu que pour les investisseurs, l’accès à l’énergie constitue souvent le nerf de la guerre. On voit dès lors combien l’absence de capacité à définir une politique énergétique cohérente et responsable à l’échelle de la Belgique fédérale est un terrible handicap pour toute l’activité économique.
Impliquer tous les acteurs sociaux
« L’effort et le talent sont à valoriser dans notre société » disait Elio Di Rupo. Nous sommes tous d’accord, mais il n’y a pas de génération spontanée en la matière. Il faut d’abord rendre aux gens confiance dans l’avenir, leur donner l’envie et les moyens de se battre, de croire en leurs potentialités. A ce titre, il est essentiel de permettre au citoyen de s’exprimer et d’avoir un réel impact sur ses choix de vie. Un levier en la matière est de développer les logiques de concertation et de partenariat avec la société civile… Et de rénover les pratiques en osant (« prendre plus de RISQUES » disait Elio Di Rupo) s’ouvrir réellement aux nouveaux acteurs sociaux porteurs précisément de projets et logiques novatrices pour notre avenir. Si le Contrat d’Avenir Wallon ouvrait la voie en ce sens, il l’a fait de manière trop limitée. Nous tenons à réaffirmer que parmi les forces vives d’une Région se trouvent aussi les associations environnementales et les nouveaux mouvements sociaux. La société civile d’aujourd’hui a changé, elle n’est plus celle de l’après-guerre quand se sont mis en place les mécanismes de concertation sociale. Il est temps d’acter ce changement et d’en tenir compte : la perspective d’un développement durable de la Wallonie ne peut se contenter d’impliquer la société civile par le filtre des partenaires sociaux classiques.
D’abord des politiques transversales
Ce Plan est de nature purement économique. Néanmoins, le Gouvernement prévoit dans les semaines à venir d’élaborer un Plan Social et un Plan Environnemental. A quand une réelle logique de développement durable dans la conception des politiques publiques en Wallonie ? Les trois dimensions politiques doivent en effet être réellement croisées si l’on veut avoir une efficacité dans la définition du Plan de Relance de l’Activité Economique qui vaut sur le long terme. S’engager dans une simple course au rattrapage économique, c’est mettre genou à terre devant des investisseurs faisant peu de cas des normes sociales, de la qualité de l’environnement et du bien être des Wallons et des Wallonnes.
D’une part, l’économie ne peut se concevoir sans débouchés, c’est-à-dire sans consommateurs… Il est donc essentiel de croiser toute politique de relance économique avec des moyens de redistribution des revenus et de la richesse.
Par ailleurs, qui dit développement économique ne dit pas nécessairement création d’emplois : faute d’accompagnement social, nouvelles technologies ou innovation riment trop souvent encore avec réduction des effectifs, rationalisation oblige…
Enfin, l’activité économique ne peut se réfléchir sans intégrer ses externalités, ses coûts pour la collectivité. En faire fi est un très mauvais calcul sur le moyen et le long terme.
Tous les indicateurs et une évaluation sérieuse des politiques publiques menées chez nous depuis l’après-guerre témoignent de la nécessité d’une définition en amont des politiques transversales.
Et l’Economie Sociale ?
Les créneaux ciblés en terme de développement économique restent très fortement articulés aux secteurs privés traditionnels. Pourtant, l’Economie Sociale est le secteur qui a créé le plus d’emplois en Belgique au cours de la dernière décennie. Le secteur Non-Marchand est le grand absent de ce Plan.
D’accord pour des investissements conséquents dans la recherche-développement et les nouvelles technologies mises au service du bien-être des citoyens plutôt qu’au renforcement des bénéfices des actionnaires. Mais nous souhaitons que soit privilégié le secteur des technologies articulées à un développement durable, en particulier celles favorisant les économies d’énergie et les productions « propres ». Elles constituent un réel levier de redressement de l’économie wallonne en combinant création d’emplois et investissements durables.
Une économie reposant sur des services publics de qualité
Le Plan Marshall ne peut constituer un «one shoot ». Aider l’activité économique nécessite des mesures structurelles. Si on veut que nos gouvernements conservent des moyens d’impulser par exemple un programme de relance économique, il faut leur garantir des moyens structurels suffisants pour assumer ce rôle. Il faut aussi préserver des infrastructures publiques, un enseignement de qualité et, plus largement, des services collectifs qui constituent des éléments déterminants pour des investissements économiques. Pour cela, pas de miracle, il faut des impôts. Pas plus d’impôts, mais pas moins non plus : ils doivent surtout être mieux répartis, de manière plus juste, plus égalitaire.
Des critères pour le futur
Toujours dans une perspective de développement durable, il serait bon que les projets soient sélectionnés en fonction des critères que suppose cette notion. A la lecture du document, il apparaît que l’ensemble des futures zones d’activité économique issues du « plan prioritaire » mené sous la législature précédente fassent l’objet de subventions accélérées. Or, la plupart de ces zonings sont axés sur une desserte purement routière. Certains sont en outre contraires aux principes de bon aménagement (structurer le territoire, éviter le mitage…) On citera en particulier les zonings de Theux, Jodoigne et Viesville. Il conviendrait de privilégier une liaison des ZAE aux infrastructures alternatives au transport routier (chemin de fer, voie d’eau), en cohérence avec l’abolition des droits de navigation proposée dans le plan.
Oui à l’activation des friches industrielles
Donner des moyens conséquents à l’assainissement des sites d’activité économique désaffectés et surtout à l’activation économique des friches industrielles : mille fois oui ! En lieu et place de l’extension ou du soutien en équipement des zonings industriels.
Oui aussi à l’idée d’instaurer des zones franches là où on souhaite favoriser l’implantation d’entreprises. Nous tenons par contre à souligner que limiter la concrétisation de ce projet à quelques communes ciblées à l’avance va à l’encontre de la dynamique de bonne gouvernance promue par ailleurs. Il restera aussi à préciser, au sein des territoires communaux retenus, les critères de sélection des zones qui méritent réellement une attention particulière : leur déclin ? leur concentration en friches industrielles ? ou leur accessibilité multimodale ?
En résumé, nous voulons y croire et saluons ce plan dynamique pour la relance dynamique de notre région. Il nous reste néanmoins des attentes importantes : une vision sur la place de la Wallonie dans l’Europe et dans le monde, une réelle rénovation des pratiques de concertation, la mise en ½uvre concrète d’actions de bonne gouvernance, une meilleure intégration des logiques du développement durable… Nous sommes en tout cas demandeurs de jouer dans la pièce.
Dimitri BARTHELEMY
Secrétaire général d’Inter-Environnement Wallonie
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