Après le « Casse-toi, pauv’con ! » de 2009, Nicolas Sarkozy a ponctué cette année sa visite au Salon de l’agriculture d’une autre petite phrase sans doute moins spontanée mais toute aussi percutante. Le Président français a en effet déclaré : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement parce que, là aussi, ça commence à bien faire. »
Ainsi donc, le compagnon-bâtisseur du Grenelle de l’environnement, le missionnaire de la pensée écologique, le Che vert appelant à la révolution sociétale pour sauver la Planète, considère désormais que « l’environnement, ça commence à bien faire ».
Cette prise de position en forme de tête à queue apparaît d’autant plus surréaliste qu’elle s’est opérée face à une profession dont on peine à dire qu’elle vit sous le joug d’une dictature écologique. Si l’agriculture était majoritairement soucieuse de préserver ses matières premières que sont la terre, l’eau et l’air d’un abus d’intrants, pesticides, herbicides ou effluents d’élevage, cela se saurait… et elle serait sans doute dans une situation économique moins dramatique qu’actuellement. La saillie sarkozienne prend d’ailleurs un sel supplémentaire lorsqu’on la confronte au dernier rapport de la Cour des Comptes française qui appelle l’Etat à « une politique plus volontariste » en matière de pollution agricole, déplorant une « action répressive insuffisante » et une « approche routinière ». Ce n’est pas la nouvelle ligne tracée par Sarkozy qui pourra faire évoluer favorablement cet état des lieux catastrophique… Si l’on s’en réfère à l’exemple choisi pour illustrer le présidentiel propos, la situation risque même plutôt de passer de grave à désespérée. Le chouchou à sa Carlita montre en effet qu’il n’a peur de rien, surtout pas du ridicule, en déclarant : « Sur les normes environnementales, je souhaite qu’on montre l’exemple mais qu’on avance en regardant ce que font les autres, parce que sinon, il n’y aura plus d’éleveurs de porcs bientôt chez nous. » Les Bretons qui voient le sol et les nappes phréatiques de leur région mourir des quantités de lisier générées par les porcheries industrielles doivent être en pleine analyse sémantique pour savoir s’il s’agit d’une promesse ou d’une menace…
L’épisode pourrait paraître anecdotique mais il est au contraire tristement révélateur de la place qu’occupent encore et toujours les enjeux environnementaux dans l’esprit des décideurs. Hors des discours et déclarations d’intention à la gloire du développement durable, ils restent essentiellement perçus comme des bâtons mis dans les roues du système de production, des obstacles entravant la bonne marche de l’économie. On peine visiblement, dans les cercles du pouvoir, à en faire un paramètre décisionnel à part entière et, plus encore, à y voir une opportunité à exploiter plutôt qu’une contrainte à subir ou à contourner. Ils deviennent ainsi des handicaps à une agriculture rentable alors qu’ils devraient être le moteur d’une agriculture respectueuse du milieu mais aussi de la qualité de sa production et du bien-être tant sanitaire que financier de ses travailleurs…
Et c’est la même logique périmée qui prévaut lorsqu’on s’obstine à vouloir « sauver » des industries condamnées à terme au lieu d’injecter les capitaux et de recycler main d’½uvre comme savoir-faire dans des activités répondant aux besoins et à la réalité du monde de demain.
Décidément, le combat est loin d’être gagné ; il commence à peine…
Extrait de nIEWs (n°71, du 11 au 25 mars),
la Lettre d’information de la Fédération.
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