Les individus socialement les plus défavorisés ont un risque de mortalité accru de 21 % par rapport à la moyenne et de 45 % par rapport à ceux de la classe supérieure. C’est là l’un des résultats mis en évidence par une étude de la Mutualité chrétienne sur les inégalités en matière de santé[[Avalosse H., Gillis O., Cornelis K., Mertens R., Inégalités sociales de santé : observations à l’aide de données mutualistes, Bruxelles, Mutualité chrétienne, 2008]].
Ces chiffres ne constituent pas en soi une surprise. Ils viennent confirmer ce qui est connu de longue date. Déjà durant les années 70, certaines recherches épidémiologiques soulignaient le fait que l’avènement d’une sécurité sociale garantissant un accès aux soins de santé n’avait pas permis de mettre un terme aux inégalités en matière de santé[[DEBOOSERE P et FISZMAN P., Inégalités sociales et spatiales de santé en Région bruxelloise dans CORNUT P., BAULER T. et ZACCAI E., Environnement et inégalités écologiques, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2007, 136-145]].
D’après la Mutualité chrétienne, l’origine de ces disparités dépasserait de loin le domaine de l’accès aux soins et de leur qualité. D’autres causes, tant structurelles que culturelles, peuvent être mises en évidence. On citera les conditions de travail, le logement ou encore l’environnement. L’étude souligne d’ailleurs que l’état de santé relativement moins bon des populations défavorisées est influencé par des facteurs extérieurs comme le milieu professionnel, l’insalubrité des logements ou les pollutions.
Et la Mutualité d’ajouter que la situation devrait faire l’objet d’une approche concertée. Au vu des nombreux éléments impliqués, il ne suffira pas de s’attaquer aux aspects liés aux soins de santé pour résoudre le problème. D’autres facteurs devront faire l’objet d’une prise en charge. C’est le cas des aspects environnementaux, eux-mêmes sources de nombreuses inégalités.
En effet, les populations moins favorisées bénéficient dans bien des cas d’un environnement de moins bonne qualité, voire parfois dégradé. C’est ce qu’on appelle les inégalités environnementales, qui se définissent comme une « forme spécifique d’inégalité sociale qui concerne soit l’exposition aux pollutions ou aux risques, soit l’accès à la nature ou aux aménités urbaines ou rurales, soit encore la capacité d’actions des citoyens ».
Ces inégalités environnementales et par extension le lien entre ces inégalités et la santé font aujourd’hui l’objet d’un intérêt grandissant. Dernièrement encore, l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) organisait un séminaire sur les inégalités environnementales et les risques sanitaires et soulignait dans les conclusions de cet événement le lien entre les deux composantes[AFFSET, [Inégalités environnementales et sanitaires, 2008]]. En Belgique, les inégalités environnementales font aussi l’objet d’études, dont certaines mettent l’accent sur les implications sur la santé[[CORNUT P., BAULER T. et ZACCAI E., Environnement et inégalités écologiques, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2007]]. La Fédération Inter-Environnement Wallonie n’est pas en reste et s’est elle aussi intéressée au sujet en démontrant que les populations socio-économiquement moins favorisées étaient plus exposées aux nuisances sonores, facteur de stress et susceptibles d’intervenir dans l’apparition des troubles du sommeil ou de certaines fonctions physiologiques[[LEJEUNE M. et THIBAUT A., La pauvreté et l’environnement : les inégalités écologiques en Wallonie, 2007]].
L’identification de ces inégalités environnementales et l’évaluation de leurs conséquences sur la santé sont importantes car on peut espérer qu’elles auront une incidence sur les politiques publiques. Des politiques qui, si elles sont correctement définies et mises en ½uvre, peuvent indirectement contribuer à la réduction des inégalités en matière de santé.
A cet égard, on soulignera que les politiques contre les inégalités environnementales devront être adaptées aux situations rencontrées et se traduire par des mesures à de multiples niveaux, parfois négligés, comme la communication avec le grand public. Il est en effet plus que nécessaire de mettre en ½uvre des plans de sensibilisation et d’information différenciés dans les domaines des pollutions environnementales (pollution de l’air, des sols, ondes électromagnétiques…), ciblant certaines couches de la population comme on le fait dans le domaine de la santé et de s’assurer de la transmission du message.
Une politique volontariste se justifie pleinement pour résorber les inégalités de santé, qui, comme le souligne la Mutualité chrétienne, ne sont certainement pas une fatalité. Ces inégalités sont le fruit d’une conjonction d’éléments dans de nombreux domaines. Agir sur les vecteurs qui peuvent l’influencer est donc important, y compris le vecteur environnemental.