Pour le Ministre Carlo Di Antonio, « Il faut aujourd’hui imposer, à travers un décret, la participation citoyenne et la participation des pouvoirs publics. C’est la meilleure chose que l’on puisse faire pour permettre un développement éolien plus important. »[[http://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/2016_2017/CRIC/cric67.pdf p. 19]] IEW ne pourrait pas mieux dire ! Pour la Fédération, les citoyens et les communes doivent pouvoir devenir des acteurs de la transition énergétique en Wallonie.
Pourtant, les recours quasi systématiques au Conseil d’Etat contre les projets éoliens depuis quelques années sont aussi une forme de participation citoyenne, comprise au sens large, qui intervient tout à la fin du processus décisionnel puisqu’il s’agit pour ces citoyens de faire annuler a posteriori une décision. Ces recours, souvent soutenus par Vent de Raison[Noé Lecocq « [Mais qui sont donc ces « anti-éoliens » ? », dans nIEWs, le 13 février 2014]], sont considérés par les acteurs du secteur comme le principal frein au développement éolien tant ils occasionnent de retard et de frais. Y aurait-il des formes de participation citoyenne désirable et d’autres pas ? Il me semble important de se pencher sur ce paradoxe qui traverse également la Fédération et de proposer des pistes pour le dépasser afin d’inscrire le développement cette énergie renouvelable dans un contexte réellement démocratique.
Contexte
Les recours contre les projets éoliens s’inscrivent dans des tendances de fond de notre société. On peut plus généralement pointer un changement d’attitude du public face au développement d’infrastructures. Pour Craig Moris[Journaliste spécialisé, auteur du livre « Energy democracy » interviewé par Michel Huart et Jean Cech le 14/11/2016 dans Renouvelle [http://www.renouvelle.be/fr/debats/transition-allemande-les-citoyens-jouent-un-role-essentiel ]] « Aujourd’hui, lorsqu’un développeur envisage la construction d’une nouvelle centrale électrique, d’une nouvelle ligne électrique ou d’un parc éolien, il doit systématiquement faire face à un public qui n’y est pas favorable. […] Après la dernière guerre, nous nous trouvions dans une situation où tout était à reconstruire. Et les gens étaient fondamentalement et systématiquement ravis de voir arriver toutes ces nouvelles infrastructures. C’est ce qu’ils appelaient le progrès. Ce n’est que peu à peu qu’ils se sont rendus compte que toutes ces installations avaient aussi un impact sur leur qualité de vie. »
Cette évolution s’inscrit également dans la perte de confiance actuelle dans les acteurs institutionnels[[http://www.lesoir.be/1410878/article/actualite/belgique/2017-01-08/noir-jaune-blues-confiance-dans-institutions-classiques-en-chute-libre]] (traditionnellement l’Etat, l’Administration, l’Ecole, l’Armée… auxquels on pourrait ajouter l’Entreprise, l’Industrie, la Grande Distribution, les Médias traditionnels mais aussi les Syndicats, les ONG…). Le temps où l’on se fiait aux calculs des ingénieurs est révolu !
Pistes
Une participation efficace des citoyens passe en premier lieu par une bonne information. Un projet éolien convoque de multiples enjeux : réchauffement climatique, bruit, santé, foncier, biodiversité, paysages, financements, etc. Il faut aussi se familiariser avec les différents acteurs du projet et leurs rôles respectifs ainsi qu’avec le processus décisionnel. Les sites internet qui traitent d’éolien sont perçus comme émanant des « pros » ou des « anti » éoliens[[Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne traitent pas du sujet de manière objective. ]] et présentent des informations contradictoires. Il est donc difficile pour « Monsieur et Madame Toutlemonde » de s’y retrouver et de savoir qui « croire ». Il serait utile de disposer d’un site de référence sur l’éolien qui présente l’état des lieux des connaissances scientifiques sur les différents enjeux liés, sous la supervision d’acteurs académiques.
Mais une bonne information ne suffit pas. Il s’agit pourtant de la vision dominante chez les promoteurs. Selon l’étude « Acceptabilité locale des projets éoliens. Impact du processus décisionnel[C. Fallon, C. Parotte et N. Rossignol (2011) [Acceptabilité locale des projets éoliens. Impact du processus décisionnel]] » , l’approche des promoteurs s’inscrit dans le « modèle du déficit », selon lequel la résistance des citoyens à l’innovation est la conséquence d’un déficit de connaissances. Une information « top down », surtout limitée aux deux moments prévus par la procédure (la réunion d’information préalable et l’enquête publique), ne permet pas aux personnes qui craignent pour leur cadre de vie de se sentir prises en compte. Il est important que les préoccupations des citoyens puissent s’exprimer et être prises en compte beaucoup plus en amont de l’enquête publique ou à travers un recours au Conseil d’Etat. Il faut pour cela mettre en place un dialogue régulier entre les parties prenantes tout au long du projet, voire aller vers une co-contruction du projet. Une telle approche prend du temps (au début) et ne s’improvise pas au risque de s’enliser dans une bataille d’argumentaires entre les « pros » et les « antis » où les points de vue se radicalisent. Il faut tout d’abord identifier les parties prenantes et définir une stratégie participative adaptée et transparente qui précise ce que chaque acteur peut en attendre. La mise en œuvre devra s’appuyer sur les outils d’intelligence collective et faire l’objet d’évaluation. Il serait utile de mener en Wallonie des projets pilotes de ce type qui puissent aussi puiser dans les bonnes pratiques du toolkit « WE engage » du projet européen WISE power ou encore du projet européen Best grid[Voir aussi V. Xhonneux [Participation du public et réseaux électriques : enseignements du projet européen Bestgrid, nIEWs du 15/10/15 ]].