La chimie met toujours plus les enfants en danger

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25 chercheurs spécialistes de santé environnementale alertent, dans un article de synthèse publié mercredi 8 janvier par le New England Journal of Medicine, sur la hausse continue et inquiétante des maladies non transmissibles touchant les enfants. Ces maladies sont fréquemment causées par l’exposition aux substances chimiques de synthèse présentes dans l’environnement, les objets du quotidien et la chaîne alimentaire. Résumé. Cet article entre en parfaite synergie avec celui qui aborde la question des cancers pédiatriques publié le mois passé.

« La situation s’aggrave rapidement. L’augmentation continue et incontrôlée de la chimie de synthèse met non seulement en danger les enfants du monde entier, mais elle menace aussi la capacité de reproduction de l’humanité. »

Philip Landrigan, directeur de l’Observatoire de la santé planétaire du Boston College et auteur principal de cette étude.

Les maladies non transmissibles (MNT) sont aujourd’hui les principales causes de maladie et de décès chez les enfants, avec une incidence et une prévalence en hausse. La recherche établit des liens entre ces MNT et les produits chimiques de synthèse.

Production et exposition

Les auteurs indiquent qu’aujourd’hui 350 000 substances chimiques de synthèse sont sur le marché, dont les 4/5 n’ont fait l’objet d’aucune étude toxicologique. Or il existe, écrivent les scientifiques, « un large éventail de preuves » liant les expositions chimiques périnatales ou prénatales à l’ensemble des maladies non transmissibles en augmentation chez l’enfant, ainsi qu’à la perte de capacités cognitives. « Depuis la fin des années 1990, le nombre d’études publiées sur les effets délétères des expositions chimiques sur l’enfant est passé d’un millier par an à plus de 11 000 en 2020« , notent les chercheurs pour qui la réalité des effets délétères ne fait pas de doute.

Augmentation des MNT pédiatriques : quelques données


Au cours des 50 dernières années:

  •  L’incidence des cancers infantiles a augmenté de 35% (voir notre article sur les cancers pédiatriques)
  • Les malformations congénitales de l’appareil reproducteur masculin ont doublé
  • Les troubles neurodéveloppementaux touchent 1 enfant sur 6
  • L’autisme est diagnostiqué chez 1 enfant sur 36
  • L’asthme pédiatrique a triplé
  • L’obésité pédiatrique a presque quadruplé

Une vulnérabilité particulière des enfants

Les recherches ont démontré qu’il existe une vulnérabilité particulière propre aux enfants :

  • Les produits chimiques toxiques traversent le placenta
  • Les enfants sont beaucoup plus vulnérables que les adultes
  • Même de brèves expositions à faible dose pendant les périodes sensibles augmentent les risques
  • Les expositions prénatales sont particulièrement dangereuses

Des lacunes réglementaires
dénoncées depuis plus de 20 ans

La législation actuelle présente d’importantes faiblesses dont les lacunes suivantes :

  • Peu de tests de toxicité avant la mise sur le marché
  • Absence de surveillance post-commercialisation
  • Présomption d’innocuité des produits
  • Protection excessive des secrets industriels
  • Évaluation individuelle des substances sans tenir compte des effets cumulatifs

Pour approfondir le sujet en se centrant sur la législation européenne (REACH) consultez notre article de synthèse. Pour ce qu’il en est de l’attitude condamnable de l’industrie, voyez le constat sévère posé par la médiatrice à l’Europe, madame O’Reilly.

Les cohortes de naissance : un outil à mettre en oeuvre d’urgence

Les études de cohortes de naissance constituent des plateformes particulièrement puissantes pour découvrir les liens entre les produits chimiques de synthèse et les maladies. Ces études prospectives mesurent les expositions chimiques chez les femmes enceintes et les fœtus, puis suivent longitudinalement les enfants sur de nombreuses années. Leur force réside dans leur capacité à établir des liens directs entre les expositions et les résultats chez chaque enfant, tout en éliminant les biais de rappel.

Ces études ont permis des découvertes majeures, notamment :

  • Le lien entre l’exposition prénatale aux phtalates et les troubles du développement reproducteur masculin
  • La relation entre l’exposition précoce au DDT et le cancer du sein chez les femmes
  • Les effets des expositions in utero aux retardateurs de flamme bromés, aux phtalates et aux organophosphates sur la diminution permanente des fonctions cognitives
  • L’association entre les expositions précoces aux PFAS et les dysfonctionnements immunitaires, la dyslipidémie et les troubles thyroïdiens, ainsi que l’apparition de leucémies lymphoblastiques aigües chez les enfants de 3 à 5 ans.

La validité de ces associations est particulièrement convaincante lorsque plusieurs études épidémiologiques menées sur différentes populations et zones géographiques produisent des résultats cohérents.

Recommandations pour le changement

Les auteurs de l’étude préconisent:

  • Une nouvelle approche réglementaire privilégiant la protection de la santé
  • Des tests rigoureux et indépendants avant toute mise sur le marché
  • Une surveillance post-commercialisation obligatoire
  • Un traité mondial contraignant sur les produits chimiques
  • Une transformation fondamentale de l’industrie chimique vers plus de durabilité

Notons que ces recommandations entre en parfaite résonance avec celles avancées depuis un temps certain par le secteur associatif, le secteur médical et celui des recherches indépendantes (donc pas celles menées par l’industrie chimique).

Impact économique

Les maladies causées par l’exposition aux produits chimiques dans l’enfance entraînent des pertes économiques massives en termes de dépenses de santé et de perte de productivité. À l’inverse, la réduction des expositions toxiques peut générer des bénéfices économiques majeurs, comme l’a montré l’élimination du plomb dans l’essence aux États-Unis. On ne le dira jamais assez, la prévention présente des avantages sociétaux, y compris économiques, incontestables.

La pollution par les produits chimiques de synthèse et les plastiques constitue un défi planétaire qui s’aggrave rapidement. Une action urgente est nécessaire pour protéger la santé des enfants et l’avenir de l’humanité, même si cela implique une profonde réorganisation des cadres juridiques et industriels actuels.

Il est donc urgent que les autorités politiques des Etats Européens et du monde écoutent les experts en santé, les associations de victimes, les associations de protection de l’environnement… au moins autant, et même davantage que les lobbys des industries qui mettent ses poisons sur le marché.

Crédit image illustration : Adobe Stock

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