Un Airbus A350-1000 en configuration maximale (480 sièges) s’écrase. Toutes les personnes présentes à bord décèdent … C’est là le bilan annuel de l’insécurité routière en Belgique en 2023. Derrière ces chiffres, il y a une souffrance. Indescriptible, insupportable. La manière dont notre société traite ce problème et la lenteur avec laquelle est réduit le nombre de victimes de la route sont inexcusables. Les responsabilités, clairement identifiées, doivent être pointées.
Outre les 500 personnes qui sont tuées sur les routes belges chaque année, plus de 3 000 sont gravement blessées et en garderont des séquelles physiques et/ou psychologiques à vie. Face à ces chiffres, face à cette souffrance, une grande partie de la population fait hélas preuve d’un impardonnable fatalisme – voire d’une cruelle indifférence. La même tendance s’observe dans la classe politique, miroir de la société. Certaines personnes, heureusement, mettent tout en œuvre pour combattre le fléau de l’insécurité routière. À l’opposé, d’autres ne parviennent pas à (ou ne veulent pas) sortir des vieux schémas et combattent des solutions dont l’efficacité est pourtant prouvée – quand ils ne votent pas en faveur de dispositions qui vont, de manière sûre, accroître le nombre de victimes de la route.
Un vote écœurant au Parlement européen
Ce 28 février 2024, en séance plénière, le Parlement européen se positionnait sur le projet de révision de directive sur le permis de conduire. Des centaines d’amendements avaient été proposés, dont beaucoup concernaient l’âge minimum requis pour conduire un véhicule lourd (bus ou camion). Depuis des mois, le Conseil européen pour la sécurité dans les transports (ETSC) alertait et informait sur les dangers d’un abaissement de cet âge minimum. En Allemagne, il est permis aux jeunes de prendre le volant d’un poids lourd dès 18 ans sous certaines conditions. Hélas. Car les données sont claires : les jeunes conducteurs sont responsables de beaucoup plus d’accidents et de victimes que les conducteurs plus âgés (la tranche 18-20 ans cause, par conducteur, 3 fois plus d’accidents que la tranche 21-24 ans). Ces faits, irréfutables, n’ont pas empêché les parlementaires de se prononcer pour l’abaissement de l’âge minimum, à la satisfaction d’acteurs ayant une « force de frappe » bien supérieure à celle de l’ETSC – et des arguments de toute autre nature. Si les résultats sont désastreux, les votes sont contrastés. Ainsi, l’amendement 297 visant à interdire l’abaissement de l’âge limite sous les 21 ans actuellement recommandés a été soutenu par Madame Bricmont et Messieurs Botenga et Lamberts et rejeté par Mesdames Arena et Ries ainsi que par Messieurs Arimont, Chastel et Lutgen.
Blocage psychologique sur le permis à points
Vingt-trois Etats membres de l’Union européenne appliquent un système de permis à points, lequel a largement fait les preuves de son efficacité. Ce système présente l’immense avantage de supprimer un des effets pervers du système actuel où les personnes qui ont les moyens financiers de payer les amendes peuvent répéter les mêmes infractions, mettant régulièrement en danger la vie de tous les usagers de l‘espace public. Le 28 novembre 2022, suite au torpillage d’une proposition d’instauration du système en Belgique par les cabinets Clarinval et Dermagne, Canopea adressait une lettre ouverte au MR et au PS, appelant à un sursaut moral. Las … On apprenait fin février 2024 que les Ministres de la Mobilité et de la Justice avaient dû bricoler un système à la belge pour contourner le véto de leurs collègues …
La vitesse, tabou wallon de la mobilité
A Bruxelles, le nombre de personnes tuées sur les routes est passé de 21 en 2022 à 5 en 2023. VIAS identifie clairement là l’effet bénéfique du plan Good Move et de la zone 30. Mais si certaines autorités locales osent aujourd’hui étendre les zones 30, porter une réflexion globale en la matière au niveau régional reste encore largement tabou en Wallonie. Toute la désinformation circulant en la matière (et relayée avec beaucoup d’enthousiasme par les populistes de tout poil) n’y changera rien : l’introduction du 80 km/h en France et du 70 km/ en Flandre ont produit d’indéniables effets positifs. En Wallonie, la réduction généralisée des vitesses était l’une des mesures proposées par le ministre Henry dans le cadre du Plan Air-Climat-Energie. Car oui : elle permet aussi de diminuer les émissions de gaz à effet de serre des transports. Elle en fut prestement retirée suite aux commentaires acerbes des présidents du PS et du MR.
Un peu de décence et de courage, SVP
Voter en faveur de l’abaissement de l’âge auquel on peut conduire un véhicule lourd alors que les données disponibles démontrent l’effet délétère de cette approche. Rejeter une réduction des vitesses sur le réseau routier alors que la mesure est bénéfique non seulement à la sécurité routière mais aussi au climat et… au portefeuille des automobilistes. Rejeter le permis à points alors que ce système a prouvé son efficacité dans 23 Etats membres européens sur 27… Dogmatisme ? Incapacité à sortir d’une pensée d’un autre siècle ? Crainte de déplaire à celles et ceux qui refusent, sur la route, de respecter les règles du vivre-ensemble ? « Simple » calcul politique ? Quelles que soient les raisons de ces attitudes, les effets en sont clairs : une stagnation voire une augmentation du nombre de personnes tuées et blessées sur les routes, de la souffrance humaine induite. De telles attitudes sont impardonnables dans le chef de membres des pouvoirs exécutifs et législatifs, censés œuvrer pour le bien de toutes et tous. Canopea appelle l’ensemble de la classe politique à faire preuve d’un minimum de décence et de courage en matière de sécurité routière.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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