L’une des interrrogations les plus surprenantes et les plus alarmantes dans le domaine du climat et de l’énergie est le fait que les combustibles fossiles qui contribuent au réchauffement climatique continuent de recevoir un appui substantiel de la part des gouvernements. De ce fait, ils restent relativement bon marché ce qui en entraîne une (sur)consommation.
La chose est d’autant plus déconcertante que, alors que les aides publiques attribuées aux sources d’énergies renouvelables sont l’objet de débats et controverses sans fin tant dans la presse qu’au sein des sénacles politiques, les subsides accordés au pétrole, au gaz, au charbon suscitent eux peu d’attention. Le nucléaire bénéficie également de telles aides mais elles ne seront pas abordées ici.
Plus de 500 milliards de dollars en 2008 (lorsque les prix de l’énergie ont atteint des sommets), ce qui équivaut au PIB de la Suède ou de l’Arabie Saoudite : tel est l’incroyable montant de ces aides publiques !
D’où viennent et où vont ces subventions ? Basons nous, pour répondre à la question sur les deux principales sources de données: l’AIE et de l’OCDE. L’analyse de l’AIE pointe le type le plus évident de subventions : les politiques gouvernementales visant directement à maintenir le prix des combustibles fossiles en dessous de leur coût d’approvisionnement. La majeure partie de ces «subventions à la consommation » se situe dans les pays en voie de développement et les économies en transition. Voici le top 15 de ces pays en dépenses totales :
On le voit assez rapidement, les subventions à la consommation ont tendance à être plus importantes dans les pays qui exportent beaucoup de combustibles fossiles, que ce soit du pétrole saoudien ou du gaz russe. Selon l’AIE, la justification de ces largesses seraient qu’elles constituent un moyen de «partager» les avantages de l’exportation d’énergie avec leur population.
Une autre raison pour subsidier les combustibles fossiles est de venir en aide aux catégories les plus pauvres de la population. Toutefois, les données de l’AIE suggèrent que les ménages pauvres reçoivent une infime partie de ces aides. Comme le graphique ci-dessous le montre, dans la plupart des cas, les 20% les plus pauvre de la population reçoivent généralement environ 5 à 10% de ces subventions, ce qui suggère que si les politiques sont conçues pour réduire la pauvreté, alors elles ne fonctionnent pas correctement.
Alors, que se passerait-il si toutes ces subventions étaient supprimées? Selon les modèles de l’AIE, nous assisterions à une réduction massive de la consommation mondiale de combustibles fossiles:
Cela conduirait inévitablement à une réduction considérable des émissions de gaz à effet de serre. Le graphique suivant montre les estimations de l’AIE des réductions annuelles de CO2 en 2015, 2020 et 2035 par rapport à un monde dans lequel le régime de subventions subsiste. Bien sûr, les modèles ne sont pas infaillibles et ces chiffres sont nécessairement fondés sur un ensemble d’hypothèses, mais néanmoins les chiffres sont impressionants. D’ici 2035, les économies attendues s’élèvent à 2,6 milliards de tonnes de CO2. Selon les estimations de l’AIE, ce genre de coupes budgétaires serait suffisant pour fournir environ la moitié des économies nécessaires pour limiter le réchauffement planétaire à 2C°.
Il est donc clair, que la lutte contre les changements climatiques passent par l’abandon des subventions aux combustibles fossiles. L’urgence semble particulièrement forte dans des pays tels que la Russie et l’Arabie Saoudite, où l’empreinte carbone par habitant est déjà parmi les plus élevées au monde.
La situation est moins simple dans le cas des pays les plus pauvres, parce que dans un monde où les pays riches ont fait relativement peu pour réduire leurs propres émissions, il est difficile de voir comment ces Etats ont l’autorité morale pour exiger la fin de ces subventions. C’est par exemple le cas en Inde ou au Nigeria, où l’habitant moyen a une empreinte carbone 20 à 40 fois plus petite que l’Américain moyen. Cela est d’autant vrai que les combustibles fossiles bénéficient d’un soutien indirect de la part des pays riches à travers une myriade de mécanismes tels que les crédits d’impôts ou les réductions d’accises. L’OCDE chiffre le montant total de ces aides indirectes à 75 milliards de dollars. Pour prendre un exemple parlant en Belgique, le mazout utilisé pour le chauffage est moins taxé que le diesel alors que ces produts sont identiques. Le SPF Finances a chiffré cet avantage fiscal à 1,3 milliards d’euros par an. Cette aide « sociale » n’empêche pourtant pas un nombre grandissant de ménages belges d’avoir des difficultés pour payer leur facture de chauffage. Preuve s’il en est que seule une politique d’efficacité énergétique ambiteuse permettera de protéger l’ensemble des ménages belges des prix de l’énergie tout en luttant contre les changements climatiques.
Quant aux aides publiques aux énergies fossiles, au vu des constats chiffrés, il n’est pas sorcier d’indiquer quel devrait être leur sort…