Parmi les nouveaux logements très bien isolés mis sur le marché ces derniers temps[[Par exemple les projets immobiliers de l’Arsenal à Pont-à-Celles et des Grands Prés à Mons.]], nombreux sont ceux qui prévoient un chauffage électrique. Les arguments ? Un faible besoin de chauffage et la possibilité d’acheter de l’électricité verte. Est-ce crédible?
C’est aujourd’hui bien connu des spécialistes, l’utilisation de l’électricité pour le chauffage est contre-indiquée du fait d’un rendement vraiment faible. On produit en effet de l’électricité grâce à un alternateur mis en mouvement par une turbine elle-même mise en mouvement par de la vapeur ou par de l’eau. Cette dernière provient des centrales hydroélectriques, donc des chutes d’eau. La vapeur, quant à elle, provient de la transformation d’eau en vapeur par une réaction thermique, issue soit d’une combustion fossile (charbon, pétrole, gaz,… brûlés dans des centrales dites thermiques) ou fissile (uranium dans les centrales nucléaires), soit,pour une faible part, d’une combustion de biomasse, soit enfin de l’utilisation de sources d’eau chaude (géothermie). En Europe, l’électricité vient massivement de la combustion d’énergies fossiles et fissile[[Par exemple en Belgique, 55% de l’électricité (en moyenne annuelle) est d’origine nucléaire, en France 78%, en Allemagne 31%.]]. Cette transformation de l’énergie fossile ou fissile en électricité n’est pas parfaite. Le rendement est variable : d’environ 30% pour le nucléaire à plus de 50% pour les centrales turbine-gaz-vapeur les plus modernes et davantage encore pour les installations de cogénération[[Source:ICEDD, voir aussi le document attaché à l’article.
]].
Et nous ne sommes pas encore, dans notre raisonnement, au bout de nos pertes : l’électricité ne se transforme pas totalement en chaleur. Il y a donc une double perte entre le potentiel calorifique de départ de l’énergie fossile ou fissile[[Notons que l’usage du nucléaire reste réservé à des installations très lourdes comme les centrales de production d’électricité et qu’il ne produit que cette dernière (en parallèle avec un énorme dégagement de chaleur inutilisée).]] et la chaleur dispersée à l’arrivée par un chauffage électrique.
La production électrique de chaleur entraîne donc un gaspillage plus important que l’utilisation directe de l’énergie primaire (par exemple chauffage central au mazout ou au gaz, poêle à bois), les centrales thermiques perdant entre 45 et 75% de l’énergie primaire sous forme de chaleur (sauf dans le cas de la cogénération d’électricité et de chaleur)[Voir [M. Schneider, Le nucléaire en France – Au-delà du mythe, décembre 2008 ]]. La démonstration est sans appel : se chauffer à l’électricité est une hérésie au regard de la physique !
Chauffage électrique nucléaire = émissions de CO2
Mais ce n’est pas de l’électricité nucléaire que l’on consomme quand on se chauffe, non, c’est de l’électricité thermique. Pourquoi ? Et bien comme le nucléaire produit constamment une quantité d’électricité égale, il ne peut répondre à une demande variable. Il ne peut donc assurer 100% d’un approvisionnement en électricité. Or, la demande en électricité pour le chauffage est forte l’hiver[En hiver, la puissance électrique appelée est presque trois fois plus élevée le jour le plus chargé que le jour le moins chargé de l’été.]] , il faut donc faire davantage fonctionner d’autres centrales, surtout des centrales à flamme (fioul, gaz ou charbon)[[Notons que le raisonnement est semblable pour la recharge des voitures électriques. Si le parc de voitures était important et que chaque utilisateur recharge son véhicule en fin de journée, le pic de demande imposerait de relancer des centrales thermiques. Notons encore que la voiture électrique, souvent vendue comme « propre », ne le serait – à l’utilisation – que si elle était rechargée par de l’électricité verte, d’origine renouvelable.]]. Donc, pour se chauffer à l’électricité, on brûle le même carburant dans une centrale à flamme que dans sa chaudière à gaz ou à mazout mais avec un rendement moindre car diminué par le passage à “l’état électrique”. Enfin, les centrales à flamme ainsi remises en activité lors d’un pic de consommation sont souvent de vieilles centrales, grosses émettrices de CO2 et autres polluants atmosphériques[[Le contenu en CO2 du kWh pour les besoins du chauffage électrique se situe entre 500 et 600 grammes, soit environ trois fois les émissions d’un chauffage central au gaz. Rappelons aussi que les centrales au charbon sont une importante source de pollution de l’air : mercure et soufre entre autres. Voir [M. Schneider, Le nucléaire en France – Au-delà du mythe, décembre 2008 ]] [[En 2007, Mme Papalardo estimait que 80 % des kWh marginaux étaient encore produits par des centrales à charbon. Commission « Énergie » Michèle Pappalardo, présidente du groupe 1 et Aude Bodiguel, rapporteur ; Perspectives énergétiques de la France à l’horizon 2020-2050 Rapport d’orientation « Les enseignements du passé », Centre d’analyse stratégique, Avril 2007, page 31/91 et 33/91.]].
Répondre à ce problème d’alimentation hivernale par la construction de centrales nucléaires supplémentaires ne se justifie pas : une centrale nucléaire doit fonctionner en quasi permanence pour être rentable.
Chauffage électrique nucléaire = chauffage cher
Par ailleurs, l’électricité issue de nouvelles centrales nucléaires est chère et non rentable. Elle n’est rentable que moyennant de très hautes subventions des Etats[[Le lobby nucléaire aux Etats-Unis se préoccupe activement d’obtenir de telles subventions, sans cela aucune nouvelle centrale n’est envisageable.]]. La production d’électricité à partir de nouvelles centrales nucléaires coûte deux fois plus par kWh que si elle a lieu dans une centrale au charbon ou au gaz. Pour le secteur de l’électricité, les centrales nucléaires constituent un grand risque économique, étant donné les investissements élevés y compris pour la sécurité et le stockage final des déchets radioactifs[[C’est ce qu’indique aussi la nouvelle centrale de Olkiluoto en Finlande : les coûts de construction ont entretemps doublé par rapport aux prévisions.]].
L’énergie nucléaire a aujourd’hui la réputation d’être bon marché, uniquement parce qu’on n’a jamais totalement intégré dans les calculs les coûts de recherche et développement ou les frais nécessaires liés aux assurances[Globalement, la stratégie de prolongation des centrales anciennes ne marque pas le début d’une nouvelle conjoncture pour l’énergie nucléaire, ni aux Etats-Unis où l’on a augmenté à 60 ans la durée autorisée de plusieurs centrales nucléaires, ni ailleurs dans le monde. Cette stratégie atteste plutôt de la tentative de ces entreprises de gagner de l’argent le plus longtemps possible à partir d’investissements antérieurs et dépassés sur le plan technique. Tout ceci contribue pourtant au ralentissement des investissements nécessaires dans des centrales modernes et pourrait avoir de terribles conséquences en termes de sécurité d’approvisionnement.]] [[Voir aussi le dossier d’Inter-Environnement : [Sortir du nucléaire. ]].
L’actualité des premières semaines de janvier a rappelé la fragilité du réseau électrique français, au maximum de sa capacité lors de la vague de froid et à la merci d’un “black-out” au moindre accroc. Des réacteurs à l’arrêt pour diverses raisons ont du être relancés dans des conditions de sécurité pas toujours optimales. Le gestionnaire du réseau électrique français (RTE) a encouragé les consommateurs à éteindre la lumière dans les pièces inoccupées, baisser de 1 ou 2 degrés le chauffage électrique et stabiliser la température à 19°, éteindre les appareils électriques en veille et différer après 20h l’utilisation du lave-vaisselle et du lave-linge
[[Pour la Bretagne, région particulièrement à risque, RTE a mis en place Ouest Ecowatt, un site web où les inscrits reçoivent des alertes pour modérer leur consommation. Mais pour le moment, il ne dispose que de 6500 membres. Or « il faudrait 100 000 personnes qui surveillent leur consommation pour réduire le problème des pics ».
Les industriels peuvent aussi être mis à contribution. Certaines entreprises ont signé des contrat spécifiques, dits « Effacement des jours de pointe », qui leur assurent des tarifs préférentiels, mais elles ont, en contrepartie, l’obligation de réduire leur consommation à certains moments.]]. Il est particulièrement curieux de constater que de tels conseils de réduction de consommation ne soient diffusés que lors de tels problèmes de production.
Certes, la question de la lutte contre le réchauffement climatique reste entière, mais il est important de comprendre que la « solution » nucléaire n’est pas seulement dangereuse : elle est aussi totalement inefficace et aggrave même la situation.
Au risque de nous répéter, rappelons que la seule option d’avenir consiste à économiser l’énergie et développer massivement les énergies renouvelables. C’est seulement ainsi qu’il sera possible de sauver la planète du réchauffement climatique… et du péril atomique.