Partout,en ces temps d’austérité, l’heure est à la chasse au gaspi. Certains s’y risquent même à inventer de nouvelles taxes en vue de renflouer quelque peu les maigres caisses étatiques. C’est notamment le cas de la Hongrie qui vient de lancer une taxe sur les aliments trop sucrés ou trop salés. Objectif ? Officiellement, lutter contre l’obésité. Mais les mauvaises langues diront que l’objectif caché est budgétaire, la Hongrie faisant face à d’importants déficits publics.
Pourtant, l’objectif de cette taxe dite “taxe-hamburger” (bien que frappant, en réalité, les aliments et boissons à haute teneur en sucre, sel, hydrate de carbone ou caféine, c’est-à-dire biscuits salés ou sucrés, boissons énergétiques ou encore gâteaux préemballés) est louable, surtout dans un pays où l’obésité frappe 18 % de la population. Comme le rappelle le Ministre de l’Économie György, les études corroborent cette tendance : «Les études des dernières années sur les habitudes alimentaires des Hongrois montrent que les problèmes de santé liés à une trop grande consommation de graisse et de sel ont augmenté.»
Quant à savoir si les taux fiscaux auront l’effet dissuasif escompté, c’est une toute autre histoire. En effet, les montants qui seront prélevés dès le 1er septembre prochain semblent assez maigrichons : 0,2 ¤ par litre pour les boissons, 0,9 ¤ par litre pour les boissons énergétiques et de 0,4 à 0,7 ¤ par kilo pour les biscuits et les gâteaux. Néanmoins, les recettes générées devraient aider à financer des campagnes de publicité sur l’hygiène alimentaire.
Des études confirment l’efficacité d’une telle taxe… pour autant que son montant soit à la hauteur de ses ambitions. Ainsi, une étude menée par Kiyah Duffey de l’Université de North Carolina aux États-Unis montre qu’une taxe prélevée sur les pizzas et les sodas permettrait de réduire l’apport en calories. À titre illustratif, une taxe de 18 % aurait pour effet de faire perdre aux adultes américains environ 2 kilos par an et ainsi contribuer à la lutte contre l’obésité. Duffey et son équipe en déduisent que «la mise en place de taxes au niveau national ou local sur les produits les moins sains pour l’organisme pourrait être un des mécanismes possibles pour la redirection d’adultes américains vers un régime plus sain et une baisse de l’obésité».
Cette idée de taxer la malbouffe, encouragée par l’OMS depuis 2003, n’est pas neuve. Différents États américains taxent déjà les boissons gazeuses tandis que la “fat tax” (sur les produits gras) fait clairement partie des ambitions d’Obama. Plus près de chez nous, en France précisément, l’idée a également germé mais sans se concrétiser : malgré l’insistance de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF), le gouvernement Sarkozy a rejeté en 2008 une taxe sur les aliments pauvres d’un point de vue nutritionnel au motif que celle-ci impacterait le pouvoir d’achat des Français.
La Roumanie – où l’obésité frappe une personne sur quatre – a elle aussi fait marche arrière. En 2010, elle clamait encore haut et fort sa volonté de taxer les denrées malsaines et de réallouer les recettes, considérables, à des programmes de santé. Depuis lors, le vent a tourné. Il faut dire que les lobbys alimentaires ne se sont pas fait prier pour monter au créneau, remettant en question l’efficacité d’une telle taxe qui ne ferait, selon eux, qu’inciter les gens à acheter d’autres produits bon marché, encore moins sains et fabriqués dans des conditions d’hygiène douteuses. Le Président du syndicat de l’industrie alimentaire aurait même déclaré que les «Roumains mangent mal parce qu’ils sont pauvres»…
En Belgique, les avancées en la matière sont assez timides. Certes, on retrouve de temps à autre quelques échappées, à l’instar de la proposition de résolution visant à exonérer les fruits et légumes en circuit court de la taxe sur la valeur ajoutée et à augmenter celle-ci sur certains aliments préalablement reconnus comme ne faisant pas partie d’une alimentation saine et équilibrée déposée au Sénat par M. Jacques Brotchi en juin 2009. Mais dans les faits, on est au point zéro.
Pourtant, la Belgique aurait tout à gagner de telles mesures, surtout lorsque l’on sait que, d’après l’OMS, l’obésité représente de 2 à 6 % des coûts de santé dans les pays développés. Le fruit d’une telle taxe permettrait à tout le moins de couvrir ces coûts (externes) aujourd’hui pris en charge par la collectivité.