Stopper la construction de logements excentrés qui nous rendent toujours plus dépendant du transport individuel. A la place, isoler massivement et profondément le logement existant, et en profiter pour l’adapter à l’évolution de la population qui est aujourd’hui plus âgée et constituée de ménages plus petits. Voilà un des chantiers prioritaires du nouveau gouvernement de Wallonie ! La Déclaration de politique régionale présentée il y a quelque jours va clairement dans le bon sens… Mais sans doute pas à la hauteur du défi.
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Comment passer de 1%/an du parc de logements rénové chaque année, souvent de manière superficielle (les châssis de fenêtre, parfois le toit, …) à 3%/an rénovés de manière profonde (les parois, la ventilation…) et ce, endéans les 10 ans ?
Pour y arriver nous allons devoir devenir des Natural Born Renovateurs… Cela ne va pas se faire tout seul. Le déclic doit (aussi) venir du nouveau gouvernement dont la contribution est de créer un cadre propice à notre transformation. C’est assurément un des, sinon LE chantier de la législature…
De l’argent public
Pour le secteur résidentiel, l’investissement total pour rénover notre parc de logement est estimé à 1,2 milliards €/an en moyenne sur les 5 prochaines années. C’est trois fois plus qu’aujourd’hui. Et ces investissements doivent croitre sans cesse jusque 2040… La répartition entre argent public et privé varie selon l’efficacité des politiques mises en place. Aujourd’hui, le centre d’étude Climact calcule que nous recevons 1€ d’aide publique pour investir 4 € d’argent privé. Mais est-ce suffisant ? Des économistes comme Pierre Laroutourrou estiment qu’il faudrait atteindre 1 € d’argent public par € d’argent privé…
Estimation des budgets publics et privés nécessaires d’ici 2050 pour la rénovation privée en maintenant l’« effet de levier » actuel, c’est à dire la part d’argent public nécessaire pour susciter l’investissement privé. (Climact, stratégie rénovation 2050)
Deux certitudes. Il va falloir trouver des moyens supplémentaires publics et ce, dans un contexte budgétaire difficile pour les gouvernements ! Les pistes de financement sont multiples. Lâcher la bride à la dette publique pour lancer un vague d’investissements massifs comme le proposent certains économistes et politiques pourrait bien être la seule option viable étant donné les montants nécessaires… C’est le moment ! La Wallonie emprunte à taux très bas voire négatif actuellement. Parallèlement, on peut aussi ré-allouer certains budgets incompatibles avec la crise climatique. On pense aux importants budgets aéroports de la Wallonie…
Sur ce point la Déclaration de politique régionale du nouveau gouvernement Wallon précise que « le gouvernement augmentera significativement les montants et optimisera l’octroi des primes et des prêts à taux 0 ». Dont acte. A voir si le budget suivra en proportion des moyens nécessaires!
Que la force du rénovateur soit en nous !
On aura beau mettre tout l’argent public du monde sur la table, si les propriétaires des logements ne deviennent pas des rénovateurs nés, rien ne se passera. Et là, il reste du travail.
Il va falloir être pédagogue aussi bien pour les acteurs de la rénovation que pour les autorités. Pour ceux qui habitent un logement assez ancien et mal isolé surtout, rénover peut devenir une opération économiquement très intéressante. Fini les factures qui grèvent le budget. On le remplace par un crédit à taux 0 et une mensualité bien moins élevée. Et une fois l’emprunt terminé, c’est pur bénéfice pour le ménage !
Illustration de l’interêt financier d’une rénovation (pour un logement peu isolé). (Source : Négawatt)
Encore faut-il que les gens aient conscience de l’intérêt financier de la manœuvre ! Ca ne se fera pas tout seul, il faut « dynamiser » l’information vers le grand public, aller trouver les Wallons aux moments propices à la rénovation (au moment des transferts de propriété, des déménagements) et leur montrer de manière individualisée et ciblée leur intérêt, et ce, avec leurs propres mots ! Et il faut les accompagner pas à pas dans leur projet.
Des nouveaux acteurs émergent en Wallonie comme Corénove qui propose de faire le lien entre le propriétaire et des entreprises locales, de les accompagner dans les devis ou le suivi des travaux. Le Gouvernement doit promouvoir et accompagner ces initiatives et prévoir des budgets supplémentaires pour ces « frais de transaction ».
Là encore, le nouveau gouvernement annonce dans sa DPR qu’il « renforcera, tout en les rationalisant, les outils d’information et d’accompagnement des citoyens en matière d’énergie ». Toutefois, le sentiment demeure que la complexité du défi n’est pas intériorisée par nos décideurs.
Aider les propriétaires précarisés.
Que l’on soit trop vieux pour faire des travaux, qu’on n’ait pas les moyens d’avancer l’argent, ou que la gestion d’une rénovation soit tout simplement hors d’atteinte face aux autres aléas de la vie…, beaucoup de personnes qui habitent des logements mal isolés et pour lesquels une rénovation serait urgente et très intéressante financièrement doivent faire l’objet d’un accompagnement différentié et ciblé. Il va falloir appuyer les acteurs sociaux de terrain dans ce rôle.
En bout de course, il restera toujours une part de la population en 2030 qui vivra dans des passoires énergétiques… Si une taxe carbone voit le jour d’ici là, ce qui semble absolument nécessaire pour le climat, il faudra veiller à compenser financièrement les hausses de factures pour ces personnes… Le droit à se chauffer correctement n’est pas négociable !
Simplifier la vie !
En parallèle, la Wallonie doit poursuivre le grand chantier de la simplification administrative et réglementaire. Elle va devoir se transformer en un chantier géant ! Aujourd’hui que ce soit pour installer un container ou mettre un échafaudage, les procédures sont, dans certaines communes, longues et pénibles. Facilitons la vie aux rénovateurs nés.
Au niveau des aides publiques, le nouveau système de primes et de prêts à taux zéro vient d’être revu en profondeur. Les modifications sont positives, mais il faudra voir à l’usage si le système d’octroi ne peut être simplifié davantage (notamment les contrôles de travaux à réaliser pour débloquer les primes …).
Donner la carotte, préparer le bâton
D’ici la fin de la législature, les balises doivent être posées en matière d’obligation de rénovation. Au même titre qu’on ne peut louer un logement insalubre, il deviendra à terme interdit de louer une passoire énergétique. La date et le timing devront être discutés notamment avec les acteurs sociaux pour éviter que cela n’entraine/n’accélère la crise du logement chez les ménages les plus précarisés. Là, bonne nouvelle, le nouveau gouvernement prévoit l’instauration de « normes énergétiques à respecter pour les biens mis en location pour la première fois » et l’extension du système aux autres locations après 2025. Il faudra donc bien voir les seuils qui seront proposés et revoir le timing.
En attendant et progressivement, un système de bonus, par exemple via le précompte immobilier, doit progressivement inciter les propriétaires-bailleurs à rénover… Rappelons que les propriétaires-bailleurs en Belgique sont (très) bien lotis en matière fiscale, les loyers n’étant pas taxés… Il est donc normal de les faire participer, d’autant que cela augmentera la valeur de leur bien.