Préserver la nature, c’est avant tout réduire notre empreinte sur la planète
Au cours des soixante dernières années, l’Homme a modifié les écosystèmes plus rapidement et plus profondément que durant toute autre période de l’histoire de l’humanité. La disparition de nombreuses espèces, la destruction des milieux naturels les plus riches de la planète et la dégradation générale de notre environnement ne font plus de doute. Les indicateurs de notre biodiversité sont passés de l’orange au rouge. Il ne s’agit plus de la disparition uniquement des espèces les plus spécialisées : nous assistons aujourd’hui à la régression quantitative d’espèces « ordinaires » de la biodiversité, qu’il s’agisse des oiseaux, des insectes ou des végétaux. Ces espèces « ordinaires » sont essentielles pour assurer le bon fonctionnement des écosystèmes et les multiples services qu’ils nous rendent. L’enjeu n’est plus de transmettre un patrimoine mais bien de transmettre une planète viable à l’humanité. Il y a urgence !
La raison principale de cette dégradation est notre incapacité à prendre en compte les limites de la planète et à remettre en cause un certain progrès. Préserver la biodiversité, c’est donc d’abord réduire drastiquement notre empreinte écologique et donc notre consommation de ressources non renouvelables et également renouvelables C’est ensuite développer et soutenir des modes de production qui laissent de la place à la biodiversité et s’appuie sur ses services. Certes, il faut continuer à préserver les joyaux de notre biodiversité, à notre échelle, et redonner de la place à la biodiversité ordinaire mais les actions les plus pertinentes sont probablement celles qui permettent de vivre mieux avec moins et de produire autrement.
À ce titre l’échelle communale a un rôle essentiel. Les politiques de mobilité et d’aménagement du territoire sont déterminantes pour éviter l’artificialisation des sols et promouvoir la densification de l’habitat et l’adoption d’une mobilité active. La politique des déchets, inspirée du mouvement « zéro waste » ou les politiques visant à soutenir l’alimentation durable sont autant de levier important pour limiter le gaspillage des ressources, l’empreinte écologique et les émissions de GES. Ces actions transversales, qui ont des impacts sur la biodiversité hors de nos frontière ne nous dédouanent pas d’une responsabilité vis-à-vis de notre nature locale.
Des leviers du côté de l’aménagement du territoire
Les communes en Plan Communal de Développement de la Nature disposent d’une cartographie de leur réseau écologique. Quelques rares communes ont utilisé cette cartographie du réseau écologique pour l’intégrer dans les plans ou schéma communaux. Il est essentiel que cette intégration soit réalisée de manière systématique, la réalisation de schéma de développement local prévu par le CoDT sera notamment l’occasion d’articuler cette cartographie au réseau écologique wallon inscrit dans le Schéma de Développement Territorial de la Wallonie. Ce dernier devrait être approuvé par le Gouvernement avant la fin de la législature.
La délivrance des permis est aussi l’occasion de prendre en compte la biodiversité à travers l’adoption de mesure de compensation pour la biodiversité ordinaire même si la priorité consiste à éviter l’artificialisation du territoire et son gaspillage et de maintenir les éléments de la biodiversité existant.
Des leviers en forêt
En forêt, les marges de progrès peuvent être importantes selon les situations locales et l’importance des propriétés de la commune. Le premier facteur impactant la biodiversité est, en Wallonie, le déséquilibre forêt-faune sauvage. Ce dernier doit atteindre un équilibre qui permette à la biodiversité d’exprimer son potentiel à travers la présence d’indicateurs tels que la présence de strates herbacées, de régénérations naturelles et d’essences accompagnatrices diversifiées. Quand ces conditions ne sont pas acquises, l’enjeu principal reste de réduire la pression de la grande faune (cervidés et sangliers) à travers les dispositions existantes du bail de chasse et l’interpellation des conseils cynégétiques concernés. En cas d’adoption de nouveaux baux de chasse, l’interdiction du nourrissage permet également de sélectionner des chasseurs moins enclins à conserver des densités importantes de gibier.
La promotion d’une gestion forestière respectueuse des processus naturels, de type « pro-sylva », est également l’opportunité de restaurer la biodiversité forestière, une circulaire balise son application et les communes peuvent inciter le DNF à l’appliquer plus largement quand ce n’est pas encore le cas. L’adoption de mesures complémentaires de la circulaire « biodiversité » permet également d’aller plus loin que les quelques mesures « biodiversité » inscrites au code forestier. A titre d’exemple, la création et la gestion de lisières forestières externes et internes, de manière volontaire et proactive, contribuera à la biodiversité des plaines agricoles et des forêts.
Enfin, certaines communes réaliseront leur plan d’aménagement forestier, l’occasion unique d’impliquer les citoyens dans la gestion des forêts communales. Pour ce faire, il ne faut pas se contenter des procédures légales mais créer une vraie dynamique de concertation avec la population.
Des espaces publics ré-ouverts à la nature
2019 est déjà placée sous le sceau de la nature ordinaire, celle qui s’est insidieusement immiscée dans nos centres-villes, sur les places, les trottoirs et les espaces de parking depuis l’introduction des restrictions d’utilisation des herbicides en 2014. En juin 2019, les communes entreront dans le « zéro phyto » après 5 années de transitions pour certaines d’entre elles. Fini donc les dérogations, la règle sera claire pour toutes les communes et la gestion différenciée sera la priorité. Et ce n’est pas tout : dès janvier 2019 la nature ordinaire rejaillira spontanément sur les allées et dans les gazons anglais de nos concitoyens grâce à l’interdiction de ventes des herbicides pour les particuliers. La nature reprendra spontanément un (petit) peu de terrain.
Des espaces publics soumis à de multiples pressions
Les réseaux linéaires sont particulièrement importants pour la nature. Ces réseaux sont principalement constitués des berges de cours d’eau, des bords de voiries, en ce compris les réseaux de chemins et sentiers. La Commune peut veiller à ce que ces parties du domaine public, essentielles pour la nature ordinaire, ne soient pas spoliées ou littéralement maltraitée (en recourant à des herbicides) par certains riverains et agriculteurs (labours, dérives de pulvérisation sur le domaine public). Par ailleurs, l’adoption de la charte « fauchage tardif » est une mesure adoptée par la majorité de commune wallonne, mais quel en est le sens quand ces abords sont dégradés.
Préserver les sites de grand intérêt biologiques et le réseau écologique
L’existence de Sites de Grand Intérêt Biologique (SGIB) sur la commune peut aussi être l’occasion d’envisager des mesures plus actives de protection et de gestion voire d’information des propriétaires dès lors que des espèces protégées sont concernées. La prise en compte de ces sites est également essentielle pour les plan et schéma communaux.
La Commune peut compléter la protection assurée à certains éléments du paysage qui ne sont pas pris en compte par le Code de développement territorial. Elle peut surtout veiller (pro)activement à ce que la protection de ces éléments soit effective. Les plaintes de citoyens, envoyées aux éco-conseillers ou aux échevins, sont rarement suivies d’effet. Étant informés, il leur appartient pourtant d’assurer la défense de ces biens communs en assurant un suivi via une plainte formelle.
La Nature, un enjeu fédérateur
Restaurer la biodiversité au départ des spécificités d’un territoire est mobilisateur et fédérateur comme l’illustre le succès de certains projets élaborés dans le cadre des PCDN. Il est cependant important que la commune ait une démarche cohérente et ait une approche transversale de la biodiversité, se limiter à un projet de communication ne convainc plus les citoyens. Il faut également soutenir la démarche plus participative, y mettre des moyens financiers et humains et éviter de l’instrumentaliser.