La note d’orientation sur l’agriculture (et donc l’alimentation) wallonne du Ministre R. Collin a retenu notre attention pour la fin de cette législature 2019. Nul besoin de vous dire que les décisions qui seront prises les prochains mois seront cruciales pour le futur de notre environnement, du climat, de la biodiversité…
L’importance de garder des paysans wallons et une alimentation de qualité dans toutes les sous régions wallonnes est bel et bien en jeu…
Le Ministre promeut avec détermination ses actions pour enrayer ce qu’il qualifie de « crises » (climat et donc sécheresse, volatilité des marchés, crise sanitaire) à gérer au plus vite… Si l’on s’en tient à la définition d’une crise (avoir un caractère « brusque, imprévisible et ne dure qu’un temps limité… »), nous en sommes bien loin sur ces 3 thèmes pointés par le Ministre.
1/ L’alerte sur l’enjeu climatique
L’alerte sur l’enjeu climatique remonte à une trentaine d’années. Il a cependant été négligé dans son ensemble et même nié en agriculture. Pourtant, des mesures s’y rapportant devraient être mises en application dans la prochaine PAC (politique agricole commune) et autres politiques, mesures absentes de la note d’orientation.
La mobilisation massive de la population lors de la manifestation du 2 décembre pour le climat, qui a réuni plus de 75.000 personnes dont bien sûr des agriculteurs, devrait inciter les politiques à prendre des décisions.
Les associations environnementales demandent une réduction de 50% des émissions de gaz à effets de serre (CH4, CO2, N2O,…) d’origine agricole & agroalimentaire (industries).
Pour y parvenir, la Wallonie peut agir sur les leviers suivants :
- La réduction de l’utilisation des énergies fossiles en agriculture. Les moyens d’y parvenir ne manquent pas (l’agriculture de conservation, réduction des passages, amélioration de la performance énergétique…).
- La réduction des émissions via l’extensification de l’élevage et la promotion de la production de protéines végétales en Europe, laquelle permettra d’éviter la déforestation hors UE et des émissions de CO2.
- La réduction drastique des engrais azotés de synthèse qui représentent près de 20% de toute l’énergie consommée en agriculture et qui émet des gaz N2O lors de leur utilisation.
- La réduction des émissions liées à la gestion des effluents d’élevage (enfouissement du lisier, dans le sol).
Nous demandons également une augmentation de captation de carbone par les sols agricoles de 0,1%/an.
Pour y parvenir, la Wallonie devrait agir sur les leviers suivants :
- Recourir à des techniques/pratiques limitant le travail du sol ;
- Recourir à des cultures intercalaires ou maintenir une couverture des interlignes et assurer des restitutions de matières organiques ;
- Favoriser la plantation de haies et les pratiques en agroforesterie ;
- Favoriser le pâturage.
2/ L’enjeu de la volatilité des prix
L’enjeu de la volatilité des prix au niveau européen est loin d’être nouveau et a été dénoncé avec fermeté par les paysans et de nombreuses ONG depuis la crise du lait de 2009. Il est donc urgent de réorienter notre agriculture wallonne (voire belge) afin d’arrêter cette spirale de surproduction pour soi-disant « nourrir le monde ».
Le Ministre parle d’ « un combat pour les prix rémunérateurs », ce que nous saluons. Mais cela ne sera possible que si l’on réduit et gère les volumes de production en désintensifiant, ce qui sera alors bénéfique à l’environnement, et en recentrant la production en adéquation avec la demande de l’alimentation locale (principe de souveraineté alimentaire présent dans le Code wallon).
La mise en cause du modèle agricole actuel, basé sur l’agro-exportation et la production de matières premières à bas prix pour l’agroalimentaire, n’est pas dénoncé dans la note. Ce modèle, il doit pourtant bien être revu, vu ses impacts très négatifs en terme social (érosion des actifs agricoles de 80% en 40 ans!), environnemental (externalités négatives pour l’eau, sol et air pollués par pesticides et engrais) et naturel (« extinction » de la biodiversité en milieu agricole).
3/ L’enjeu de la crise sanitaire
L’enjeu de la crise sanitaire (peste porcine africaine #PPA) a déjà fait l’objet d’une nIEWs1 et de nombreux communiqués et prises de position chez IEW.
Ces prises de position démontrent clairement que la prolifération des sangliers était connue et dénoncée depuis très longtemps et il ne s’agit donc pas d’une crise car les décisions n’ont pas été prises pour la réduire drastiquement.
Au-delà des « crises » conjoncturelles, nous invitons donc le Ministre et le Gouvernement à prendre des mesures structurelles permettant de replacer l’agriculture sur des chemins durables sur le plan social, économique et environnemental.
Pour rompre avec l’agriculture agro-exportatrice passéiste prônée par le modèle ultralibéral, nous saluons le Plan Stratégique bio qui a été réalisé avec le secteur et poussé par le Ministre Collin. Ce plan propose des enjeux ambitieux pour 2020 avec 18% de surface agricole utile, 2000 fermes (exploitations) certifiées bio et 6% de parts de marché en produits Bio.
L’enjeu majeur en 2019 et 2020 portera sur les orientations données par la Wallonie à la Politique Agricole Commune (PAC) Post 2020. La fédération IEW sera d’ailleurs auditionnée à ce sujet ce 28 janvier par la Commission agriculture du Parlement wallon. Nous reviendrons plus largement sur cet important dossier à l’occasion d’autres publications.
Enfin, le Ministre a également inscrit dans sa note d’orientation l’enjeu environnemental et de santé publique qu’est la gestion 2.0 des pesticides. Pourtant, l’étude EXPOPESTEN a mis en évidence la présence de nombreux pesticides et matières actives dans l’air de nos villes et nous avons trouvé peu de réaction de son côté.
L’étude PROPULPPP commandée par le Ministre Carlo di Antonio sur la présence des pesticides en milieu rural et aux abords des écoles et riverains devrait sortir fin février. Les mesures prises en juin 2018 (bande tampon pour écoles et interdiction de pulvérisation aux heures de classe) et janvier 2019 (buses réduisant de 50% les dérives de pesticides lors des pulvérisations) devront alors être adaptées à la lumière des résultats.
De façon générale, les principes intéressants mentionnés dans le code wallon de l’agriculture (voir ci-dessous) mériteraient davantage d’application dans les politiques agricoles wallonnes, belges et européennes.
Pour en savoir plus
Code Wallon de l’agriculture :
- Favoriser la réalisation du droit à une alimentation adéquate en garantissant un approvisionnement en aliments de qualité et en quantité suffisante pour répondre, par une production agricole durable, aux besoins alimentaires de la population locale présente et à venir ;
- Préserver et améliorer l’environnement et la biodiversité et lutter contre le changement climatique et ses conséquences en tenant compte des réalités économiques et sociales du secteur agricole ;
- Renforcer les liens entre la société et l’agriculture par, d’une part, la reconnaissance par la société du rôle essentiel des agriculteurs, la reconnaissance, la valorisation et le développement des services rendus par l’agriculture et d’autre part, la reconnaissance des attentes sociétales par les agriculteurs ;
Décret relatif au Code Wallon de l’agriculture
UNAB & Ministre Collin : L’agriculture bio est en plein essor. Cependant, l’offre wallonne en produits bio reste inférieure à la demande, celle-ci est donc en partie couverte par des produits importés.