La question sensible et importante de la participation du public a connu des adaptations substantielles par rapport au CWATUPE, que ce soit à travers le CoDT Ier ou le projet de décret actuellement sur les bancs du Parlement. Un des aspects les plus marquants est la naissance d’un nouveau mécanisme de participation aux côtés de la traditionnelle enquête publique.
A travers la création d’un nouveau mécanisme de participation, l’objectif du législateur est clair : simplifier la lourdeur administrative qui incombe aux autorités communales lors de l’organisation de l’enquête publique (envoi de courriers par exemple).
Une première gestation difficile : la fausse couche semblait inéluctable
La CoDT 1er instaurait la consultation de voisinage en marge de l’enquête publique pour une série de projets qualifiés « de moindre envergure ». IEW a critiqué ce mécanisme qui constituait à ses yeux un ersatz de participation parce qu’il présentait un recul en termes de participation du public : de manière caricaturale, seuls les voisins immédiats avaient la possibilité de s’impliquer dans la procédure participative. En effet, selon le commentaire des articles, le mécanisme consistait en « une consultation de voisinage par notification aux propriétaires et occupants des immeubles jouxtant la ou les parcelles concernées par le projet ou situés de l’autre côté de la voie publique dans un rayon de 25 mètres mesurés à partir des limites de la ou des parcelles concernées par le projet ». Vous avez dit participation ?
La seconde gestation, c’est la bonne !
La famille CoDT a l’immense joie de vous annoncer la naissance d’une petite sœur aux côtés de l’enquête publique ; elle se prénomme « l’annonce de projet ». Cette procédure consiste en réalité en une procédure d’affichage. D’abord dénommée précisément procédure d’« affichage », l’appellation fut modifiée car elle était source de confusion vu l’utilisation du terme à d’autres occasions de la procédure administrative (par exemple, l’affichage du permis).
Moyennant l’intégration de différentes modalités procédurales qui font actuellement défaut, le dispositif de l’annonce de projet semble permettre davantage une participation large du public pour autant qu’il ne restreigne pas la participation effective de celui-ci lorsqu’il souhaitera s’impliquer lors d’une annonce de projet. En effet, au-delà de l’argument d’alléger la charge administrative des communes, le commentaire des articles de l’article D.IV.40. stipule, outre la volonté de simplification administrative, que « cette simplification se justifie par le fait que, dans certains cas, les demandes de permis sont de nature à modifier faiblement le cadre de vie ou à n’intéresser que les voisins immédiats. Il est dès lors disproportionné d’organiser, dans de telles hypothèses, une enquête publique complète ». Il serait pourtant malvenu de refuser de prendre en compte les observations de citoyens au prétexte qu’ils ne font pas partie du voisinage immédiat ou, qu’aux yeux de l’autorité, le projet serait de nature à modifier faiblement le cadre de vie environnant.
Evitons que les deux filles ne se jalousent l’une et l’autre
La question est donc à présent de savoir ce qui relèvera de l’enquête publique ou de l’annonce de projet. A lire le projet de décret, le Gouvernement arrêtera la liste des projets ou, plus précisément, des actes et travaux, relevant de l’un ou l’autre des mécanismes. Sous l’argument – certes audible – de la simplification administrative, il faut éviter que la majorité des actes et travaux fassent désormais l’objet d’un basculement au profit de l’annonce de projet.
A ce stade, pour avoir pris connaissance de la liste des projets soumis respectivement à enquête publique et annonce de projet, force est de constater que la crainte de basculement évoquée ci-dessus semble justifiée. Certains actes et travaux pressentis pour relever de l’annonce de projet sont probablement loin d’avoir de faibles impacts ou de n’intéresser que les voisins immédiats. A titre d’exemple, l’annonce de projet concerne : « la construction ou la reconstruction de bâtiments dont la hauteur est d’au moins trois niveaux ou neuf mètres sous corniche et dépasse de trois mètres ou plus la moyenne des hauteurs sous corniche des bâtiments situés dans la même rue jusqu’à vingt-cinq mètres de part et d’autre de la construction projetée ; la transformation de bâtiments ayant pour effet de placer ceux-ci dans les mêmes conditions » (R.IV.41-2.). Faible impact sur le cadre de vie ? N’intéresse que le voisinage immédiat ? Reste à voir comment la section de législation du Conseil d’Etat se positionnera sur la question.
Quelques maladies de jeunesse à soigner
Au-delà du champ d’application respectif des enquêtes publiques et de l’annonce de projet, IEW a également mis en avant un ensemble de dispositions procédurales qui faisaient défaut en l’état actuel dans le projet de texte. A titre d’exemple, en matière d’enquête publique, l’article D.VIII.11 du projet de décret prévoit que : « Pour les permis et certificats d’urbanisme n°2, dans les huit jours de l’envoi de l’accusé de réception de la demande complète ou de la demande de l’autorité compétente ou de l’autorité qui instruit le dossier, l’administration communale envoie individuellement aux occupants des immeubles situés dans un rayon de cinquante mètres mesuré à partir des limites de la ou des parcelles cadastrales concernées par le projet, un avis relatif à l’introduction de la demande d’autorisation et à la tenue de l’enquête publique ».
La Fédération IEW déplore l’absence de notification de l’avis d’enquête publique aux propriétaires des immeubles concernés et s’interroge sur le recul potentiel en termes de participation du public si cette omission devait être maintenue. Dans son avis du 30 juin 2015, le Conseil d’Etat s’interrogeait également, au regard des principes d’égalité et de non-discrimination, sur l’absence de notification aux propriétaires des immeubles concernés. Quid en effet du propriétaire d’un immeuble non bâti, comme par exemple un terrain à bâtir qui fait office de prairie pour du bétail, pour assurer l’entretien de la parcelle ? Veaux, vaches, cochons prendront-ils la peine de contacter le propriétaire pour lui annoncer le déroulement de l’enquête publique sur un terrain voisin ? Contre une bonne ration de nourriture, peut-être, mais rien n’est moins sûr. A supposer que l’argument de la lourdeur administrative soit avancé pour justifier l’omission de cette modalité, il convient de ne pas verser dans l’excès inverse, puisque la procédure d’annonce de projet permettra d’ores et déjà d’alléger de manière conséquente la charge administrative des autorités communales.
D’autres observations et propositions d’amendements ont été formulées par IEW. Peuvent être citées, notamment, la suspension des délais de processus de participation entre le 16 juillet et le 15 août et entre le 24 décembre et le 1er janvier, l’obligation (et non la simple faculté) pour la commune qui dispose d’un site internet de diffuser sur son site l’avis d’enquête publique ou d’annonce de projet, l’intégration des modalités de consultation du dossier et de remise d’observations pour l’annonce de projet qui font actuellement défaut.
Le beurre, l’argent du beurre et… le sourire de la crémière ?
Le CoDT apporte plusieurs modifications d’envergure dans le cadre de la participation du public au processus décisionnel dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Moyennant les adaptations suggérées à travers les amendements proposés par la Fédération, l’on pourrait considérer que la nouvelle philosophie de la participation s’inscrit dans une vision pragmatique à travers un assouplissement du formalisme administratif sur plusieurs aspects.
Cependant, à ce stade, l’absence de précisions quant aux modalités procédurales de l’annonce de projet permet d’ores et déjà de redouter des lacunes dans le cadre d’une participation efficiente. Au niveau du champ d’application respectif de l’enquête publique et de l’annonce de projet, la Fédération sera particulièrement attentive à l’avis de la section de législation du Conseil d’Etat lorsque cette dernière sera appelée à se prononcer sur le projet d’arrêté qui a été soumis. D’ici deux trois ans, il sera intéressant de dresser un premier bilan de la pratique administrative version CoDT quitte à opérer, le cas échéant, les aménagements qui s’imposent.
Après avoir créé un nouveau mécanisme de participation (le beurre), réduit de manière conséquente le formalisme qui l’entourait (l’argent du beurre), restera à déterminer le champ d’application respectif des deux dispositifs dans l’AGW. A ce stade, la crémière a le sourire. Le gardera-t-elle après l’avis du Conseil d’Etat ? L’avenir nous le dira.