En mai, nous nous sommes émus des propos de notre premier ministre appelant à une « pause environnementale », c’est-à-dire, à un ralentissement des mesures prises en faveur de l’environnement.
Mais à la lecture des indicateurs chiffrés récents qui commencent à être publiés, il semble bien que la pause environnementale chère à De Croo et autre Macron est déjà à l’œuvre en Belgique depuis la fin de la crise COVID. En effet, plusieurs indicateurs clé de l’environnement ont viré au rouge vif…
Transport aérien
La Plateforme wallonne du GIEC identifiait en 2018 l’usage de l’avion comme premier facteur influençant l’empreinte carbone d’un individu.
Elle indique par exemple qu’un seul trajet A/R Bruxelles Sydney en Business équivaut à 15Tonnes equCO2, soit l’empreinte moyenne d’un Wallon…
Or, l’avion a, grâce notamment à un soutien inconditionnel (et quasi criminel) des autorités européennes et belges, repris sa croissance effrénée après la pause COVID.
En 2022, alors que des restrictions liées au Covid étaient encore d’application dans certains pays européens, les 2 aéroports wallons avaient déjà retrouvé les niveaux pré-covid. Nous ne disposons pas encore de chiffres pour 2023, mais en octobre, le secteur se réjouissait notamment des records battus pour les vacances d’automne…
Taux d’artificialisation des sols
Le taux d’artificialisation des sols est pour Canopea LE méta-indicateur environnemental. Il va non seulement affecter les émissions de GES liées à la construction de logements neufs, mais aussi augmenter les surfaces chauffées et les besoins en transport individuel. Il va enfin réduire la surface disponible pour une agriculture de qualité ou la biodiversité.
Les derniers chiffres de l’IWEPS sont à ce titre extrêmement préoccupants. Ils indiquent que sur la période 2020-2022, la tendance à l’artificialisation des terres agricoles est repartie à la hausse, alors qu’elle baissait régulièrement depuis la fin des années 90. Assistons-nous à un retour d’une artificialisation massive de nos sols ?
Consommation de viande
La consommation de viande rouge est le principal levier de court terme identifié par le GIEC pour baisser nos émissions de GES « facilement et massivement »: la consommation d’un bon « viandeux » entraine 2,6Tequ CO2 selon les chiffres repris par les amis du GIEC, soit 1/6 de l’empreinte moyenne wallonne. Ici aussi les dernières évolutions sont très préoccupantes en Belgique. Après des années de baisse, cette consommation carnée est repartie à la hausse depuis 2020. Il est là aussi difficile d’identifier une tendance de long terme. Il faut également creuser ce qui se cache derrière cette hausse. En France par exemple, on observe une augmentation des consommations “cachées” de viande principalement des viandes “blanches” (volaille, porc) dans les produits alimentaires préparés.
Consommation de produits bios
La pause environnementale politique est, ces dernières semaines, symbolisée par le report de l’interdiction du glyphosate au niveau européen contre l’avis de la communauté scientifique.
Et, parallèlement, la consommation de produits bio est également en baisse en Belgique (et dans toute l’Europe) après des années de croissance. Le label bio est pourtant un label certifié et vérifié qui garantit un moindre usage de substances phytosanitaires et un moindre impact de l’agriculture sur la biodiversité et sur la santé.
Outre l’inflation, une méfiance générale pour les labels expliquerait ce recul, le consommateur ne faisant pas la différence entre des labels “coquille vide” souvent créés par les entreprises et des labélisations exigeantes et effectivement contrôlées comme le bio : un brulant appel à mettre de l’ordre dans cette foire aux labels est lancé !
La pause environnementale n’aura pas lieu
Ce sont là quelques indicateurs déterminants pour évaluer l’empreinte que nous exerçons sur notre planète.
La question est évidemment de savoir et de comprendre pourquoi, une certaine dynamique vertueuse semble s’être arrêtée et surtout comment y remédier. On n’a sans doute pas fini de comprendre comment le confinement et sa levée ont modifié profondément le mode de fonctionnement de nos sociétés. Loin du « monde d’après » qu’on a espéré un moment, on observe sur le moyen terme que le confinement a pu avoir un impact négatif notamment sur notre mauvaise habitude de vouloir des grands espaces pour habiter ou d’aller chercher le soleil plus souvent et plus loin… Difficile d’imaginer aussi comment des événements anxiogènes comme la guerre en Ukraine et les récents événements dans la bande de Gaza vont influencer nos comportements. Enfin, d’autres dynamiques sont également à l’oeuvre dont l’inflation.
Mais ces évolutions montrent surtout que pour modifier durablement nos consommations “planetivores”, il faut mettre en place de véritables modifications systémiques (moins d’aides au secteur aériens, des incitants à une consommation raisonnée, notamment en viande…) et progressives plutôt que d’avancer par crises abruptes.
C’est forcément le rôle du politique d’imprimer le changement de système dont nous avons besoin pour nous créer un futur…
Il faudra évaluer si, comme le laisse supposer certains sondages qui indiquent que la préoccupation environnementale est à la baisse chez les électeurs, la pause environnementale se manifestera jusque dans les urnes.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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