En dépit d’une tendance positive de réduction des émissions de gaz à effet de serre constatée en Belgique sur les années 2005 à 2007, la Cour des comptes a estimé qu’un audit de la politique climatique fédérale était souhaitable. D’une part, car des indices montraient que des mesures importantes n’avaient pas encore été mises en ½uvre ou avaient pris du retard et que la coordination de la politique climatique fédérale laissait à désirer. D’autre part, parce que les échéances futures de réduction d’émissions nécessitent une base solide pour être mises en ½uvre.
Dans un document rendu public en juin[[Cour des comptes, Politique climatique fédérale, Mise en ½uvre du protocole de Kyoto. [Rapport de la Cour des comptes transmis à la Chambre des représentants. Bruxelles, juin 2009.]] , la Cour des comptes détaille les résultats de cet audit. Et certains méritent que l’on sy arrête.
Un inventaire des mesures difficile en l’absence de plan climatique fédéral
Le Plan national climat est considéré par la Cour comme étant une « codification des plans climatiques régionaux, complétée par des mesures fédérales ». La Cour constate également « l’absence d’un rapportage satisfaisant sur l’exécution et les résultats de la politique climatique fédérale », en l’absence de plan climatique spécifiquement fédéral. Des évaluations, tant aux niveaux fédéral que régionaux, devraient être menées en 2009.
Une mise en ½uvre des mesures inégale, surtout lorsque cela concerne la fiscalité
Dans son rapport[Disponible [ici ]], la Cour analyse les avantages fiscaux, au niveau de l’impôt des personnes physiques, des investissements économiseurs d’énergie opérés dans les logements. Elle constate que l’information est bien mieux connue dans les groupes sociaux les plus élevés. En matière de rentabilité de la mesure, la Cour observe que « les chiffres disponibles ne permettent pas de répondre à la question la plus pertinente : les personnes qui bénéficient de cette réduction d’impôt auraient-elles également effectué ces investissements économiseurs d’énergie sans cette mesure ? ». L’ampleur de cet effet d’aubaine n’est pas connue. Ni par ailleurs celle de l’effet rebond (augmentation de la consommation qui annule partiellement les économies d’énergie). Enfin, partant du constat que, à coût égal, certains investissements (par exemple l’isolation d’un toit) permettent de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre (GES) que d’autres (p.e. panneaux solaires), la Cour s’interroge sur l’affectation de la réduction d’impôt aux investissements les plus rentables[La Fédération a posé un constat identique concernant les primes ‘énergie’ en Région wallonne. Lire la [position de la Fédération sur les instruments économiseurs d’énergie ]] : elle ne trouve pas de réponse dans les données de l’administration fiscale.
En matière d’éoliennes offshore[[Les éoliennes implantées au large des côtes belges relèvent de l’Etat fédéral, ce dernier étant gestionnaire de la partie belge de la Mer du Nord. Les éoliennes onshore relèvent des régions. La capacité de production des éoliennes offshore est largement supérieure à celles onshore mais les coûts d’installation et les contraintes techniques plus importantes.]], la Cour pointe le retard important pris dans le développement des parcs en mer.
La Cour relève que les chiffres annoncés de réduction d’émissions ne sont pour le moment que des estimations. La Cour note enfin qu’une mesure concernant la réduction de la consommation de charbon est modifiée et qu’il est donc difficile de chiffrer la part de la politique climatique fédérale dans les résultats.
Dans le domaine de la mobilité, les autorités fédérales ont inscrit des réductions d’émissions de GES dues à l’implémentation d’une directive européenne [[Tout comme elles l’ont fait pour les mesures relatives à l’étiquetage énergétique.]]. Il y a lieu de s’interroger sur cette appropriation des réductions qui ne découlent d’aucune mesure supplémentaire au niveau belge. La Cour ne se prononce pas mais relève les incohérences en matière de labellisation des véhicules (émissions de CO2 ou Ecoscore). Pour la Cour, l’efficacité des mesures de réduction fiscale à l’achat de véhicules émettant moins de CO2 est difficile à évaluer : l’ampleur de l’effet d’aubaine n’est pas connue. Par ailleurs, les mesures relatives aux voitures de société n’ont pas été l’objet d’une évaluation pourtant annoncée.
Concernant les transports publics, la Cour pointe les retards engrangés dans la réalisation du RER (infrastructures et matériel). Enfin, à propos du transfert modal vers le train, la Cour relève qu’il « n’a pas été possible d’établir comment le Gouvernement a obtenu comme résultat de cette mesure le chiffre de 37 000 tonnes de réduction de CO2 ».
En 2005, le Gouvernement met en place Fedesco[ [Federal Energy Services Compagny. ]], une société anonyme de droit public. Fedesco est un « facilitateur » et « intégrateur » pour l’étude, la réalisation et le financement de projets d’économies d’énergie dans les bâtiments fédéraux. Une convention de partenariat a par ailleurs été conclue entre Fedesco et la Régie des bâtiments. Malheureusement, la Cour relève que Fedesco n’est pas en mesure de calculer la réduction d’émissions de CO2 réalisées jusque maintenant. Par ailleurs, avec « 4 immeubles sur 1 642 où des travaux sont effectifs, le Gouvernement est fort éloigné de son objectif de réduction annuelle ».
Concernant l’application des mécanismes de flexibilité [[Les mécanismes de flexibilité sont les mécanismes de développement propres (MDP) et de mise en ½uvre conjointe (MOC), qui donnent droit à des unités de réduction d’émissions de GES.]], la Cour émet les observations suivantes :
« Il existe des imprécisions autour de la quantité de droits d’émission à acheter » [Les suites du [cas Mittal sont citées]] ;
« Une utilisation rationnelle des mécanismes de flexibilité suppose que l’on sache quelle solution – réduire ou acheter – est la plus avantageuse. Pour ce faire, il faut pouvoir comparer les coûts de la mise de départ dans les mécanismes de flexibilité avec l’effectivité des coûts des mesures de réduction. La comparaison pose des problèmes car l’effectivité des coûts des mesures nationales n’est que rarement connue » ;
selon le Bureau fédéral du Plan, les achats de l’autorité fédérale seront supérieurs aux besoins réels. Si les droits d’émissions peuvent être revendus, le gouvernement devrait envisager d’adapter sa politique ;
la collaboration entre autorités fédérales et régions devrait être renforcée.
Une gouvernance climatique toujours à construire
La Cour conclut qu’ « à ce jour, il n’existe pas de plan climatique fédéral, ni d’évaluation de la politique fédérale ». Le Parlement n’est dès lors pas informé de manière transparente.
La lecture de ce rapport soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. La Fédération Inter-Environnement Wallonie ne peut encore une fois que constater le manque d’évaluation des mesures prises par les autorités, particulièrement en matière de fiscalité. La Fédération s’interroge aussi sur la façon dont les autorités rédigent les plans et estiment les réductions d’émissions. A plusieurs endroits dans son rapport, la Cour des comptes fait état d’inconnues sur le calcul et les hypothèses pour estimer les réductions d’émissions. Ces lacunes inquiètent la Fédération. Dès lors, la Fédération demande une meilleure coordination entre les autorités, une application plus ambitieuse des mesures prises et surtout, une évaluation et un suivi permanent de la mise en ½uvre de ces dernières. Les autorités ne peuvent demander aux citoyens de faire des efforts sans montrer le (meilleur) exemple. La Fédération fait sienne les recommandations de la Cour et examinera avec intérêt les propositions du Ministre du Climat, attendues pour le 15 octobre 2009.