Une fois encore, la réforme de la fonction consultative est mise à l’ordre du jour du Gouvernement wallon. L’objectif est la rationalisation des conseils consultatifs qui pullulent en Wallonie. Cette réforme est l’occasion de refaire un point sur nos revendications.
Les conseils consultatifs sont nés au gré des besoins et des textes qui les ont créés. Autant dire, qu’il n’y a pas eu de vision d’ensemble lors de leurs créations successives. Cependant, depuis quelques années déjà, la Région wallonne a régulièrement manifesté son intention de rationaliser la fonction consultative. Sans succès jusqu’à présent. Il est vrai que la tâche est immense et, comme partout, la résistances au changement forte.
Qu’entend-on par « fonction consultative » ?
L’expression recouvre ces avis rendus par des conseils, dont les règles de composition et de fonctionnement, varient en fonction des matières et du rôle qu’ils sont censés jouer. Les plus connus du grand public – ou en tout cas, les plus sollicités par le Gouvernement wallon – sont le conseil économique et social de la région wallonne (CESRW), le conseil wallon de l’environnement pour le développement durable (CWEDD), le conseil supérieur des villes, communes et provinces de Wallonie (CSVCW).
Dans les matières qui touchent plus spécifiquement au cadre de vie des gens et dans lesquels la sensibilité environnementale est représentée, relevons, outre le CWEDD, la commission régionale d’aménagement du territoire (CRAT), la commission consultative de l’eau (CCE), le comité de contrôle de l’eau, la commission régionale des déchets, le conseil supérieur wallon de la conservation de la nature (CSWCN), le conseil supérieur wallon de l’agriculture et de l’agro-alimentaire (CSWAAA), la commission régionale d’avis pour l’exploitation des carrières (CRAEC), le conseil supérieur des forets et de la filière bois (CSWFFB), le comité Energie, la commission royale des monuments, sites et fouilles (CRMSF), les conseils supérieurs de la chasse et de la pêche.
La dynamique de concertation qui caractérise, avec plus ou moins de bonheur, ces conseils est infiniment précieuse dans notre démocratie : elle offre aux différentes composantes de la société, représentées dans ces instances, des espaces de dialogue et de confrontation d’idées. Elle constitue un correctif ou un complément, selon les points de vue, à la démocratie parlementaire : elle permet le débat entre les différentes « forces vives » de la société civile, le fruit de ces échanges étant bien souvent un consensus, soit une opinion qui transcende les clivages traditionnels.
Un bémol, toutefois : le travail dans ces multiples conseils prend beaucoup de temps pour des résultats peu apparents…
Nous pensons que l’amélioration des travaux des instances de consultation ne passent pas seulement par la rationalisation de celles-ci, même si elle y contribuerait grandement, notamment en évitant la multiplicité d’avis, empreints de particularisme, voire de corporatisme. Il conviendrait encore de nourrir une réflexion sur la place que le Gouvernement est prêt à accorder à la concertation et au consensus au sein de ces instances (délais de consultation, indépendance des conseils, prise en compte des avis des instances..).
En 2000, déjà…
Déjà en 2000, nous formulions des propositions. Celles-ci portaient sur les conditions sine qua non au bon fonctionnement des conseils (moyens et délais suffisants, délimitation des missions, publicité des avis, prise en compte des avis par l’autorité compétente) ainsi que sur une nouvelle structuration des conseils wallons. IEW proposait alors d’organiser l’ensemble de la fonction consultative régionale autour de trois conseils, réunis au sein d’un conseil consultatif unique :
- Le Conseil du développement durable, compétent pour remettre des avis sur les stratégies, les plans et les programmes du Gouvernement wallon en matière de développement durable ;
- Le Conseil de l’environnement et de l’aménagement du territoire, compétent pour remettre des avis sur les matières relatives à l’environnement, à l’aménagement du territoire, la mobilité, la ruralité… ;
- Le Conseil économique et social compétent pour remettre des avis sur les matières économiques et sociales.
Des propositions concrétisables rapidement
Aujourd’hui, sollicités par Monsieur Benoit Lutgen, Ministre de l’agriculture et de la ruralité, nous avons formulé des propositions, qui tout en s’inscrivant dans la perspective à plus long terme que nous avions tracé en 2000, sont concrétisables à court terme.
- A propos de la structure consultative relative aux matières touchant à l’environnement.
Nous défendons toujours l’idée de la création à terme d’un « CWEAT », conseil de l’environnement et de l’aménagement du territoire, issu de la fusion des CWEDD, CRAT, commissions de l’eau, des déchets, des carrières, etc…
Conscients que cet objectif est ambitieux, nous souhaiterions poser un premier pas dans cette direction en proposant la création d’une section commune au CWEDD et à la CRAT pour traiter conjointement des nombreux dossiers communs aux actuelles sections « Etudes d’incidences » du CWEDD et « Aménagement normatif » de la CRAT. C’est surtout depuis la mise en œuvre de la directive 2001/42 relative à l’évaluation environnementale des plans et programmes que ces deux sections sont appelées à se prononcer l’une et l’autre sur certaines mêmes catégories de dossiers, à savoir les plans de secteur, et une bonne partie des dossiers locaux tels que les plans communaux d’aménagement, schémas de structure, RUE, permis de lotir et études d’incidences en général.
Le CWEDD remet avis sur tous ces dossiers ; s’agissant des plans de secteur, son avis est tardif (il n’intervient que sur le projet de plan de secteur, après l’enquête publique) et il a parfois déploré de n’avoir pu remettre plus tôt un avis qui, à ce stade, aurait mieux contribué à orienter le dossier en ce qui concerne les incidences environnementales.
La CRAT remet au moins deux avis sur les plans de secteur, et a donc l’avantage d’intervenir à un moment de la procédure où elle peut encore influer réellement sur le cours du dossier. Par contre, sur les dossiers locaux (PCA, RUE, EIE), elle ne remet un avis que pour autant qu’il n’y ait pas de CCAT dans la Commune. La CRAT a souvent regretté de n’intervenir ainsi que par défaut, notamment parce que cela entrave l’une de ses missions, qui est de formuler des propositions et rendre des avis sur l’évolution des idées et des principes en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme que ce soit d’initiative ou à la demande du Gouvernement (art. 6 du CWATUP). En effet, elle pourrait, par exemple, formuler plus judicieusement des remarques sur les guides à donner en matière de RUE si elle les voyait tous, qu’en n’en voyant que certains. Enfin, elle ne remet pas avis sur les SSC alors qu’elle est certainement l’organe le mieux à même de conseiller les Communes en la matière – et qu’un conseil aux Communes sur les SSC serait bien nécessaire.
Il serait donc plus cohérent qu’une seule section regroupe les membres de la CRAT et du CWEDD appelés à remettre avis sur ces dossiers. Cette section verrait pour avis tous ces dossiers ; et notamment les révisions de plans de secteur qui devraient faire l’objet de deux avis au moins (avant l’adoption du projet à soumettre à l’enquête publique ; et avant l’adoption définitive).
- A propos de la structure consultative relative aux matières touchant à la ruralité : vers un conseil de la ruralité ?
Nous pensons également qu’une rationalisation des différents organes consultatifs relatifs à la ruralité et, en particulier, des conseils de la chasse, de la pêche, de la nature, de la forêt et de l’agriculture (CSWAA) est nécessaire. Cette rationalisation devrait renforcer la cohérence, la compétence et la représentation des différentes sensibilités qui y sont représentées. Le CWEDD y aurait, bien entendu, une délégation.
Etant donné le rôle et les missions actuelles parfois très spécifiques des conseils existants, le ROI devrait prévoir des chambres thématiques pour remplir ces missions (dérogation délivrée dans le cadre de l’arrêté destruction, agréation des réserves naturelles, …). Autre possibilité : le prévoir directement dans l’arrêté qui en règle la composition et le fonctionnement.
En plus des missions accomplies aujourd’hui par chacun des conseils existants, il va de soi que ce nouveau conseil rendrait des avis sur des politiques plus « transversales » de la ruralité en lien avec ces enjeux (agriculture, forêt, ..).
- A propos des conditions destinées à garantir l’efficacité et l’indépendance des organes consultatifs.
Si la fonction consultative doit être rationalisée, nous pensons qu’en aucun cas elle ne doit être affaiblie. Or, l’un des risques mis en lumière lors de notre dernier conseil associatif sur la fonction consultative est de voir rimer simplification administrative avec réduction des délais d’avis, pourtant déjà exigus, d’une part, et des avis obligatoires, d’autre part (exemples suite au décret RESA : suppression des avis obligatoires des CCAT, suppression des avis obligatoires de la CRAT sur les PCAD). Les instances consultatives doivent disposer, en plus des moyens et du temps, d’une autonomie qui se matérialise notamment par un droit d’initiative et une indépendance par rapport à l’amont (le législateur) et à l’aval (l’administration). Par exemple, la Commission de l’Eau est de plus en plus confinée entre d’une part le cabinet assurant la vice présidence et le secteur des opérateurs de l’eau présent autant à la tête (seconde vice-présidence) que parmi les membres (1/3 de la commission).
Nous pensons aussi qu’une transparence accrue est nécessaire. Pour cela, nous suggérons une publicité « active » des avis, une fois qu’ils ont été transmis à l’autorité compétente. IEW insiste aussi sur l’obligation de motivation de l’autorité compétente lorsqu’elle s’écarte des avis rendus pas ces instances.
Ecrit par Janine Kievits, Lionel Delvaux, Frédéric Soete et Coralie Vial
Pour en savoir plus, consultez notre dossier :
- Proposition de réforme de la fonction consultative, juin 200 ;
- Fonction consultative en Région wallonne : note de synthèse Conseil associatif du 11 juin 2005 ;
- Liste non exhaustive des conseils consultatifs wallons (établi en 2001).
Et pour en savoir encore plus, consultez les sites internet suivants :
– site du CESRW : www.cesrw.be
– site du CWEDD : www.cwedd.be
– site du CSVCP : http://csvcp.wallonie.be/
site du commissariat à la simplification administrative, « easiwal » : http://easi.wallonie.be