La réforme du CoDT prend l’artificialisation à bras-le-corps

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Le Ministre Borsus a présenté il y a quelques semaines au Pôle Environnement et au Pôle Aménagement du territoire l’avant-projet de décret CoDT adopté en 1ère lecture par le gouvernement wallon.

S’appuyant sur les travaux de la « Task Force CoDT » et sur le rapport du groupe d’experts « Artificialisation », l’avant-projet de décret répond à deux attentes majeures : améliorer les articles qui ralentissent la bonne marche des instructions de dossiers en matière urbanistique et prendre en compte la directive européenne « No Net Landtake by 2050 », appelée aussi « Zéro artificialisation nette » », ou ZAN pour les très intimes.

Mais l’avant-projet de décret ne fait pas que cela.

Quelle sera la teneur exacte du texte final ?

Nous n’en sommes qu’à la 1ère lecture. Bien des circonstances et des contributions argumentées peuvent amener le texte à être profondément modifié. Quelque part durant l’hiver prochain, le Conseil d’Etat devra dire ce qu’il pense du dispositif, en tant qu’objet juridique. Jusqu’à l’adoption en 3e lecture, il y aura de nouveau consultation des instances d’avis.

Pour l’heure, outre les avis des Pôles Environnement et Aménagement du territoire du CESEW, le gouvernement a sollicité l’avis de l’Union des Villes et Communes de Wallonie, de l’Observatoire du Commerce (que la réforme entend intégrer au Pôle Aménagement du territoire, en tant que section du Pôle), de l’Association des Provinces Wallonnes, de l’Agence Wallonne du Patrimoine, de l’Autorité de Protection des Données, des comités consultatifs provinciaux des zones de secours (SPF Intérieur DG sécurité civile), de l’Agence wallonne de l’Agir et du Climat, et du Groupe Transversal Inondation.  

En parallèle, le Ministre Président et le Ministre en charge de l’Aménagement du territoire communiquent l’avant-projet de décret au Gouvernement de la Communauté germanophone, en application de l’article 67 de l’accord de coopération du 14 novembre 2019 entre la Région wallonne et la Communauté germanophone relatif à l’exercice des compétences en matière d’aménagement du territoire et de certaines matières connexes.

Canopea remettra sous peu au gouvernement wallon un avis d’initiative sur l’avant-projet de décret.

Quelle sera la teneur de l’avis de Canopea ?

Patience, le gouvernement wallon en aura la primeur. Nous ne manquerons pas, ensuite, de le diffuser.

Cela étant, quelques axes de réflexions peuvent déjà être livrés à ce stade.

Tout d’abord, il ne faudra pas traîner. Le texte montre des avancées certaines par rapport aux objectifs qu’il se fixe, notamment dans la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux. Faute d’adoption en temps utile, cette volonté politique restera inopérante et l’on devra fonctionner encore plusieurs années avec le CoDT actuel, qui a du mal avec les mots « climat », « aménagement du territoire », « cohésion sociale » et « biodiversité ».  L’urgence environnementale et sociale est là, elle ne fait pas dans la dentelle, elle doit être prise au sérieux. Plus on traînera sur le CoDT, moins on se donnera des chances de mieux ménager le territoire pour faire face au défi climatique.

Autre raison de ne pas traîner, le sort du Schéma de Développement du Territoire (SDT) et celui du CoDT sont intimement liés. Il faut que le CoDT soit adopté et entre en vigueur pour que le Schéma de Développement du Territoire (SDT) puisse à son tour se faire adopter dans sa nouvelle version. Nouvelle version qui est en train d’être finalisée, et sera présentée avec le CoDT à l’étape de sa 2e lecture.

Les deux adoptions sont en fait emboîtées de la manière suivante : avant l’adoption du décret en deuxième lecture, le Ministre de l’Aménagement du territoire doit présenter au gouvernement un calendrier prévisionnel relatif aux adoptions du CoDT et du SDT. Ensuite, le Ministre doit présenter, au moment de la deuxième lecture l’avant-projet de CoDT, l’avant-projet de SDT et la cartographie complète des « centralités » et des « pôles ».

Alors, si vous suivez toujours, vous vous demandez en toute logique : « N’était-ce pas le SDT dont on devait revoir le contenu en priorité ? » Mais oui, vous n’avez pas la berlue, c’était lui qui devait être retouché et enfin adopté. La réforme du CoDT semble vouloir lui donner plus de poids dans la délivrance des permis, puisque l’avant-projet ramène de 15 hectares à 2 hectares la surface-seuil des dossiers encadrés par le SDT, afin de se synchroniser avec le Code de l’environnement, qui soumet à étude d’incidences tout projet de 2 hectares ou plus.

Un nouveau vocabulaire

La préoccupation quant à l’artificialisation des sols habite littéralement l’avant-projet de CoDT. Il semblerait que les instances consultatives connaissent des débats passablement animés à son sujet. Ce qui me donne l’occasion de vous présenter trois mini-vidéos réalisées par Canopea pour donner corps aux notions d’artificialisation des sols, de consommations de m² par la résidence et d’éparpillement de l’urbanisation.

Vidéo 1.  Consommation de m² par la résidence

Vidéo 2.  Artificialisation des sols

Vidéo 3. Eparpillement de l’urbanisation

Nos définitions ne sont peut-être pas les vôtres, discutons-en !

Autre concept-phare, l’optimisation spatiale fait son entrée dans l’avant-projet de code. C’est autour d’elle que s’organise l’articulation du CoDT, du SDT et du Schéma de Développement Communal (SDC), comme l’explique l’exposé des motifs :

« Pour inciter les communes à prendre en charge les objectifs d’optimisation spatiale qui seront définis dans le schéma de développement du territoire, il est prévu que le Gouvernement pourra solliciter d’une commune qu’elle décide de l’élaboration ou de la révision d’un schéma de développement communal thématique. Le conseil communal devra prendre position à cet égard dans les six mois qui suivent la réception de la demande du Gouvernement.

Ainsi, en définitive, les mécanismes mis en place en vue de l’optimisation spatiale s’articulent autour de trois temps :

  1. le schéma de développement du territoire contiendra les critères de délimitation des centralités et de détermination des mesures destinées à guider l’urbanisation dans et en dehors de ces centralités. Il définira également les centralités et mesures IN et OUT, lesquelles entreront en vigueur cinq années plus tard si les communes n’ont pas adopté entretemps un schéma de développement pluricommunal ou communal ;
  • si, malgré l’entrée en vigueur du schéma de développement du territoire, les communes restent inactives, le Gouvernement peut inviter celles-ci à entamer une procédure d’élaboration ou de révision de leur schéma de développement communal.
  • si, malgré cette invitation, les communes concernées n’ont pas adopté leur schéma de développement du territoire, le Gouvernement pourra décider d’initier une procédure de révision du plan de secteur là où elle est la plus nécessaire. »

Autre nouveauté : les infrastructures vertes ou IV, un outil de planification qui sera présent seulement dans les Schémas communaux et locaux. Les avis remis au gouvernement insisteront peut-être pour que les IV soient également présentes au niveau régional, dans le SDT. Qui vivra verra. Il ne s’agit en tout cas pas d’une manière de représenter le réseau écologique, mais de tracés à objectif de planification, sans préjudice des réglementations destinées à protéger la nature.

En savoir plus

Prendre soin de son territoire et de sa population est un devoir à temps plein ! Cette analyse d’Aurélie Cauchie le démontre à souhait.

Non, le CoDT (actuel) et le Plan de Secteur ne protègent ni la nature ni les terres agricoles. Démonstration dans Echelle Humaine :

En novembre 2020, le Groupe d’Experts « Artificialisation a remis son rapport au gouvernement wallon. Canopea faisait partie du comité d’accompagnement. Les travaux visaient à présenter des pistes d’action et des mesures sur base desquelles le gouvernement devait décider d’une « trajectoire pour freiner l’étalement urbain » avec des dates-butoirs à 2025 et 2050.

Un bref retour sur ce processus : https://www.canopea.be/artificialisation-bilan-2020/

Les huit balises de Canopea, pour ménager le territoire

Les HUIT BALISES doivent encadrer les projets d’urbanisme pour qu’ils fassent autant de bien que possible à l’environnement, et au lieu où ils prévoient de s’implanter.

Les huit balises sont :

  1. l’accessibilité piétonne et en transports en commun
  2. l’accessibilité aux cyclistes et aux PMR
  3. l’échelle humaine
  4. le paysage bâti et non bâti
  5. le réemploi des matériaux et la restauration des bâtiments
  6. les aménités existantes
  7. les activités économiques existantes
  8. la végétation et les espaces verts en place – les continuités entre espaces naturels

Ces huit balises sont expliquées dans des articles en ligne sur notre site.

  1. l’accessibilité piétonne et en transports en commun : « Pourquoi marcher ? »
  2. l’accessibilité aux cyclistes et aux PMR : « Fini les coupures »
  3. l’échelle humaine : « Échelle humaine, en direct du Décodage à Herstal »
  4. le paysage bâti et non bâti : « Faire attention au paysage »
  5. le réemploi des matériaux et la restauration des bâtiments : « Rénover au lieu de démolir »
  6. les aménités existantes : « Stop Béton : les aménités »
  7. les activités économiques existantes : « Reconnaître la mixité et la densité là où elles sont maintenant »
  8. la végétation et les espaces verts en place – les continuités entre espaces naturels : « Retrouver le sol »

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