« La société autophage », par Anselm Jappe

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Cet ouvrage du philosophe allemand développe une pensée originale, riche et parfois provocatrice sur notre société. Le capitalisme y est vu comme menant à une transformation anthropologique profonde, mais infantilisante et destructrice, dont il convient de prendre conscience et de se libérer. Pour Anselm Jappe, les crises écologique, sociale et économique révèlent la nature auto-destructrice d’un système qui prétend abolir toute limite. Partant d’un mythe grec quelque peu oublié, il propose une critique renouvelée de nos économies boulimiques. A travers des morceaux choisis, nous présentons ici quelques idées phares de cet auteur.

Un roi frappé d’une faim inassouvissable

Ovide relate le mythe grec d’Erysichthon, qui devint roi de Thessalie. Les autochtones de cette contrée avaient consacré un bois magnifique à Déméter, déesse des moissons. Au centre de ce bois, se trouvait un arbre sacré gigantesque, où les dryades et les nymphes dansaient. Avide et vaniteux, Erysichthon abattit l’arbre afin d’en faire des planchers pour son nouveau palais, malgré les protestations des occupants du lieu et de ses propres serviteurs. Il fût alors frappé par un châtiment de Déméter, qui envoya la Faim habiter son corps. Erysichthon fût alors pris d’un appétit insatiable, d’une faim inassouvissable. Il avala toutes ses provisions, ses troupeaux, ses chevaux, mais la faim était toujours là. Comme un brasier, il consomma autant de provisions qu’une ville entière. Très vite, toutes ses possessions partirent en achat de nourriture. Ruiné, il alla même jusqu’à vendre sa propre fille, Mestra, pour acheter à manger. Mais rien ne calmait sa faim. Au final, rongé par son mal, il déchira lui-même ses propres membres et dévora son propre corps.

Le Bûcheron et l’Hamadryade, par Émile Bin (1870)

Anselm Jappe y voit une allégorie de l’économie capitaliste basée sur un consumérisme insatiable. Pour faire croître sans fin la production et la consommation, la destruction de la nature est nécessaire et s’accélère même, ainsi l’exploitation planétaire des travailleurs précaires. L’accroissement de l’endettement est un symptôme de cette fuite en avant insoutenable. Ce système sape ainsi lui-même les bases qui lui permettent d’exister, cette « société autophage » se dévore elle-même, dans un processus qui s’étale sur des décennies, mais qui porte en lui « une transformation de ce qui définit l’homme et son rapport au monde ».

Une économie insatiable… et qui mange indifféremment de tout

« L’économie capitaliste est l’art de transformer un euro en deux [puis en quatre…], et d’ordonner tout le reste à cet unique but »[1] estime Anselm Jappe, qui donne ainsi sa définition simple de ce qu’il entend par capitalisme.

Une économie visant la croissance de la richesse monétaire est pour lui fondamentalement différente d’une économie qui serait centrée sur la satisfaction des besoins : « Tandis que toute production visant la satisfaction de besoins concrets trouve sa limite dans la nature même de ses besoins et recommence son cycle essentiellement au même niveau, la production de valeur marchande, qui se représente dans l’argent, est illimitée. La soif d’argent ne peut jamais s’éteindre parce que l’argent n’a pas pour fonction de combler un besoin précis. (…) L’argent n’est plus d’abord une monnaie d’échange, c’est devenu le but de tout le système, qui ne cherche qu’à augmenter cette chose abstraite qu’est l’argent. »[2],[3]

Anselm Jappe pointe ainsi un renversement qui s’est opéré chez les acteurs économiques : « L’argent n’est plus l’auxiliaire de la production de marchandises, c’est la production de marchandises qui devient un auxiliaire pour produire de l’argent. On n’échange pas une marchandise contre de l’argent pour transformer à nouveau l’argent en une autre marchandise (pour échanger une chose qu’on possède, mais dont on n’a pas besoin, contre une autre qu’on désire). On achète plutôt avec de l’argent une marchandise pour la revendre et obtenir une autre somme d’argent (…). Un tel mode de production comporte une indifférence structurelle envers les contenus de la production et les besoins de ceux qui doivent les produire et les consommer. »[4]

La dénonciation de cette « indifférence structurelle » envers les contenus de la production est à la base de la critique de la valeur, courant de pensée dont Anselm Jappe se réclame. Dans le cadre capitaliste, seul la valeur marchande compte, peu importe si l’on produit plutôt des jouets ou des bombes.

De l’argent abstrait à la consommation du monde réel

Pour notre auteur, l’accumulation financière mène cependant toujours, en bout de course, à une consommation matérielle : « La valeur [monétaire] en tant que telle ne connaît pas de limites naturelles à sa croissance, mais elle ne peut renoncer à avoir une valeur d’usage, et donc à se représenter dans un objet « réel ». »[5]

En effet, l’argent (valeur monétaire) est convertible en biens matériels concrets (sinon il n’aurait pas de valeur). En outre, le prix des biens matériels tend à baisser, en conséquence des gains de productivité. Ceci mène, selon Anselm Jappe, à consommer la nature : « La croissance de la valeur ne peut avoir lieu sans une croissance – nécessairement beaucoup plus rapide – de la production matérielle. La croissance matérielle, en consommant des ressources naturelles, finit par consommer le monde réel. »[6]

« Le capitalisme est comme un sorcier forcé à jeter tout le monde concret dans le grand chaudron de la marchandisation, pour éviter que tout s’arrête. La crise écologique ne peut pas trouver sa solution dans le cadre du système capitaliste qui a besoin de croître en permanence, de consommer toujours plus de matière, rien que pour contraster la diminution de sa masse de valeur. »[7]

Pour Jappe, il ne s’agit pas d’une simple idéologie, mais d’un mécanisme fondamental du capitalisme qui doit sans cesse assujettir de nouvelles sphères à la logique marchande : 80% de ce qui est produit dans le monde est inutile ou toxique, estime-t-il. « C’est la concurrence sur le marché qui oblige chaque acteur à participer à ce jeu forcené ou à disparaître. Se trouvent ici les racines profondes du désastre écologique. »[8]


Notre point de vue
Critique de la valeur : une vision qui bouscule la théorie économique

Du point de vue de la théorie économique, un dollar vaut toujours un autre dollar. Cela semble une évidence, et c’est ce qui a permis de construire la théorie mathématique de l’économie classique. Pourtant, à y regarder de plus près, il s’agit d’un postulat qui a de profondes – et parfois choquantes – implications éthiques.

La « critique de la valeur » est un courant de pensée qui considère comme problématique, voire illégitime le fait de comparer la valeur des choses à travers leur prix. Si un jouet peut avoir le même prix qu’une bombe, leur usage et leur utilité sont totalement différent. Or dans une économie capitaliste, la production de l’un ou de l’autre est totalement indifférente.

Accepter le postulat qu’un dollar vaut toujours un autre dollar mène à considérer que le marché alloue la richesse de manière efficiente d’un point de vue sociétal. Dans sa forme extrême, cette approche mène par exemple à considérer que si la scolarisation d’un enfant d’un pays pauvre a un prix de marché de 200$, identique à celui d’une partie de golf d’un citoyen aisé, c’est que ces deux activités ont la même « utilité » sociétale (parce que le golfeur est vraisemblablement une personne productive qui a besoin de se détendre pour être aussi productive, pourraient par exemple justifier les tenants de cette approche, confondant productivité et « utilité » sociétale).

Une approche économique qui cherche à maximiser la richesse globale tout en considérant tous les dollars comme équivalents entre eux aura aussi des implications surprenantes dans le domaine environnemental. Une illustration mémorable en a été donné en 1991 par Lawrence Summers, alors économiste en chef de la Banque Mondiale, dans un mémo sarcastique qui fit grand bruit :

« La Banque mondiale ne devrait-elle pas encourager davantage la migration des industries sales vers les Pays les moins avancés ? Je peux penser à trois raisons : La mesure des coûts de la pollution nuisant à la santé dépend du manque à gagner résultant de l’augmentation de la morbidité et de la mortalité. De ce point de vue, une quantité donnée de pollution nuisant à la santé devrait être effectuée dans le pays dont le coût est le plus bas, c’est-à-dire le pays où les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique économique qui sous-tend le déversement d’une cargaison de déchets toxiques dans le pays où les salaires sont les plus bas est imparable (…) les pays sous-peuplés d’Afrique sont largement SOUS-pollués, leur qualité de l’air est probablement inutilement élevée par rapport à Los Angeles ou Mexico. (…) L’inquiétude au sujet d’un agent qui cause un changement sur un million dans la probabilité d’un cancer de la prostate sera évidemment beaucoup plus élevée dans un pays où les gens survivent pour attraper un cancer de la prostate que dans un pays où le taux de mortalité des moins de 5 ans est de 200 pour mille. (…) »

Refuser le postulat qu’un euro est toujours égal à un euro, c’est remettre en cause un fondement de la théorie économique moderne. Considérer qu’un euro est toujours égal à un autre euro revient par contre dans bien des cas à nier la construction séculaire d’une morale et d’une éthique qui fonde notre civilisation.

En pratique, nos états ne fonctionnent pas totalement sur ce postulat. Ainsi, l’État redistributif ne considère pas tous les euros comme étant égaux (contrairement à l’État libéral pur dans une vision « laissez-faire »). En effet, l’État redistributif considère qu’il y a « création de valeur » quand un euro est retiré à Jeff Bezos pour être donné à un dispensaire de Manille ou à une école primaire de Quito. Il s’appuie sur la taxation, les services publics, l’instauration de revenus minimum, etc. pour obtenir cette redistribution créatrice de valeur sociétale. La « création de valeur » pour la société est rarement chiffrée et vraisemblablement non calculable scientifiquement : le juste niveau de répartition est une question politique et éthique plus que scientifique.

Basée sur des postulats qui sont loin d’être neutres, la théorie économique classique semble mener à une doctrine politique plus qu’à une compréhension scientifique du monde. La remise en cause radicale de ces postulats par la « critique de la valeur » nous force à sortir d’une forme de paresse intellectuelle et à réfléchir aux fondements éthiques souhaitables pour notre économie et notre société.


Une cohésion sociale en péril

Anselm Jappe amène aussi à réfléchir sur la cohésion sociale, de plus en plus difficile ou artificielle à maintenir dans le cadre de la logique capitaliste. Sur ce point, sa critique est originale dans le sens où elle se focalise sur des aspects qui, sans nier le rôle des inégalités de richesses inhérentes au capitalisme, vont au-delà de ce seul aspect.

Pour Jappe, l’argent devenu fin en soi abouti à « une société entièrement nouvelle, où les acteurs, même les « dominants », sont essentiellement les exécuteurs d’une logique qui les dépasse » . Il refuse une vision qui se contenterait de mettre la responsabilité globale du système sur « quelques salauds de capitalistes ».

Ainsi, le concept de « lutte des classes », bien qu’important, n’est pas central à la critique du capitalisme d’Anselm Jappe : « L’injustice sociale n’est pas ce qui rend le capitalisme historiquement unique, elle existait bien avant (…). Le rôle historique du mouvement ouvrier a surtout consisté à promouvoir l’intégration du prolétariat » dans la logique et les bénéfices capitalistes. « Cela s’est révélé effectivement possible pendant la longue phase d’ascension de la société capitaliste, mais cela ne l’est plus aujourd’hui. Il faut reprendre une critique de la production et pas seulement [du caractère inéquitable] de la distribution. »[9]

Il note ainsi la perte de sens dans de nombreux emplois et productions : « On continue à travailler dans des usines polluantes qui produisent des choses inutiles juste pour sauver des postes de travail. »[10]

Mais surtout il considère que « la société du travail s’abolit car elle n’a plus de travail à fournir à tous ». Fondamentalement, pour lui, le capitalisme a de moins en moins « besoin des gens » : « À côté de l’exploitation – qui continue à exister, et même dans des proportions gigantesques, c’est la création d’une humanité « superflue », voire d’une « humanité déchet », qui est devenu le principal problème posé par le capitalisme. Le capital n’a plus besoin de l’humanité et finit par s’autodévorer. Cette situation constitue un terrain favorable à l’émancipation, mais aussi à la barbarie. »[11]

Concurrence et ressentiment

Anselm Jappe analyse des dangers d’implosion sociale, de comportements auto-destructeurs. Car alors que les individus intériorisent profondément la logique concurrentielle du capitalisme, un nombre croissant de personnes se trouve parallèlement « déclassé ». Il analyse ainsi des phénomènes contemporains tels que la montée des populismes d’extrême droite, ou des meurtres de masse haineux de type amok. Il note, ainsi que les tueries de masse défient les explications courantes, ces « folies » ne pouvant s’expliquer par « la recherche d’un intérêt ».

« Au centre de l’univers mental des tueurs gît l’acceptation d’une société de la concurrence et de l’élimination du plus faible (…). Avec l’impératif catégorique d’être un « gagnant », d’une part, et, de l’autre, la conscience qu’un tel objectif est inatteignable, la seule façon de gagner (pour un bref instant) est de détruire la vie des autres avant de porter la main sur soi (…). Le meurtrier de masse est persuadé du droit du plus puissant et du plus fort à gagner dans le jeu social, mais il sait et ressent aussi qu’il n’est ni le plus puissant ni le plus fort. »[12]

« Ce qui perce sous cette forme de haine, c’est la certitude du sujet contemporain sa propre nullité et superfluité. C’est le contraire de la situation de l’exploité, qui savait que son exploiteur avait besoin de lui. »[13]

« Il en résulte un sentiment caractéristique de notre époque : l’impression de ne pas exister au monde. Cette impression n’est pas due à une défaillance individuelle ou à une coupable « incapacité à s’adapter à une société qui change ». La crise des formes de socialisation capitaliste fait que des êtres humains toujours plus nombreux deviennent « non rentables » et donc « superflus ». La rage de ces « déchets » humains peut prendre des traits barbares, fort éloignés des « luttes des classes » d’antan, centrées sur des « intérêts ». Aujourd’hui, un état d’âme prime sur tous les autres : le ressentiment (…). Certaines formes de ressentiment, et notamment l’aversion pour les catégories entières de personnes, sont dirigés vers des objets qui en vérité n’ont fait aucun mal au sujet manifestant du ressentiment, ou avec qui ces personnes n’ont même pas de lien réel, comme c’est souvent le cas dans le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie ou la détestation des « corrompus » (…). La sensation est vraie, la cible est fausse. »[14]

« Le capitalisme est une façon de vivre et de percevoir la réalité », dont il faut se libérer

Pour Jappe, le capitalisme tend à faire de tous « un consommateur qui n’a plus de limites, qui n’a plus de valeur (…). On proclame aujourd’hui un droit universel et illimité à la jouissance, qui se manifeste dans une consommation effrénée et dans une perte complète d’autonomie vis-à-vis de ses propres pulsions (…). La nouvelle économie psychique ne nous rend pas adulte en nous émancipant du père [au sens psychanalytique de figure d’autorité], mais fait de nous des nourrissons, entièrement dépendants de la satisfaction. »[15],[16]

Il pointe ce qu’il considère comme un danger de réaction populiste : « donner la responsabilité aux banquiers, aux méchants capitalistes, les rendre moralement responsable, et protéger l’honnête travailleur, c’est une illusion qui évite de réfléchir sur le système global »[17]. Il estime nécessaire de plonger aux racines de la collaboration et de la « servitude volontaire » des individus face à un système qui les opprime.

Anselm Jappe poursuit : « Il ne s’agit pas de demander l’« inclusion » des exclus dans la sphère du travail, de l’argent et du statut de sujet, mais d’en finir avec une société où seule la participation au marché donne le droit d’être « sujet » (…). Il ne suffit pas de se libérer de la « classe des capitalistes », il faut se libérer du rapport social capitaliste qui implique tout le monde (…). Il faut combattre la vision capitaliste qui est en chacun de nous. »[18],[19]

Se libérer de la faim en cultivant la satiété

Le constat posé par Anselm Jappe semble amer : « Il y aurait la possibilité que tous les habitants de la terre vivent bien en travaillant peu, et en polluant peu, mais c’est le contraire qui se passe »[20]. Au propre comme au figuré, il ajoute : « Mourir de faim au milieu de l’abondance, c’est bien la situation à laquelle nous conduit le capitalisme ».

A ceux qui croient dans la vigueur de l’économie, il répond : « Les profits actuels de certains acteurs économiques ne démontrent pas que le système en tant que tel est en bonne santé. (…) Dans cette crise permanente de l’accumulation – qui signifie une difficulté croissante à réaliser des profits – les marchés financiers sont devenus la source principale du profit, en permettant de consommer des gains futurs non encore réalisés. L’envol mondial de la finance est l’effet, non la cause, de la crise de la valorisation du capital »[21]. Il contredit ainsi l’idée, trop répandue selon lui, que ce sont les financiers qui spéculent qui sont la cause de la crise capitaliste : « nous pensons le contraire, la financiarisation est le symptôme de la fin du capitalisme : la dette et la spéculation permet de prolonger la survie du capitaliste, de cacher sa situation moribonde »[22]. Il reprend alors l’image du bateau à vapeur qui n’a plus de combustible et ne peut continuer à avancer qu’en brûlant le bois duquel il est construit.

Il pointe l’impasse actuelle : « Le triomphe du capitalisme est aussi sa faillite. La valeur ne crée pas une société viable, fût-elle injuste, mais détruit ses propres bases de tous les domaines »[23], considérant même que « le plein emploi, la lutte contre le chômage sont des projets politiques vains »[24].

Pour Anselm Jappe, « il ne s’agit plus de libérer le travail du capital, il faut se libérer du travail ». Au sujet de l’allocation universelle, il affirme : « l’idée de découpler le revenu du travail va dans le bon sens, mais l’allocation universelle repose sur l’hypothèse que l’économie continue normalement par ailleurs, et que l’état peut aller chercher l’argent. Cependant, il y a un problème avec les ressources qui empêche cela, donc il faudrait plutôt arriver à une redistribution des ressources concrètes (bâtiments, etc.) et non d’argent abstrait »[25].

L’auteur ne prétend cependant pas proposer des mesures politiques précises, son objectif étant de contribuer à une compréhension plus profonde de la nature intrinsèquement excessive du capitalisme, et de son impact sur l’homme, sur les rapports entre humains et les rapports des humains à la nature.

Dans cette perspective, il refuse tout fatalisme, et croit en un avenir ouvert : « Il n’existe pas une nature humaine fixe ou rigide ». Il considère de ce fait que le capitalisme pourra être dépassé, et que ce qui suivra dépendra des idées et des alternatives qui seront construites dans les décennies qui viennent. Pour lui, il n’y aura « ni une solution purement individuelle, ni une solution purement collective »[26], tant il montre dans son livre que la logique capitaliste a des répercussions à la fois collectives et individuelles intégrées par les individus.

« Il n’y a aucun modèle du passé à reproduire tel quel, aucune sagesse ancestrale qui nous guide, aucune spontanéité du peuple qui nous sauvera avec certitude. Mais le fait même que toute l’humanité, pendant de très longues périodes, et encore une bonne partie de l’humanité jusqu’à une date récente, ait vécu sans les catégories capitalistes démontre au moins qu’elles n’ont rien de naturel et qu’il est possible de vivre sans elles. »[27]

En tant qu’individus et en tant que société, il nous faut à présent (re)découvrir et cultiver la satiété. Cet état qui correspond à la conscience d’avoir assez. Cette sagesse de s’arrêter au bon moment, de goûter une satisfaction profonde au moment où l’on arrête de consommer. Cette liberté de ne plus devoir courir après une faim inassouvissable. C’est seulement à cette condition qu’il est possible de sortir d’un rapport purement utilitariste envers les autres, envers le monde et, in fine, envers soi-même.

Le livre à la base de cet article :

Anselm Jappe, La société autophage – capitalisme, démesure et autodestruction, La Découverte (2017).

Deux interviews d’Anselm Jappe sur France Culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/la-societe-marchande-et-le-narcissisme

La société marchande et le narcissisme (09/01/2014).

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/le-capitalisme-narcissique-danselm-jappe

Le capitalisme narcissique d’Anselm Jappe (01/11/2017).


[1]     Anselm Jappe, La société autophage – capitalisme, démesure et autodestruction, La Découverte (2017), p. 15.

[2]     La société autophage, p. 7.

[3]     Anselm Jappe, La société marchande et le narcissisme, France Culture (09/01/2014).

[4]     La société autophage, pp. 15-16.

[5]     La société autophage, p. 16.

[6]     La société autophage, p. 17.

[7]     La société autophage, p. 8.

[8]     La société autophage, p. 17.

[9]     La société autophage, p. 233.

[10]   La société marchande et le narcissisme.

[11]   La société autophage, p. 234.

[12]   La société autophage, p. 202.

[13]   La société autophage, p. 205.

[14]   La société autophage, p. 206.

[15]   Anselm Jappe, Le capitalisme narcissique d’Anselm Jappe, France Culture (01/11/2017).

[16]   La société autophage, pp. 144-146.

[17]   La société marchande et le narcicisme.

[18]   La société autophage, pp. 235-236.

[19]   La société marchande et le narcicisme.

[20]   Le capitalisme narcissique d’Anselm Jappe.

[21]   La société autophage, p. 233.

[22]   La société marchande et le narcicisme.

[23]   La société autophage, p. 233.

[24]   La société marchande et le narcicisme.

[25]   La société marchande et le narcicisme.

[26]   Le capitalisme narcissique d’Anselm Jappe.

[27]   La société autophage, p. 236.