L’article 32 de la Constitution vient de fêter ses trente ans d’existence, ou plutôt d’entrée en vigueur.
« Art.32 : Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s’en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134. »1
En l’inscrivant dans sa loi suprême, la Belgique a érigé la transparence administrative en droit démocratique fondamental. Elle précisait alors qu’il doit être garanti à chacun·e « le droit de disposer de toutes les informations indispensables pour donner une signification à la notion « un état de droit démocratique » »2. L’accessibilité aux documents administratifs se veut en effet indispensable dans une démocratie puisqu’elle permet une participation à la vie collective en toute connaissance de cause ainsi qu’un contrôle citoyen sur les décisions des autorités. Elle va d’ailleurs de pair avec l’obligation pour les autorités de motiver formellement les actes administratifs3, c’est-à-dire de détailler les arguments pratiques et juridiques qui fondent leurs décisions.
En quelques mots, la transparence administrative permet au public de demander l’accès à toute information dont une autorité administrative dispose, quelle que soit sa forme matérielle (écrite, sonore, visuelle) et ce, sans devoir se justifier. Il s’agit des « rapports, les études, même des commissions consultatives non-officielles, certains comptes-rendus et procès-verbaux, les statistiques, les directives administratives, les circulaires, les contrats et licences, les registres d’enquête publique, les cahiers d’examen, les films, les photos, etc. dont dispose une autorité4». Les « données reprises dans le traitement automatique de l’information » sont aussi concernées.
Les différents niveaux de pouvoir sont par ailleurs tenus de mettre en œuvre la transparence administrative et d’en préciser les contours, d’où la collection de textes légaux « relatifs à la publicité de l’administration »5 qui complètent l’article 32.
Le principe de transparence n’est cependant pas absolu. Il existe des motifs d’exception – établis par les différents niveaux de pouvoir – pour lesquels on peut refuser la mise à disposition d’informations administratives (exemples : les documents demandés sont inachevés, la divulgation entre en conflit avec une recherche ou poursuite de faits punissables, la divulgation porte atteinte au droit à la vie privée, etc.6). Ces motifs de refus doivent toujours être examinés au cas par cas selon une balance des intérêts. L’intérêt de mettre à disposition l’information administrative pour le public « doit chaque fois contrebalancer concrètement l’intérêt qui est protégé par un motif d’exception »7. Un arrêt de la Cour constitutionnelle a d’ailleurs annulé des dispositions d’un décret wallon qui instauraient une exception générale, systématique et absolue au droit à la transparence administrative concernant des informations relatives à l’importation, à l’exportation, au transit et au transfert d’armes civiles et de produits liés à la défense8.
Pour l’anniversaire de ce fameux droit de transparence (article 32 de la Constitution), la première journée de rencontre des commissions d’accès aux documents administratifs (en abréviation, CADA) des différentes entités, fédérale et fédérées, s’est tenue le 31 janvier. En effet, puisque chaque niveau de pouvoir dispose d’un fondement juridique différent, chaque niveau de pouvoir dispose de sa propre Commission, chacune soumise à des règles plus ou moins distinctes. Des membres de la CADA fédérale, de la Vlaamse Beroepsinstantie, de la CADA wallonne, de la CADA bruxelloise, de la CADA de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales et de la CRAIE (Commission de recours pour l’accès aux informations environnementales wallonne) se sont donc réunis pour partager leurs pratiques. L’occasion notamment de faire le point sur le traitement jurisprudentiel de certains motifs d’exception à la mise à disposition des informations administratives.
On note la présence de commissions spécifiques pour l’accès aux informations à caractère environnemental. Si elles existent, c’est parce que les informations environnementales bénéficient d’un encadrement spécifique au-delà de l’article 32. La Convention d’Aarhus de 20029, qui elle n’a pas encore fêté ses 25 ans, garantit et organise ce droit d’accès – ainsi que d’ailleurs la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Ce sont donc ces règles spécifiques qui s’appliquent dès lors que l’on cherche à avoir accès à une information environnementale détenue par (ou pour le compte) d’une autorité administrative. Pour ce qui concerne la Région wallonne, l’on retrouve toutes les informations utiles aux articles D.12 et suivants du Code de l’environnement.
« Art. D.10. : Le droit d’accès à l’information relative à l’environnement détenue par les autorités publiques est assuré à tout membre du public, sans qu’il soit obligé de faire valoir un intérêt. »10
Pour entrer plus en détail sur la manière d’obtenir une information environnementale et sur la jurisprudence concernant les motifs de refus de divulgation, Canopea organise régulièrement des formations gratuites sur le droit d’accès à l’information environnementale11. La dernière en date : https://reseau.canopea.be/agenda/formation-droits-acces-info-enviro/.
La Convention d’Aarhus nous rappelle que toutes les informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités relèvent de l’intérêt général et que tout le monde doit y avoir librement accès. Au-delà du principe d’information, la Convention insiste sur l’importance de la connaissance, de l’éducation et de la participation du public en matière environnementale. Elle reconnait le rôle de la transparence environnementale également pour la sensibilisation à la pollution et au développement durable. Elle tient à « assurer un appui accru du public aux décisions prises dans le domaine de l’environnement »12.
En guise de conclusion et au vu de l’actualité, on rappellera que la reconnaissance du droit de vote ne suffit pas à garantir une démocratie en bonne santé. Encore faut-il, d’une part, être libre de se forger sa propre opinion sur base d’informations correctes, notamment environnementales, pour pouvoir participer à la vie collective. On s’inquiétera, par exemple, si une des plus grandes puissances mondiales fait retirer des informations sur le dérèglement climatique des sites officiels de son administration13. D’autre part, concernant toujours la transparence administrative14, il est aussi essentiel de pouvoir prendre connaissance de l’activité des autorités en dehors des périodes électorales. La transparence administrative est un pilier fondamental de la démocratie, d’autant plus dans un monde où l’esprit critique est constamment mis à l’épreuve des réseaux sociaux et des « fake news »15.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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- Article 32 de la Constitution entré en vigueur le 1er janvier 1995. ↩︎
- Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 1, https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/48/0839/48K0839001.pdf ↩︎
- Loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ↩︎
- Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5. ↩︎
- Loi du 11 avril 1994 (fédéral), Décret du 30 mars 1995 (Région wallonne), Ordonnance du 30 mars 1995 (Région de Bruxelles-Capitale), Décret du 26 mars 2004 (Communauté et Région flamande), Décret du 22 décembre 1994 (Communauté française), Décret du 16 octobre 1995 (Communauté germanophone), Décret du 11 juillet 1996 (COCOF), Ordonnance du 26 juin1997 (COCOM), articles L311-1 et suivants du Code de la démocratie locale (provinces et communes wallonnes) et décret du 26 mars 2004 (provinces et communes flamandes). ↩︎
- Consulter les bases légales pertinentes pour chaque niveau de pouvoir ↩︎
- Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5 ↩︎
- Cour const., 19 décembre 2013, n° 169/2013, https://www.const-court.be/public/f/2013/2013-169f.pdf ↩︎
- Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (convention d’Aarhus) ↩︎
- Art. D.10 du Code de l’environnement qui transpose la Convention d’Aarhus au niveau wallon. ↩︎
- A ce sujet, voir aussi un ancien dossier de Canopea : https://www.canopea.be/wp-content/uploads/2009/11/DOSSIERinfofinalsite.pdf ↩︎
- Cfr Considérants de la Convention d’Aarhus ↩︎
- https://www.theguardian.com/us-news/2025/feb/04/trump-climate-change-federal-websites ↩︎
- Sans parler ici du rôle des contre-pouvoirs, de l’Etat de droit ou encore de la séparation des pouvoirs et de tout autre élément constitutif d’une démocratie. ↩︎
- https://www.coe.int/fr/web/campaign-free-to-speak-safe-to-learn/dealing-with-propaganda-misinformation-and-fake-news ; https://www.facebook.com/photo/?fbid=1371242947184727&set=a.429244464717918 ↩︎