l faut de toute urgence coordonner les Régions et l’Etat fédéral pour dessiner conjointement un avenir énergétique pour la Belgique. Il y a du travail ! La Belgique doit d’abord répondre à ses obligations climatiques et, pour ce faire, accélérer sa transition énergétique, c’est à dire consommer moins d’électricité et passer à une production électrique renouvelable et durable… Pour le moment, elle reste parmi les mauvais élèves de la classe européenne et n’est même pas en voie d’atteindre ses objectifs européens 2020 pourtant bien peu ambitieux…
Ce défi climatique se double de celui de la sortie du nucléaire. Selon l’agenda actuel, à partir de 2022, les centrales nucléaires devraient commencer à fermer à un rythme accéléré. En 4 ans c’est 40% des capacités de production électrique belges qui devraient quitter le réseau, à moins bien sur que le Gouvernement décide ou soit forcé de revenir sur ses décisions de prolonger les vieux réacteurs de Doel 1 et 2 et les réacteurs dont les cuves sont micro-fissurées (Doel 3 ou Tihange 2). Plusieurs recours étant déposés à leur encontre, dont un par IEW et BBL, les jeux ne sont pas encore faits. Une fermeture immédiate d’une partie de ces réacteurs aurait le mérite de mieux répartir la sortie du nucléaire ce qui faciliterait la tâche…
Chacun pour soit…
Pour ne rien arranger, les compétences en matière d’énergie sont réparties entre Régions et Fédéral sur un mode kafkaïen. Le Fédéral est par exemple compétent pour le réseau à haute tension, les Régions pour le réseau local… Le Fédéral pour l’éolien en mer, les wallons pour l’éolien sur terre… Résultats : les décisions prises par les différents niveaux de pouvoir entrent souvent en contradiction.
Un exemple parmi (beaucoup) d’autres. La Wallonie par exemple a décidé l’an passé de soutenir l’installation d’une centrale biomasse qui s’inscrit en totale contradiction avec l’objectif de sécurité d’approvisionnement électrique qui est du ressort de la Ministre fédérale. Selon les modalités fixées par la Région, cette centrale devrait fonctionner sur un mode « base load », c’est à dire en continu à la manière d’une centrale nucléaire. Or en 2020, quand elle est censée rentrer sur le réseau électrique, la Belgique sera dans une situation de sur-production électrique et nécessitera des productions de type flexibles comme des centrales gaz notamment.
Encore un exemple ? La prolongation (non concertée) des réacteurs nucléaires par le Fédéral met notre pays dans une situation de surproduction électrique chronique, peu propice aux investissements dans les autres sources d’énergie… Cela rend donc plus difficile le développement des renouvelables et des centrales gaz et oblige les autorités compétentes à revoir à la hausse leurs niveaux de soutien. Seul gagnant, Engie et EDF qui touchent des deux cotés…
Le manque de coordination des politiques et des objectifs politiques des entités fédérées est donc souvent un gaspillage de ressources, d’argent public, et in fine, représente un frein pour la transition énergétique de notre pays.
Un pacte énergétique belge, enfin ?
L’accord de gouvernement fédéral prévoyait de mettre tout le monde autour de la table pour mettre sur pied un pacte énergétique. Aux dernières nouvelles, la ministre de l’énergie fédéral, madame Marghem, a annoncé le début des discussions début de l’année prochaine. Rien n’est pourtant moins sûr. C’est que la bonne volonté des parties ne semble pas vraiment là. La Flandre a entamé unilatéralement son propre round de négociation sur l’énergie et l’agenda de ses discussions est encore imprécis. En attendant, le Nord du pays refuse d’entamer les pourparlers avec ses « voisins » belges. Par ailleurs, alors qu’on pourrait croire (espérer) que des discussions de préparation entre experts battent leur plein entre les différents entités fédérées impliquées, il nous revient que les cabinets de la ministre fédérale Marghem et du wallon Furlan ne se sont réunis sur le sujet qu’une seule fois cette année…
La Wallonie doit se préparer pour le débat
Les questions qui devront être abordées dans le cadre de ce pacte énergétique belge sont nombreuses et complexes. Par exemple : coordonner les investissements dans le réseau électrique et dans les capacités de production ; coordonner les niveaux de soutien direct (certificat verts, subsides éventuels pour le gaz) et indirects (réduction de la rente nucléaire…) afin qu’ils se renforcent et poursuivent un objectif concerté ; adapter le marché de l’électricité à un production décentralisée et flexible ; coordonner les mesures fiscales, de marché, de sensibilisation à mettre en oeuvre pour diminuer notre consommation électrique…
Du coté flamand, le ministre Tommelein a lancé un large processus de consultation tous azimuts, le « stroom versnelling » en vue d’arriver à une plan énergie sur le court (2020) et sur le long terme (2050) pour sa Région. Des groupes de travail ont été formés pour proposer des mesures à prendre sur 5 grandes thématiques : l’efficacité énergétique, le développement des renouvelables, la gestion de la flexibilité, le financement de la transition et les questions liées à la gouvernance. Autour de la table, producteurs, fournisseurs régulateurs mais aussi société civile, citoyens… L’objectif affiché par le ministre Tommelein est clairement « Van Kernuitstap » (de la sortie du nucléaire) « naar herniewbare energie als uitgangspunt » (avec les renouvelables comme objectif).
Du coté wallon, on semble nettement plus attentiste. Depuis que la Région s’est fixé des objectifs renouvelables (largement insuffisant et discutable en terme de durabilité) l’année dernière, le débat énergétique est repassé au second plan. Il est clair que l’initiative prise au nord du pays devrait inspirer non seulement le Ministre Furlan, mais aussi l’ensemble des acteurs wallons de l’énergie. Il est urgent de rassembler autour de la table régulateur, gestionnaires de réseau locaux, politiques et société civile pour préparer techniquement et « sociétalement » les discussions qui s’annoncent. Il est temps de se montrer tous ensemble à la hauteur du défi qui nous est adressé !