Dans le draft d’une étude à paraître le 5 octobre, des chercheurs du Comité scientifique de l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) dénoncent l’erreur de considérer la biomasse énergie et les agrocarburants comme ayant un bilan carbone neutre. Selon cette nouvelle étude, les législations actuelles qui encouragent le recours à ce type de combustibles pourraient même contribuer à l’augmentation des émissions de CO2.
Les objectifs européens en matière d’utilisation des agrocarburants et de la biomasse à des fins énergétiques reposent sur un bilan carbone biaisé. « Les conséquences potentielles de cette erreur de calcul sont immenses ». Voilà ce qu’il ressort d’un projet de rapport rédigé par un panel de scientifiques européens de l’AEE et dont Reuters a pris connaissance[ [Bioenergy targets based on flawed science –report (Reporting by Charlie Dunmore, editing by Rex Merrifield and Jane Baird]].
L’hypothèse selon laquelle la biomasse utilisée à des fins énergétiques – carburants ou combustibles – émet, lors de sa combustion, autant de carbone que ce que la plante en a absorbé, est tronquée car elle ne prend pas en compte le cycle de vie originel de la plante (scénario « business as usual de la végétation»). L’erreur est de ne pas considérer que, sans cette finalité énergétique, cette biomasse aurait poussé naturellement et aurait absorbé le carbone de toutes façons. La seule et véritable plus-value en matière de captation de carbone peut être réalisée par une croissance additionnelle de biomasse – plantation – qui s’ajouterait au cycle de séquestration du carbone opéré naturellement. Les bénéfices annoncés des agrocarburants sur le climat sont donc grandement surestimés.
Le panel d’experts irait même plus loin en avertissant l’Union européenne que sa stratégie bio-énergie, poursuivie indépendamment de la question des sources de biomasse, pourrait mener à une augmentation des émissions de carbone et accélérer le réchauffement climatique. Les objectifs européens en matière d’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques devraient donc être revus à la baisse.
Cette annonce paraît dans un contexte déjà tendu. L’UE débat de l’évaluation des impacts indirects générés par le détournement des cultures vers la production d’agrocarburants, mais reporte sans cesse la prise en compte de ces effets indirects dans le bilan environnemental des agrocarburants. L’argument comme quoi l’incertitude scientifique au sujet du bilan des agrocarburants justifiant la poursuite des politiques qui leur sont favorables pourrait être considérablement affaibli.
La Banque Mondiale et le Programme alimentaire mondial des Nations Unies ont récemment appelé à un gel des politiques en faveur des agro-carburants, en partie responsables de la flambée des prix des denrées alimentaires.
D’autres organismes, tels le Bureau européen de l’Environnement (BEE)[ [Bioenergy: a carbon accounting time bomb – BirdLife international, EEB, T&N]] et l’Institut pour la politique environnementale européenne (IEEP)[ [Anticipated Indirect Land Use Change Associated with Expanded Use of Biofuels and Bioliquids in the EU – An Analysis of the National Renewable Energy Action Plans- IEEP (March 2011)]] , tirent la sonnette d’alarme en dénonçant les divers impacts associés à l’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques, notamment en termes de changement d’affectation des sols, de déforestation et donc d’augmentation d’émissions de CO2.
Des enjeux et des constats qui sont également présentés dans la position de la Fédération.