Le budget du TEC, grande inconnue de la législature 

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Le 16 octobre dernier, le Gouvernement wallon a présenté son projet de budget pour l’année 2025. Parmi les mesures, l’annonce d’une augmentation des moyens alloués à l’Opérateur de Transport de Wallonie (OTW, nom officiel du TEC) de 45 millions d’euros par rapport à 2024 (hors plan de relance).

Afin de vous aider à y voir plus clair sur les implications d’une telle mesure, nous vous proposons une petite plongée dans les rentrées financières du TEC.

La structure (des revenus) du TEC

Le TEC, ou plutôt l’OTW, est une entreprise publique. Son conseil d’administration (élu en 2023) est donc composé d’administrateurs nommés par les différents partis politiques. Les représentants de la majorité sont pour le moment en minorité dans ce conseil, dirigé par Nicolas Martin (PS). Cela pourrait toutefois changer lors du prochain renouvellement, le MR étant le grand gagnant en matière de sièges dans les conseils d’administration des entités publiques.

La relation entre la Région wallonne et l’OTW est formalisée par un contrat de service public. Le contrat actuel a été signé fin 2023 et sera d’application de 2024 à 2028. Ce contrat définit à la fois l’offre de service public que l’OTW doit effectuer et les compensations financières qui lui sont allouées pour cela.

Le budget (plus précisément le produit d’exploitation) total de l’OTW était de 826 millions d’euros en 20231, largement financé par la Région wallonne. Ainsi, lorsque l’on cumule les subventions de la Région wallonne et la compensation régionale pour couvrir les mesures de quasi-gratuité et de non-indexation tarifaire (intégrée dans le chiffre d’affaires), on obtient pour 2023 un niveau de financement par la Région de 81%. Et lorsque l’on regarde ce que payent réellement les voyageurs, on remarque que les recettes issues de la vente de billets ne représentent que 9% des rentrées totales de l’entreprise. Le reste des revenus viennent de prestations effectuées pour des tiers, de dispositifs fiscaux ou de la publicité.

Quel budget pour demain ?

Le contrat de service public 2024-2028 a été synonyme d’une augmentation de budget importante pour l’OTW : en avril dernier, le Ministre Henry annonçait un financement 2024 de 960 millions d’euros, ce qui correspondait à une augmentation budgétaire de 200 millions d’euros2. Lorsque l’on compare les produits 2023 avec les promesses inscrites dans le contrat de service public, on remarque toutefois que l’augmentation est de l’ordre de 130 millions d’euros. Lorsque l’on compare ces mêmes produits 2023 avec le projet de budget 2024, on arrive plutôt à 180 millions d’euros en plus.

Cette différence est liée en grande partie à des budgets d’investissement additionnels inclus dans le plan de relance (tram de Liège, métro léger de Charleroi) et le Plan Mobilité et Infrastructure pour Tous (PIMPT ; busways de Liège, Charleroi et Mons). Un « petit » budget (2,7 millions d’euros) a également été prévu pour la gare de Namur.

Le Ministre Henry annonçait en avril2 un plan d’investissement de 1,586 milliard d’euros sur 5 ans, principalement dans le matériel roulant (20%)3, les extensions du tram de Liège (18%) et les nouveaux bâtiments (14%). Une grande partie de ce budget passe donc à la trappe avec la décision d’arrêt des extensions.

Les trajectoires budgétaires du TEC constituent le gros point d’interrogation de ce contrat de service public. En effet, le contrat de service public annonce une planification financière et une programmation intégrée des investissements sur 5 ans. Il ajoute également que la programmation 2023-2027 est reprise en annexe du contrat. Malheureusement, la version du contrat de service public disponible sur le site du SPW Mobilité et Infrastructure n’intègre aucune annexe…

Le Ministre Henry a bien mentionné des trajectoires budgétaires dans sa réponse à Monsieur Antoine, mais celles-ci n’ont pas pu être consultées par la société civile, le Gouvernement n’ayant pas sollicité l’avis de Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) de Wallonie (dont Canopea fait partie) sur le dossier. Les négociations de ce contrat de service public se sont donc faites dans l’opacité la plus totale entre le Gouvernement, l’administration et l’OTW, ce que nous regrettons.

Des informations que nous avons obtenues, il semblerait que ces trajectoires ne soient qu’indicatives. Seuls les budgets d’exploitation de l’offre actuelle (offre de base, transport scolaire, transport de PMR) semblent assurés, un budget initial et une trajectoire d’indexation étant définis dans le contrat. Le nouveau Gouvernement wallon a donc les mains libres pour modifier tant les budgets que les ambitions, aucun objectif n’ayant par ailleurs été défini pour les indicateurs clés de performance.

Quelle répartition du budget ?

Depuis la fusion de la SRWT et des 5 TEC en 2018, l’OTW est organisé en 5 « business units » territoriales : Brabant wallon, Charleroi, Hainaut, Liège-Verviers et Namur-Luxembourg. La répartition du budget entre ces business units n’est pas publique. Elle dépend toutefois du réseau existant, donc du nombre de lignes et, indirectement, de voyageurs. Des informations que nous avons obtenues, la répartition du budget 2024-2028 ne devrait pas évoluer par rapport à la période précédente.

Or, il existe de fortes disparités territoriales entre provinces. En particulier, la province de Liège concentre 46% des voyageurs du TEC (pour 30% de la population wallonne). Si le territoire de la province (notamment sa densité) se prête bien à l’usage des transports en commun, il semble également important de développer l’offre dans d’autres provinces, particulièrement dans celle du Hainaut (plus densément peuplée que celle de Liège mais bien moins dotée en offre TEC), afin de stimuler un report modal vers les transports en commun.

Figure 1 : Comparaison entre la répartition du nombre de voyageurs du TEC et celle de la population par province

Un budget est prévu dans le contrat de service public pour l’évolution de l’offre de transport. Malheureusement celui-ci est très faible par rapport au budget total de l’OTW (4,8 millions d’euros, soit 0,5% du budget annoncé) et semble ne couvrir qu’à peine le processus de redéploiement de l’offre déjà en cours. Une amélioration de l’offre semble donc hypothétique, rendant le report modal dans les zones peu desservies très improbable… Ce budget peut toutefois être revu en fonction de la « trajectoire budgétaire de l’évolution de l’offre définie par le Gouvernement ». La balle est donc dans le camp du Gouvernement.

Quid du budget 2025 ?

Comment mentionné en introduction de cet article, le Gouvernement wallon a annoncé une augmentation du budget alloué à l’OTW de 45 millions d’euros pour 2025. Mais de quoi s’agit-il ? Malheureusement, le Gouvernement ne donne pas d’information sur l’allocation de cette augmentation. De plus, il ne précise pas non plus si l’augmentation est en valeur nominale (chiffres inscrits dans les budgets) ou réelle (corrigée de l’inflation). Plusieurs aspects permettent toutefois de mettre cette déclaration en perspective.

Premièrement, le budget alloué à l’offre de base, au transport scolaire et au transport de PMR doit être indexé selon une formule définie dans le contrat de service public. En appliquant cette formule aux budgets définis pour 2024 avec une hypothèse d’inflation de 3,1% (estimation du Bureau du Plan), on obtient une augmentation de compensation de plus de 28 millions d’euros4. Plus de la moitié de l’augmentation annoncée pourrait donc être due à une indexation déjà prévue contractuellement.

Deuxièmement, le montant de la compensation régionale pour couvrir les mesures de quasi-gratuité et de non-indexation tarifaire était de 46,4 millions d’euros en 2023. Le Ministre Desquesnes cite lui un ordre de grandeur d’une trentaine de millions d’euros juste pour la partie liée à la quasi-gratuité. Or le Ministre a annoncé le 29 octobre qu’il allait sans doute revoir les tarifs du TEC, avec une possible suppression de la semi-gratuité. Cette suppression pourrait, si l’argent économisé n’est pas réinvesti dans une amélioration de l’offre ou une baisse généralisée des tarifs, compenser entièrement l’augmentation annoncée de financement.

Enfin, le Gouvernement spécifie également dans son communiqué de presse que l’objectif final est celui d’une optimisation des services de l’OTW. Des réductions budgétaires sont donc vraisemblablement à prévoir dans les prochaines années. Si des économies peuvent probablement être réalisées à certains endroits, l’ordre de grandeur de celles-ci reste très incertain. Ainsi, il conviendra de rester vigilant afin de s’assurer que les réductions éventuelles de subventions n’impactent ni l’offre de transport, ni la qualité de service, et que cela n’induise pas une augmentation substantielle du prix du billet pour les voyageurs !

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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  1. Rapport financier 2023 disponible sur : https://rapportannuel.letec.be/
  2. Réponse à la question écrite n°596 (2023-2024) 1 d’André Antoine sur « L’impact budgétaire du contrat de service public de l’Opérateur de transport de Wallonie (OTW) pour la prochaine législature ».
  3. Une vision des investissements dans le matériel roulant est disponible dans la réponse à la question écrite n° 469 (2023-2024) 1 de Jean-Luc Crucke sur « Le programme de transition et les chantiers de l’Opérateur de Transport de Wallonie (OTW) »
  4. La même formule a été appliquée à la compensation régionale pour couvrir les mesures de quasi-gratuité et de non-indexation tarifaire. Sans cette compensation le montant de l’indexation est de 26 millions d’euros.