Le compteur à budget : anti-écologique et anti-social…

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Les compteurs à budget wallons coûtent trop chers et sont un outil d’exclusion sociale. Recyclons le budget qui leur est consacré pour investir dans l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments.

Une carte blanche parue sur lesoir.be et signée par : Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB Wallonne ; Marc Becker, secrétaire national de la CSC Wallonne ; Christian Kunsch, président du Mouvement Ouvrier Chrétien ; Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté ; Joëlle van den Berg, secrétaire générale du Réseau IDées ; Christophe Schoune, secrétaire général de la Fédération Inter Environnement Wallonie ; Christine Steinbach, présidente des Equipes populaires ; David Praile, coordinateur de Solidarités nouvelles ; Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des services sociaux ; Julien Galland, coordinateur de Revert asbl ; Etienne Cleda, directeur d’Empreintes asbl ; réunis au sein du Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie (Rwade)

La Région wallonne a fait le choix d’imposer les compteurs à budget aux ménages en difficulté de paiement. Une facilité pour les fournisseurs, mais un choix coûteux pour les consommateurs : plus de 43 millions d’euros1 ont été répercutés sur la facture des Wallons en 2013, et ce budget augmente chaque année. Ces 43 millions devraient plutôt servir à l’amélioration de la performance énergétique des logements. Elle permet d’une part d’apporter des réponses structurelles aux ménages en difficulté d’accès à l’énergie et, d’autre part, de répondre à des enjeux environnementaux et économiques. Sachant que le budget des primes Energie/Logement a lui été réduit de 25 millions en 2015 et est de l’ordre de 40 millions d’euros, il est interpelant de constater que la Région Wallonne alloue une somme similaire d’un côté pour une politique d’exclusion sociale qui réduit l’accès à l’énergie des ménages, de l’autre pour un soutien à la rénovation, qui renforcerait ce droit ! Et que c’est le budget de la seconde qui diminue drastiquement !

En cette période d’austérité budgétaire –certes discutable– les pouvoirs publics ont à la fois l’occasion et le devoir de faire les bons choix, dans une perspective d’avenir plutôt que de court terme : renoncer à un système injuste pour soutenir les politiques les plus efficaces, celles qui apportent des réponses structurelles face à des enjeux sociaux, environnementaux et économiques.

Pour rappel, en Wallonie, quand un ménage ne paie pas sa facture de gaz ou d’électricité, on vient lui placer un compteur à budget. Le compteur à budget fonctionne avec un système de prépaiement par carte. Quand le ménage n’a pas les moyens de recharger cette carte au moment nécessaire, il est privé de fourniture jusqu’au prochain rechargement. Autrement dit, il est coupé. Quand un ménage refuse de manière présumée le compteur à budget, il est également coupé sur décision du fournisseur, sans aucune décision de justice. Cela représente plus de 9.000 coupures par an. Or, un consommateur peut avoir de très bonnes raisons pour justifier ce refus présumé : absence du domicile, difficulté à comprendre les courriers qui lui parviennent, problèmes de santé, difficulté de se déplacer pour recharger la carte, ou même parfois contestation de la facture. De plus, les compteurs à budget sont souvent installés pour des dettes minimes, 86 % des dettes antérieures au placement du compteur à budget électricité sont d’ailleurs inférieures à 1.000 euros, alors que le seul coût de placement d’un compteur à budget est d’environ 900 euros. Plus de 50 % de ces compteurs sont par ailleurs rapidement désactivés.

Contrairement à ce qui est souvent annoncé, le compteur à budget n’est pas un outil de maîtrise des consommations mais de maîtrise du budget. Il n’encourage pas directement une utilisation rationnelle de l’énergie et n’explique pas comment mieux utiliser la machine à laver, il n’indique pas si celle-ci est particulièrement énergivore, ou encore si l’isolation des murs est une nécessité absolue,… En bref, il ne remplace pas l’indispensable accompagnement social et ne permet pas aux ménages d’améliorer la salubrité ou la qualité énergétique de leur logement. Par contre, à défaut de revenus suffisants, ce qui est généralement le cas des ménages en difficulté de paiement, ceux-ci ne peuvent satisfaire leurs besoins énergétiques les plus élémentaires. Ils se retrouvent donc face à un choix : s’auto rationner et se priver, ou s’endetter sur d’autres postes de dépenses.

Le RWADE constate ainsi que le compteur à budget est un outil d’exclusion sociale. Il plaide pour une sortie des compteurs à budget et pour le conditionnement de toute coupure à une décision de la justice de paix[[Les juges de paix sont déjà consultés pour le recouvrement des créances dues antérieurement au placement du compteur à budget. Ils arrivent donc en bout de course, lorsqu’une série de frais additionnels ont déjà été ajoutés au dossier et alors que le ménage a déjà été coupé ou s’est déjà vu placer un compteur à budget. Il serait davantage pertinent de donner des outils à la justice pour intervenir plus tôt.]], seule garante du respect des droits et obligations des parties en présence. C’est d’ailleurs le choix qu’a fait la Région Bruxelloise .

Avec les moyens dégagés par la suppression de cette mesure, le RWADE demande un renforcement des mesures de soutien à la rénovation énergétique des logements en faveur des ménages les plus fragiles. Il conviendra notamment de construire des stratégies d’approche et d’accompagnement pour des ménages qui se tournent difficilement vers ce type de démarche ou qui peinent à les concrétiser, faute d’accompagnement, de moyen, et/ou d’information suffisante. Et de soutenir réellement la capacité des ménages à maitriser leurs dépenses énergétiques en fonction de leurs besoins, contrairement à l’illusion que procure le compteur à budget. Des outils intéressants existent (MEBAR, FRCE, approches par quartier,…), il convient de les renforcer ! Il est également urgent d’agir spécifiquement au niveau du parc locatif privé, actuellement très peu encadré et peu soutenu par les politiques publiques.

Canopea