Ce mardi 13 février, le Parlement européen a examiné à Strasbourg les amendements proposés par la Commission pour la révision de la Directive cadre sur les déchets. La révision de cette Directive, qui fixe les grandes orientations de la politique européenne en matière de déchets, est une opportunité de développer le recyclage et la prévention des déchets, de mieux utiliser les ressources naturelles et de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Les résultats de ce premier vote sont encourageants. Pour la Région wallonne, en pleine réflexion sur sa gestion des déchets (cfr les deux décrets « déchets » qui arriveront très prochainement au Parlement wallon), cette orientation européenne tombe à point nommé: la Région doit mettre fin à un développement excessif de l’incinération.
Le Parlement européen a fait preuve d’un intéressant esprit critique en ne suivant pas les amendements de la Commission relatifs à la révision de la Directive cadre sur les déchets. Il a notamment rejeté la proposition de la Commission limitant la hiérarchie de traitement des déchets à trois niveaux, au sein de laquelle la réutilisation, le recyclage et la valorisation énergétique étaient sur le même niveau de priorité. Il a également rejeté la proposition de promouvoir l’incinération en lui accordant un nouveau statut, celui d’opération de valorisation.
Le Parlement a soutenu les propositions faites par sa Commission « Environnement » concernant la confirmation de voir établir une hiérarchie à cinq niveaux qui différencie nettement la prévention, la réutilisation, le recyclage (valorisation matière), les autres opérations de valorisation, et enfin l’élimination (décharge et incinération).
Dans la foulée, le Parlement a soutenu les pays qui proposeront des règles strictes pour éviter l’exportation des déchets vers les nouveaux pays membres qui seraient dès lors devenu les terrains d’incinération européens…
Enfin, le Parlement a décidé :
• un objectif de recyclage à long terme : 50% des déchets ménagers et 70 % des autres déchets recyclés en 2020 pour pouvoir faire de l’Union européenne, et selon les mots de la Commission, une « société du recyclage ». Ceci nécessite l’abandon de la mise en décharge et de l’incinération pour tous les déchets pouvant être réutilisés, recyclés ou compostés d’ici à 2020.
• des objectifs minima en matière de prévention des déchets : stabilisation de la production de déchets de chaque Etat membre d’ici 2012 sur la base des productions de 2008 ;
• une obligation pour les incinérateurs de déchets municipaux d’être aussi efficaces que possible, sans que ceux-ci ne soient reclassifiés en «opérations de valorisation»; conformément à la jurisprudence de la Cour européenne de Justice, l’incinération continuera à être considérée comme une opération d’élimination ;
• de la nécessité de proposer une Directive spécifique sur les bio-déchets d’ici Juin 2008 ;
Pour rappel, les arguments des ONG en faveur du recyclage versus l’incinération concernent principalement :
• Une meilleure gestion des ressources : l’incinération des déchets détruit des ressources précieuses telles que métaux, plastiques, bois, ou des ressources biodégradables qui pourraient être épargnées par le recyclage. Chaque tonne de matière incinérée doit être à nouveau extraite et transformée, ce qui augmente les dommages causés à l’environnement et la dépendance de l’économie européenne vis-à-vis des importations coûteuses. Le recyclage permet d’économiser plus d’énergie que l’incinération ne permet d’en récupérer en brûlant des déchets.
• Changement climatique : L’incinération produit des gaz à effet de serre. Un incinérateur produisant de l’électricité va produire 33 % de dioxide de carbone de plus qu’une centrale au gaz [[http://www.foe.co.uk/resource/briefings/dirty_truths.pdf.]] En comparaison, le recyclage permet d’éviter des émissions de gaz à effet de serre en évitant l’extraction et la transformation de matières premières. Une étude récente financée par le gouvernement britannique a conclu que le recyclage tel qu’appliqué aujourd’hui au Royaume-Uni permet d’éviter l’émission de 10 à 15 millions de tonnes équivalent CO2 par rapport à d’autres types de traitement. [[http://www.wrap.org.uk/wrap_corporate/about_wrap/environmental.html ]]
• Emplois : le recyclage est plus pourvoyeur d’emplois que l’incinération. Selon une étude préliminaire menée par la Commission sur la stratégie thématique sur les déchets, le traitement de 100 000 tonnes de déchets par le recyclage crée 200 emplois, mais seulement 20 à 40 emplois s’ils sont incinérés et 10 s’ils sont mis en décharge. [ [http://ec.europa.eu/governance/impact/docs/ia_2005/com_2005_0666_en.pdf ]]
• L’incinération est une barrière à la réduction des déchets : l’existence d’incinérateurs empêche le développement du recyclage et de la prévention des déchets, car les incinérateurs ont besoin d’être alimentés avec une quantité constante de déchets pour fonctionner, et les collectivités locales sont obligées de fournir des quantités constantes de déchets pendant des années pour espérer rentabiliser leur investissement.
• Transport de déchets : la reclassification des incinérateurs en «opérations de valorisation» plutôt que d’élimination pourrait conduire certains pays où les coûts de traitement des déchets sont élevés, comme l’Allemagne, à exporter leurs déchets vers des pays où ces coûts sont moins élevés, comme la France, la Pologne ou la République tchèque. Ce développement du transport de déchets entraînerait de surcroît une augmentation de nos émissions de gaz à effet de serre.
• Une utilisation saine des fonds européens : la reclassification de l’incinération pourrait avoir un impact particulièrement grave en Europe de l’Est, où des millions d’Euros issus des fonds structurels européens seraient utilisés pour construire des incinérateurs plutôt que des centres de tri et de recyclage.