Deuxième étape de notre nouveau cycle de formations à l’aménagement du territoire : Tournai! Comme à Charleroi, la séquence de la « carte sensible » fut un moment mémorable. A nouveau, un parcours préparé par les formateurs sans y avoir mis les pieds. A nouveau, un trajet étrange que même le Tournaisien pur jus de l’étape – n’avait jamais effectué tel quel. A nouveau, des non-dessinateurs qui se mesurent à la feuille blanche. A nouveau, une feuille jaune, carte sensible collective où les formateurs ont compilé, sans les altérer, les dessins et les annotations individuels.
En synthèse, voici notre feuille jaune, qui compile sous la forme d’une carte collective les dessins individuels.
Tout en haut, dans le coin supérieur droit de la carte, vous trouverez la flèche indiquant le nord et un curieux conglomérat de formes carrées marquées d’une croix de Saint-André. C’est la cathédrale avec ses cinq tours, qui est un peu à Tournai ce que Big Ben est à Londres. Au-delà de ces repères, la carte s’enfonce dans le moins connu en traçant une promenade qui relie en boucle la rue Saint-Martin, les boulevards, les jardins de l’ancien hôpital et ceux de l’hôtel de ville.
Pour retrouver un semblant de familiarité et savourer les ressemblances, voici Tournai vue du ciel, traversée par l’Escaut dans une longue oblique gris ardoise, écho des plans d’eau occupant les anciennes carrières, visibles au sud-est de la ville.
Sur cette photo aérienne tirée de Google Maps, notre circuit est indiqué en rouge.
Notre point de départ et d’arrivée était l’hôtel de ville, où avait lieu la formation. Remarquez le découpage de l’élévation classique, au centre de la carte, avec corps principal et ailes latérales, le tout surmonté de pots-à-feu et agrémenté de drapeaux. C’est aussi le lieu qui a réuni le maximum de commentaires écrits.
Ensuite le parcours s’insinue entre deux murs aveugles, toujours dans l’enceinte de cet ancienne abbaye, puis débouche sur une artère que personne n’a pensé à nommer sur sa feuille : la rue Saint-Martin. Un membre du groupe nous apprend que ses façades à degrés sont des copies d’anciennes, les bombardements ayant largement décapité Tournai lors de la IIe Guerre Mondiale.
Arrivée sur le boulevard qui ceinture la ville avec, en termes de dessin, une grande quantité d’indications souvent semblables entre elles : lignes de circulation, alignements d’arbres, recul des façades. Plus de variété préside à l’expression de ce qui se passe dans notre premier îlot « hors-les-murs ». Les ruptures d’échelle, la banalité qui habille les façades, l’irrégularité des trottoirs, y sont certainement pour quelque chose. Une centaine de mètres dans une rue discrète ne nous livre aucun dessin particulier. Par contre, le cul de sac auquel le groupe est confronté – pour des raisons de travaux – donne lieu à une représentation énergique, conforme à notre rebroussage de chemin à la fois amusé et obstiné.
Bref retour sur le boulevard, nouvelle tentative d’entrée sur les terres de l’ancien hôpital. La manoeuvre réussit, nous découvrons des terrains verdoyants et ondulants, où un verger a pris de la place au pied des tours – une seule carte sensible restitue ce contraste. Pour les autres participants, le contraste est trop banal et les buildings n’ont « pas d’intérêt à ce qu’on les dessine ». De l’ancien hôpital subsiste un polyèdre de pierre percé d’arcades, qui conduisaient à des allées d’ailes de soins. Nous y séjournons un instant, et chaque carte en rend témoignage. Un participant y ajoute le portrait de l’auteur des crasses parsemant la pelouse.
Entre le polyèdre pittoresque et notre deuxième franchissement du boulevard, les cartes sont assez taiseuses. Présence de façades anciennes, pavés glissants, et « H » pour la continuation du complexe hospitalier – bref, près de trois cent mètres passés sous silence, ou presque.
Puis la carte montre une débauche de signes, remplissages et mentions qui va crescendo au fur et à mesure que l’on s’approche des jardins de l’hôtel de ville. D’abord les rues calmes et plantées, puis le parc, avec ses bancs mis sous les arbres, ses oiseaux qu’on entend plus qu’on ne les voit, et son kiosque sous les frondaisons abondantes. Le trajet longe ensuite le jardin de l’hôtel de ville, avec ses jets d’eau diversement localisés, reproduits selon divers styles et toujours comme deux jumeaux parallèles. Au passage, personne n’oublie la statue-monument, mais on omet d’écrire qui elle représente (Louis Gallait, pour ne pas le nommer).
Plusieurs des participants connaissaient déjà la ville intra-muros, à l’intérieur de sa ceinture de remparts devenue boulevard. Ils connaissaient aussi le boulevard pour l’avoir souvent parcouru en voiture. Le fait de traverser cette limite à pied et de s’y arrêter était inédit pour eux. Tout le groupe a pu constater que ce genre de comportement n’est pas encouragé dans l’aménagement urbain :
Les sections du boulevard sont des lieux de passage pour voitures, pas des points d’arrêt. La circulation automobile y est aussi rapide qu’elle peut.
Le dénivelé accusé entre les îlots de trottoirs rend la traversée pénible et lente pour les piétons. Le feu vert ne dure pas assez longtemps pour permettre un passage en une fois, à moins de courir.
Une double rangée de petits cerisiers du japon vient, sur une portion du boulevard, étoffer l’habituel alignement de feuillus haute-tige. L’effet pour les piétons qui traversent le boulevard est spectaculaire, surtout en pleine période de floraison : une récompense dans ce parcours du combattant!
Vous souhaitez nous rejoindre en formation? Cette année, il reste deux étapes.
Prochaine formation à Liège, les 21 et 22 juin.
Ensuite à Braine-Le-Comte, le mercredi 4 et le jeudi 5 juillet.
Pour vous inscrire, n’hésitez pas, il reste des places : 081/390 750 – s.rouard@iew.be.
En bonus, comme chaque année, nous serons à l’Arsenal de Namur pour une formation courte. Le sujet 2012 de cette mini-journée d’étude : le Périmètre de Remembrement Urbain, ou PRU. Rendez-vous le mercredi 21 novembre de 10 à 13h. Accès à tous, à prix modique, réservation au 081/390 750 ou s.rouard@iew.be. Exposé de haut-vol, débat animé, possibilité de vous faire des amis.
Pour rappel
Le travail de synthèse graphique ci-dessus a été grandement facilité par le fait que nos participants avaient réalisé des tracés et des commentaires lisibles. Ils avaient déjà anticipé le besoin de communiquer entre nous sur le travail effectué.
L’exercice de la « carte sensible » part de la curiosité naturelle envers tout ce qui nous entoure pour amener cette curiosité à donner une forme visuelle, sur feuille, aux éléments rencontrés lors d’un trajet. Ces éléments peuvent être du bruit, des mouvements, des constructions, de la terre en friche, des esplanades utilisées par différents usagers. Le trajet peut être une boucle, ou tout autre type de déplacement : on peut, par exemple, tourner sur soi-même, ou remonter dans ses souvenirs pour restituer un lieu que l’on n’a pas sous les yeux. Le plus difficile est d’oser commencer à dessiner; ensuite, on se prend au jeu et on se concentre pour recenser en marchant ce à quoi on réagit. La consigne est simple : traduire en deux dimensions et en textes courts de façon à pouvoir se relire. L’objectif n’est pas que la carte sensible individuelle soit lisible par un autre que son auteur. Mais c’est un avantage indéniable si on peut atteindre un tel stade de lisibilité!
Le portail géomatique de la Wallonie : accès aux plans de secteur – et à une quantité impressionnante d’autres objets graphiques !
http://dgo4.spw.wallonie.be/dgatlp/dgatlp/Pages/Observatoire/Pages/DirOHG/Geomatique/WebGIS/index.asp
La boîte verte : http://www.laboiteverte.fr/
Un formidable site explorant les usages et les secrets de la représentation visuelle. Pour tous ceux qu’intéressent les conventions étranges de la cartographie. Accès direct à la splendide carte de Peutinger via une copie du XIIIe siècle :
http://www.laboiteverte.fr/carte-romaine-de-toutes-les-routes-menants-a-rome/ (sic)
The value of the variable (La valeur de la variable) : http://valuevar.wordpress.com/
Le regard personnel d’un mathématicien sur le monde extérieur ; c’est là que vous pourrez trouver les deux plans du métro londonien, le vrai et le réaliste.
Le métier de facilitateur graphique, expliqué par une praticienne chevronnée (et abondamment copiée – haro sur les plagieurs!)
http://www.loosetooth.com/ Graphic Facilitation by Brandy Agerbeck