Ce vendredi 5 juillet, le Comité ministériel restreint a adopté le « plan Wathelet » devant assurer la sécurité d’approvisionnement électrique en Belgique dans les prochaines années[[http://wathelet.belgium.be/fr/category/energie-2/]]. Ce plan confirme et concrétise les décisions de principe arrêtées par le gouvernement il y a un an presque jour pour jour. Les modalités de différentes mesures doivent encore être discutées et définies lors du Conseil des ministres du 19 juillet prochain. Sachant que le diable se cache souvent dans les détails, il apparaît donc relativement difficile à ce stade de porter un jugement définitif sur les divers éléments de cette « stratégie électrique ». On peut toutefois d’ores et déjà dégager une série d’éléments qui contribuent tantôt à la qualité du plan, tantôt à sa faiblesse.
Points positifs :
le plan a le mérite de mettre fin à 10 années d’incertitudes sur l’avenir électrique du pays qui minèrent le climat d’investissements ;
plusieurs mesures innovantes ont été adoptées : développement de la gestion de la demande et des interconnexions, création d’une réserve stratégique, encadrement des fermetures.
Points négatifs :
l’efficacité énergétique est la grande absente de ce plan. Il s’agit pourtant d’un levier clé pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique. L’étude réalisée par 3E pour le compte du mouvement environnemental[[http://www.greenpeace.org/belgium/Global/belgium/report/2013/Briefing_3E_FR_DEF.pdf]] a ainsi montré que trois mesures d’efficacité énergétique (chauffage électrique des ménages, éclairage dans les services, pompes et ventilation dans l’industrie) permettent de réduire la consommation de pointe de 1116 MW, soit plus que la capacité de production de Tihange 1. L’efficacité énergétique est certes du ressort des régions mais il est néanmoins déplorable que, sur un enjeu aussi important, les différents niveaux de pouvoir n’aient même pas tenté de développer une approche coordonnée ;
faute de prendre en compte l’efficacité énergétique et pour couvrir seulement les quelques dizaines d’heures par an d’ici 2017 qui risquent d’être problématiques en termes de sécurité d’approvionnement, le gouvernement confirme la prolongation de 10 ans de Tihange 1 qui aurait dû fermer en 2015 avec Doel 1 et Doel 2. Outre le risque et le coût (600 millions d’euros) que représente le maintien en activité de ce réacteur vieillissant, cette prolongation va renforcer les problèmes de surcapacité de production l’été, tout aussi gênants pour le réseau que les sous-capacités hivernales. Le nucléaire inflexible n’est en effet pas compatible avec la part croissante de la production renouvelable intermittente. Le maintien du nucléaire contribue également à diminuer le nombre d’heures de fonctionnement des centrales au gaz… que le gouvernement propose dailleurs de subsidier dans son appel d’offre ;
il s’agit là de la deuxième mesure phare du plan : le lancement d’un appel d’offres pour 800 MW de nouvelles capacité de production au gaz qui bénéficieront d’un soutien public pendant 6 ans. On attend encore les détails de la mesure mais il y a fort à craindre que ce sera cher payé pour garantir notre sécurité d’approvisionnement car les nouvelles centrales tourneront probablement très peu dans les années à venir ;
nous déplorons qu’aucune analyse approfondie n’ait été réalisée sur les besoins à moyen terme (2020-2025) alors que les mesures principales du plan (prolongation de Tihange 1, appel d’offre) portent précisément sur cette échéance. L’étude de l’administration sur laquelle le plan se base couvre uniquement la période 2012-2017 et prend insuffisamment en compte les évolutions récentes du marché (baisse de la demande, potentiel de gestion de la demande et d’efficacité énergétique, 2000MW de nouvelles interconnexions à partir de 2018…) ;
une dernière mesure phare est la captation d’une partie des recettes tirées de la vente de l’électricité de Tihange 1. L’Etat garantira un prix de vente de 41,6 euros par MWh pour l’électricité produite à Tihange1. Ce prix prendra en compte différents éléments : les coûts de production hors prolongation (27,4 euros par MWh), les investissements liés à la prolongation (600 millions ou 8 euros par MWh) et une « marge équitable » (6,4 euros). Au-delà de celle-ci, les recettes réelles réalisées par la vente de l’électricité produite à partir de Tihange 1 seront prélevées par l’Etat (avant impôt) à hauteur de 70%. Si le principe de capter la rente issue de la prolongation est louable, le système retenu risque d’être très/trop favorable aux exploitants. La marge équitable garantit déjà un revenu de 480 millions d’euros aux exploitants sur 10 ans. A cela, s’ajouteront 30% des recettes en cas de prix de vente supérieur à 41,6€. Par ailleurs, il n’y a à ce jour aucune transparence sur les coûts de production du nucléaire en Belgique. En 2010, la CREG les avait estimé entre 17 et 21 €/MW[[hhttp://www.creg.info/pdf/Etudes/F968FR.pdf]], soit 6 à 10€ de moins que l’estimation du gouvernement et potentiellement un doublement de la marge « équitable »… On ne peut donc que se réjouir que le gouvernement ait décidé de faire auditer annuellement les coûts de production de Tihange 1 par le régulateur… pourvu qu’il dispose des informations exactes avant de contracter un quelconque engagement. Le nucléaire belge n’a que trop été par le passé la vache à lait du groupe GDF Suez ;
enfin , tant les recettes tirées par l’Etat de la prolongation de Tihange 1 que les coûts de soutien au gaz ne sont pas prévisibles car dépendants de l’évolution du marché de l’électricité et du prix de vente. Le plan Wathelet comporte donc un risque financier qui , en en cas de problème, devra être supporté par le consommateur.