Le projet d’arrêté du Ministre René Collin modifiant les modalités de nourrissage dissuasif du sanglier a été approuvé ce jour par le Gouvernement wallon. Ce projet, qui sera soumis à l’avis du Conseil d’État avant son adoption, détricote la principale mesure destinée à réguler l’équilibre forêt – faune sauvage et à mettre fin aux dérives de certains chasseurs. Le nourrissage du sanglier pourra désormais être maintenu toute l’année, même en l’absence de risque pour les cultures. Le Ministre René Collin redonne ainsi la main au seul monde de la chasse et à ses dérives, rendant plus difficile, voire impossible, la gestion durable de pans entiers de la forêt wallonne.
Le nourrissage du grand gibier permet aux chasseurs de maintenir des densités de cervidés et sangliers bien au-delà de la capacité d’accueil naturelle de nos forêts. Cette pratique a fait doubler les populations de cervidés et tripler les populations de sangliers en une vingtaine d’années. Certains territoires de chasse maintiennent des densités en sangliers jusqu’à 10 fois supérieures à la normale pour s’assurer des prélèvements pléthoriques. Il en découle des dégâts importants à la forêt, aux cultures et à la biodiversité. La régénération naturelle de la forêt n’est plus possible dans certaines zones, tandis que les essences forestières et herbacées caractéristiques ont disparu sur de larges territoires sous la pression du gibier. Les dégâts de gibier aux plantations n’affectent pas seulement les propriétaires et gestionnaires forestiers : c’est l’ensemble de la filière bois qui est pénalisée par les pertes de valeur ou le découragement des propriétaires qui arrêtent la sylviculture.
Pour gérer cette problématique, le Gouvernement wallon avait adopté en juillet 2012 un plan de réduction des densités de grand gibier à l’initiative du Ministre Carlo Di Antonio. En octobre 2012, il adoptait un arrêté prévoyant des dispositions transitoires pour gérer les surdensités dans les territoires de chasse « points noirs », pratiquant du nourrissage intensif. Ces dispositions transitoires prévoyaient l’interdiction généralisée du nourrissage des sangliers, d’octobre à mars, en dehors des périodes de risque pour les cultures, dès cette année 2015. L’appel du Ministre Di Antonio à réduire les densités a été entendu par le monde de la chasse qui a augmenté substantiellement les prélèvements lors des saisons de chasse qui ont suivi. Seuls quelques dizaines de territoires récalcitrants (en particulier des chasses « à fric »), pourtant visés par les dispositions transitoires, n’ont pas répondu à l’appel.
L’évaluation des dispositions transitoires réalisée par l’Administration concluent à la nécessité de maintenir l’interdiction du nourrissage du gibier en dehors de la période de sensibilité des cultures.
Le Ministre René Collin fait une belle marche-arrière par rapport aux dispositions prises pour réduire la densité excédentaire en sangliers par son prédécesseur, sans qu’aucun élément nouveau ne le justifie. Le nouvel arrêté ne permettra plus de gérer les excès des territoires déviants puisqu’il autorise le nourrissage toute l’année sans justification. Ce texte, soumis formellement au Conseil Supérieur de la chasse a notamment fait l’objet d’avis d’initiatives très critiques des Conseils Supérieur des Forêts et de la Filière Bois et de la Conservation de la Nature, instances représentatives des acteurs de la ruralité, ceci sans que leurs avis ne soient pris en compte par le Ministre.
Nos associations regrettent l’absence de concertation entre les parties prenantes et le peu de considération porté à la fonction consultative alors même que le Gouvernement entend réformer celle-ci. Elles dénoncent le poids accordé à ce qui n’est rien d’autre que le hobby de quelques-uns par rapport aux enjeux de la gestion durable des forêts et de la préservation de la biodiversité.
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