La colère gronde dans le monde agricole. Depuis quelques mois, les agriculteurs sont vent debout un peu partout en Europe. Récemment, les manifestations et blocages se sont multipliés, bénéficiant d’une grande mobilisation en France et maintenant en Belgique.
Cette colère d’une profession aux multiples facettes est légitime et compréhensible. Les conditions de travail d’une partie non négligeable d’agriculteur·trice·s n’ont cessé de se dégrader depuis de nombreuses années, et davantage encore récemment. Alors que les constats sur les causes de cette régression sont clairs et alarmants, ne nous trompons pas de coupable ! Unissons-nous pour faire converger les objectifs de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.
La raison de leur colère ?
Faibles revenus, trop faibles marges sur la vente des produits, concurrence déloyale avec des produits hors Europe, difficile reprise des fermes par les nouvelles générations, accaparement des terres agricoles au profit de projets privés (ex : immobilier) et de structures financières (ex: Colruyt), lourdeurs administratives, normes en perpétuel changement, dérèglements climatiques impactants, … La liste des motifs de la grogne, voire de la colère est longue.
Tous ces symptômes sont la conséquence d’un modèle productiviste, qui bien qu’encore dominant, est définitivement à bout de souffle. Modèle où de trop nombreux agriculteur·trices se sont retrouvés pieds et poings liés face à la grande distribution et aux multinationales agro-alimentaires, souvent avec l’aide et la complicité d’une frange inconsciente du monde politique, des syndicats majoritaires, de la grande distribution ainsi que des consommateur.rices aux revenus décents qui favorisent le “moins cher” au prix juste. Un modèle qui a mis à mal la santé des agriculteurs, des citoyen.ne.s, de l’environnement et des sols.
Comment en est-on arrivé là ?
Depuis plus de 30 ans, les responsables politiques qui se sont succédé aux commandes de l’agriculture, tant au niveau de l’Europe (PAC notamment) que des Etats membres, ont mis en place des politiques agricoles et de marché ultra-libérales (récemment le traité de libre-échange UE-Mercosur), augmentant la pression sur nos agriculteurs. Ces politiques endossent une lourde responsabilité dans le délitement progressif de la profession. Face ces constats Canopea soutient les revendications de Fian et l’UNAB ainsi que les mobilisations prévues ce jeudi 1er février contre le traité de libre-échange UE-Mercosur
Comment avancer ?
Un recul sur les mesures environnementales, encore aujourd’hui insuffisantes pour faire face aux défis du climat et de l’érosion de la biodiversité, aurait des conséquences catastrophiques sur l’agriculture elle-même à plus ou moins long terme, l’empêchant de transitionner de manière la plus douce et progressive possible vers un modèle qui soit compatible avec les enjeux actuels. Si nous ne prenons pas les devants, les mesures environnementales, climatiques et sanitaires, elles, nous rattraperont. Le virage à prendre par le système agricole en sera d’autant plus serré et les conséquences sociales encore plus désastreuses qu’actuellement.
Le noeud du problème, c’est la coexistence de deux visions politiques qui s’affrontent et ont produit une PAC illisible pour les agriculteur.rices, inapplicable sur le terrain, inefficace sur le plan environnemental et inadaptée pour relever les défis de l’avenir. Une PAC qui réunirait production nourricière, protection de l’environnement et de la santé, serait un plan :
• Qui valorise mieux les mesures protectrices de l’environnement et les externalités positives de certaines pratiques (préservation de la qualité de l’eau, des sols, de la biodiversité, et évidemment de la santé humaine).
• Qui génère un revenu décent pour les agriculteur·trice·s.
• Qui encourage davantage les débouchés issus de pratiques bénéfiques pour l’environnement et la santé (notamment le bio, les pratiques agro-environnementales).
• Qui encourage le développement et maintien de structures diversifiées à taille humaine (ex : plus familiales et/ou sur petites surfaces).
• Qui soit à la hauteur des réalités du monde agricole et qui n’amplifie pas les contraintes administratives déjà lourdes.
Un nouveau paradigme
N’en déplaise à celles et ceux qui ont polarisé sciemment environnement et agricultures, une meilleure qualité de vie pour les producteur.rices et une meilleure préservation des ressources sont conciliables, et doivent être conciliées. C’est le constat fait depuis plusieurs années par Canopea et qui est résumé dans son dossier consacré à cette problématique (Terre Mécanique, déconstruire les mythes de l’agriculture), qui croise expertise de haut niveau et expérience sur le terrain.
Nombre de structures (ex : maraichers, fermes collectives, producteurs bio, éleveurs, …) réinventent un nouveau paradigme pour faire face aux défis qui leur sont propres (débouchés, qualité des terres, climat, …). Et parmi ces éléments de réussite, il y a la reconnexion entre les producteur.rice.s et les consommateur.rice.s, il y a le soutien financier aux pratiques les plus vertueuses, il y a des fermes diversifiées, autonomes…
Tant la recherche la plus récente que les expériences variées et concrètes démontrent que l’agriculture, le respect du vivant et la santé ne sont pas antagonistes, quand ils sont correctement reconnus et soutenus.
Il est de la responsabilité de chaque acteur (syndicats agricoles, agriculteurs.trices, environnementalistes, consommateurs.rices) de faire en sorte que ce nouveau paradigme soit la norme. C’est un DEVOIR des politiques de mettre en place des politiques claires, ambitieuses et adaptées qui rendent cette transition possible par, et pour, les agriculteur·trice·s.
Contact pour la presse : Pauline Dessard, chargée de mission « agriculture » : +32 493 67 38 02