Un long processus.
Ca y est ! Ce 21 mars, la Wallonie s’est dotée d’un plan d’action pour réduire ses émissions de GES de 55% en 2030 par rapport à 1990. C’est l’aboutissement d’un long processus.
- En 2018 un premier plan climat avait été adopté qui visait à réduire les émissions de GES de 37% en 2030/2005, hors industrie. Mais à l’instar de ll’Union Européenne, le gouvernement wallon s’était, dès son entrée en fonction en septembre 19, engagé à revoir ses ambitions à -55% au total en 2030/1990.
- Il a donc lancé un processus de consultation large, y compris de très stimulantes innovations en matière de gouvernance comme un panel citoyen sur le climat (dont les conclusions semblent hélas s’être perdues dans un tiroir malgré leur pertinence).
- En septembre 22, une version informelle non négociée du plan (c’est-à-dire la proposition mise sur la table par le ministre du climat Philippe Henry ) avait « fuité ». Canopea s’était plutôt réjouit de la proposition qui promettait de combattre certains tabous.
- En décembre 22, le gouvernement avait approuvé en première lecture une version largement édulcorée après négociation : exit beaucoup de mesures structurelles surtout dans la partie transport ou aménagement du territoire, exit également beaucoup de mesures contraignantes ou réglementaires…On le regrettait forcément.
- Et donc ce 21 mars, le gouvernement approuve une version définitive du plan.
Quoi de neuf dans la version finale du plan climat ?
La version finale du plan climat n’a pas fondamentalement changé par rapport à celle passée en première lecture.
Citons quelques ajouts plutôt positifs:
- Le Gouvernement assume d’avantage qu’il va falloir organiser la sortie du gaz fossile. Le chemin sera long mais des balises sont plantées… Combat à l’horizon.
- Une place plus importante est laissée à la consultation notamment des travailleurs dont les métiers vont changer voire disparaitre/être (ré)inventé… Et de manière générale on constate une attention plus marquée à l’impact social des politiques climatiques. Les partenaires de gouvernement citent à nouveau (très modestement) la sobriété c’est-à-dire le levier comportemental ou de changement structurel comme une nécessité climatique… Cela peut paraitre peu, mais on sait que certains partenaires gouvernementaux semblent avoir du mal à accepter ce qui est pourtant demandé par le GIEC…
- Le plan se veut plus ambitieux pour sortir des aides et des participations financières de la Région dans l’énergie fossile… Le chemin reste long à voir les participations financière regionales notamment dans l’aviation (Sonaca ,Safran, sowaer, aéroports…) ou le cadastre des aides régionales au fossile.
- Pas mal de mesures supplémentaires pour le renouvelable (biométhane, des obligations et des soutiens pour le PV ou la géothermie…) , mais on reste loin du compte pour atteindre l’objectif renouvelable.
- Un accent plus marqué sur les mesures pour le fret qui était clairement oublié dans la première version.
Au niveau des déceptions :
- Les dates d’entrée en application des obligations de rénovation, ou de l’interdiction d’installation de chaudières fossiles s’alignent sur l’Europe ou à peine mieux.
- Plutôt que de s’engager à réduire la vitesse sur les routes, mesure facile et efficace par excellence, le nouveau PACE reste au niveau de l’intention de « favoriser » une conduite plus raisonnable… Certains tabous sont tenaces.
Des mesures insuffisantes par rapport à l’objectif
En mai 2022 Canopea avait publié un rapport très complet reprenant ce qui devait se retrouver dans un plan climat crédible tant au niveau de la gouvernance que des mesures... Nous ne pouvons que constater un vif décalage entre notre plan idéal et la réalité du plan aujourd’hui approuvé. Les mauvaises langues diront que c’est que nous sommes naïfs ! La naïveté aujourd’hui est de croire que nous pouvons garder une planète viable sans transformer le système…
Une seule conclusion s’impose donc, comme nous le soulignions dans notre analyse du plan après la première lecture : «Les mesures qui sont proposées dans le plan risquent malheureusement de se révéler insuffisantes pour permettre l’atteinte de ces objectifs pourtant cruciaux. ». En très rapide, la partie logement offre les propositions les plus intéressantes tandis qu’en matière de transport surtout, mais aussi de renouvelable, d’agriculture ou de transformation industrielle, le gouvernement n’a pas réussi à oser des mesures plus disruptives.
Lisez l’analyse du plan détaillée qui reste d’actualité…
Et maintenant ? Coordination belge (!) et contrôle EU !
Le plan climat wallon devrait maintenant être « intégré » dans un plan national selon des modalités encore à définir. Nul doute que le « burden sharing » ou partage de l’effort climatique, renouvelable et d’efficacité entre entités fédérées va encore une triste fois focaliser l’attention et absorber les énergie… De notre côté, nous maintiendrons la pression avec nos collègues de la coalition climat.
Ce « plan » belge qu’on espère mieux coordonné doit en tout cas être envoyé à la Commission européenne pour juin 2023. Elle jugera de sa pertinence pour atteindre l’objectif climatique et renverra ses commentaires… Notons que la Commission avait été très sévère avec le précédent plan surtout pour son manque de coordination nationale. Mais elle pointait aussi le manque de certaines mesures phares. Cette pression européenne ne sera pas de trop… Notons encore que le règlement Gouvernance européen prévoit également un contrôle de la mise en œuvre des plans proposés.
Pas le temps d’attendre pour ce Gouvernement wallon…
Evidemment, Canopea fera tout pour que le Gouvernement actuel avance dans la mise en œuvre du plan climat adopté. Quelques dossiers très importants sont toujours sur la table de ce gouvernement. Notons :
- La réforme du Code de développement territorial (CoDT) et du schéma de développement territorial qui doit selon Canopea enrayer l’artificialisation de nos sols et l’éparpillement de notre bâti.
Voir notre analyse du CoDT passé en première lecture.
- La mise en œuvre de la pax eolienica avec pas mal de discussions qui doivent d’ailleurs urgemment commencer (sur les conditions sectorielles, sur les zones d’exclusion pour l’aviation, sur la participation des citoyens).
- Plusieurs projets en matière de rénovation comme la mise en place d’aides pour massifier les rénovations ou beaucoup d’appels à projet de rénovation via le plan de relance.
Et du pain sur la planche pour le prochain gouvernement
Mais nous avons (hélas) déjà les yeux braqués sur la prochaine législature qui sortira des élections de mai 2024.
Canopea ne comprendrait pas qu’au minimum, l’ensemble des mesures décrites dans le plan climat ne se retrouvent pas de manière plus développées dans les programmes des partis de la majorité dont les représentants ont adopté le plan ! Par le passé, les plans adoptés par une majorité ont eu tendance à disparaitre sous le « gouvernement d’après ». L’heure de la bonne Gouvernance climatique doit sonner !
En outre, Canopea demande aux partis actuellement dans l’opposition de se prononcer sur les mesures phares du plan en amont des élections. Cela nous fera gagner un temps précieux (2030 est demain !) de savoir ce que chaque parti entend mettre en œuvre pour le climat.
Enfin, en toute logique, le prochain gouvernement doit absolument prévoir un mécanisme de renforcement des mesures existantes dans le cas où l’on s’éloignerait de la trajectoire linéaire de réduction des émissions de GES (ce qui sera vraisemblablement le cas selon l’analyse de Canopea). Mieux ! La future déclaration gouvernementale devrait développer des mesures climatiques plus structurelles qui ne sont pas dans le plan à ce stade… On gagnerait du temps.
La bataille climatique ne fait que commencer donc.
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