Le plateau des Trixhes à Flémalle, Décodage sur le terrain : Compte-rendu

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IEW emmenait les amateurs ce 13 mars 2018 pour une visite du quartier résidentiel du plateau des Trixhes à Flémalle, en compagnie d’étudiants en architecture et de représentants de la commune. C’était l’occasion d’une confrontation avec le terrain – et avec la pluie ! – pour décoder quelques significations possibles des termes de « densification » et de « mixité ».

Roland Welliquet et Nathalie Wery, du Service de Développement territorial de la commune de Flémalle, accompagnaient cette visite. Ils nous ont fourni des informations techniques sur les développements passé et à venir.

Mixité et densité sur les bords du périurbain

Les Trixhes se composent d’unités d’habitation de logement social de toutes tailles, disposées sur des pelouses en pente douce qui descendent telles de grandes marches d’escalier, vers la Meuse. Entre les étages en faux plat, il y a des dénivelés, qui se transforment en versants abrupts aux limites du plateau. Par exemple, le bord nord de l’avenue Théodule Gonda ou les abords du château de Chockier. Exception notable : toute la frange ouest du site semble se prolonger indéfiniment, sous forme de champs et de bosquets. Le plateau des Trixhes constitue en fait le bord oriental du plateau hesbignon, réputé pour la qualité de ses terres agricoles.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, le plateau des Trixhes était une mosaïque de pâtures, de prés de fauche et de cultures, lorsqu’il a commencé à faire l’objet d’expérimentations urbanistiques. Le développement résidentiel, fruit d’une succession de projets issus d’un plan original conçu par le groupe « L’Equerre », constitue aujourd’hui la dernière zone densément habitée à l’ouest de la grande agglomération liégeoise, avant la « pure campagne ». Nous sommes véritablement au bord du périurbain. Notre visite nous emmènera jusqu’aux champs à la frange du développement résidentiel. Un endroit battu par les vents qui montre une image peut-être assez semblable à ce qu’était le quartier des Trixhes avant son urbanisation.

Petit film pour découvrir le site


Nicolas Sougnez, sans titre, 2017 : ce petit film montre, image par image, comme un flipbook, la traversée à pied du plateau des Trixhes, depuis l’Avenue Théodule Gonda en descendant jusqu’au village de Chokier.

Premier volet du Décodage : dehors !

Premier volet de la visite : un parcours à travers le site, pour appréhender sa topographie et son étendue, mais aussi s’imprégner de l’organisation urbanistique, repérer les différents types de constructions et la présence d’éléments naturels. Les participants sont particulièrement frappés par le mode d’urbanisation, notamment l’alternance spectaculaire entre espaces non construits et bâtiments.

Un massif d’arbres, colonisation récente et spontanée, rue des XV Bonniers, a retenu l’attention à cause de déchets accumulés dans les buissons : il semblerait que cet îlot soit visé par un projet de construction de logements supplémentaires. Des participants s’interrogent sur la perte de ce petit bois pour les habitants, et sur leur éventuelle envie de le voir maintenu et mieux entretenu.

Autre point d’interrogation de participants : comment se fait-il que les représentants de la commune de Flémalle désignent le quartier et ses îlots en fonction de noms abstraits comme « unité 1 » ou « unité 4 » (cette dernière ayant d’ailleurs été déconstruite !) malgré le fait que chaque rue a un nom, avec des panneaux portant ce nom aux extrémités et aux croisements des voies ? Ces panneaux de rues seraient-ils juste là « pour faire ville » ? Un des professeurs d’architecture indiquera que les étudiants ont adopté eux aussi le système des numéros d’unités, alors que cela complique la communication. Cela déshumanise aussi fortement les habitants, remarquera encore un autre participant.

Poursuivis par la drache, nous nous sommes à regret cantonnés aux terrains situés au sud de l’avenue Théodule Gonda. Sur l’illustration en entrée d’article, c’est l’espace circonscrit dans le triangle jaune. Un circuit écourté, qui a laissé trois impressions majeures. D’abord, l’impression d’un quartier très vaste et très vert ; ensuite, l’impression d’un quartier en vase clos, détaché du monde extérieur ; et enfin, l’impression de désorientation.

Il semble en effet malaisé de s’orienter aux Trixhes si on n’est pas un habitué. Et tout autant, de se diriger efficacement vers des points importants du quartier ou vers d’autres endroits de la commune, à pied ou en voiture. La difficulté de se situer prévaut, malgré la présence de nombreuses vues lointaines, et malgré la conformation en pente du site, qui devrait un tant soit peu aider à structurer ce que l’on voit…

La confusion naît probablement de la manière-même dont le lieu a été urbanisé : en suivant des lignes précises, fort nettes sur plan. Ces lignes perdent leur raison d’être dans les trois dimensions, car elles ne débouchent sur rien de structurant dans l’organisation du site. Autre source de confusion, la répétition de modules architecturaux, égrenés sur le plateau comme des hors-d’œuvre sur un buffet, avec entre eux des arbres ornementaux isolés, de même âge et issus d’une gamme resserrée d’espèces. Tout se ressemble un peu, sans qu’on soit sûr d’être déjà passé par là. Enfin, troisième source de confusion, l’organisation des déplacements aux abords des résidences, qui renforce la sensation d’être face à une multitude de voiries de type « allée de garage », ce que renforce l’absence récurrente de trottoirs. Les maisons individuelles, en petit rang serré d’immeubles mitoyens, sont desservies par des ruelles ; les immeubles à appartements sont desservis par une seule porte, donnant également sur une ruelle, alors qu’ils disposent de multiples appartements de plain-pied au rez-de-chaussée. Ces systèmes d’accès très figés n’ont vraisemblablement pas été pensés pour faire fonctionner le quartier, ni pour le mettre en relation avec le restant de l’agglomération. « On dirait un campus [universitaire] américain » dira une participante, confortée dans cette opinion par l’aspect soigné des pelouses et des plantations.

Deuxième volet du Décodage : à couvert !

Nous avons opéré une retraite précoce à couvert dans le centre culturel du quartier, où le volet « débriefing » a été entamé sans attendre, afin de cerner les aspects plus prospectifs de ce Décodage.

Les professeurs de l’Atelier 7 du Masters en Architecture en Architecture de l’Université de Liège Marina Frisenna, Pascal Noé et Jean-Marie Bleus (ces deux derniers présents au Décodage), avaient donné à l’entame de l’année académique le brief suivant : « en prenant pour point de départ un lieu réel, à savoir, le plateau des Trixhes, à Flémalle, proposez un masterplan qui inclue de nouvelles fonctions pour tirer parti du potentiel du site et de son contexte, et affinez en détail des projets de logement ».

Quelles seraient les conditions d’une réhabilitation ? Par quelles modifications urbanistiques le plateau des Trixhes pourrait-il renouer avec les quartiers environnants ? Comment utiliser l’existant ? Comment remettre en marche des fonctions plus collectives ? Comment occuper l’espace, avec le bâti et le non bâti ? Ce sont là quelques-unes des questions posées par les professeurs à leurs étudiants pour requalifier cette cité de logements, sans réalisation à la clé. Une absence de contrat et de contrainte qui doit leur permettre de découvrir, de septembre 2017 à juin 2018, comment organiser petit à petit leur liberté de réflexion et d’invention pour densifier en ménageant le territoire.

Plusieurs groupes d’étudiants ont présenté quelques-unes de leurs propositions pour réorganiser le site. Ils nous ont expliqué pourquoi transformer le quartier un peu, beaucoup, pourquoi lui conserver ses voiries ou en supprimer. Ces présentations sans filet, très bien menées se sont concentrées sur trois propositions : une ferme, une école d’horticulture et des tours de logement. De nombreux documents avaient été apportés, que les participants ont ensuite pu examiner et commenter avec leurs auteurs.

A priori les projets des étudiants ne doivent pas être mis en œuvre. Mais, même si le but de l’atelier d’architecture n’est pas de faire des propositions à la commune, les représentants du Service de Développement territorial ont bien reçu le message : Flémalle a tout intérêt à ouvrir l’œil sur ces hypothèses à la fois inventives et généreuses.

L’ensemble du quartier constitue aujourd’hui un enjeu territorial important pour la commune de Flémalle. Depuis plusieurs années, le logement social installé sur le plateau est reconfiguré et parfois déconstruit. Une campagne de mise aux normes d’isolation est en cours, nous a expliqué Roland Welliquet, qui s’est voulu rassurant sur le sort des champs à l’ouest du site des Trixhes. Situés en Zone d’aménagement communal concerté (ZACC) au plan de secteur, et par là susceptibles d’être convertis à d’autres fins qu’un usage agricole, ces terrains ont heureusement été confirmés dans leur situation « non urbanisable », ce qui signifie qu’ils resteront un espace vert et ouvert. Les difficultés d’égouttage en compliqueraient par ailleurs fortement l’urbanisation.

Roland Welliquet a également détaillé les démarches de cession qui donnent à des citoyens la possibilité de devenir propriétaires de leur logement. Il a évoqué le problème de gestion des immenses espaces publics du site, que la commune envisage de résoudre dans un futur proche. Quelle option choisira-t-elle? Cela reste à préciser.

Ce qu’en pense IEW

Le Décodage a permis d’accéder à un lieu spécifique, qui donne à voir de voir de très près ce qui se passe, aujourd’hui, sur les bords de nos grandes agglomérations, là où les « espaces vierges » – entendez par là des terrains à usage agricole – sont convoités pour faire sortir de terre de nouveaux lotissements. Si on peut pousser un « Ouf ! » de soulagement pour les champs à l’ouest des Trixhes, le « STOP BETON ! » amène de plus en plus de citoyens à s’interroger sur l’utilité d’ajouter à nos quartiers résidentiels encore d’autres quartiers résidentiels qui ne sont reliés au monde que par la voiture.

Il est réjouissant de constater que de futurs architectes prennent plaisir à s’exercer sur un quartier réel, pour travailler avec ce qui s’y trouve déjà, et pas pour faire table-rase. C’est un excellent entraînement. A la fois pour comprendre ce qui a pu générer de tels espaces, et pour imaginer comment ces espaces pourront continuer à fonctionner. Demain, en Wallonie, tous les professionnels de la construction seront amenés à faire cela de plus en plus : s’occuper de l’existant.

Avec son urbanisation très particulière, le Plateau des Trixhes offre un potentiel de densification qui aura tout à gagner d’approches plus humaines que celles qu’il a connues par le passé. Ce quartier a assez été vu d’hélicoptère, il a grand besoin d’approfondir ses connections avec la nature, d’améliorer ses logements et de s’ouvrir à d’autres fonctions qui lui donneront un rayonnement nouveaux, tant pour ses habitants que pour ses visiteurs. Dans ce sens, l’idée d’une ferme et d’une école d’horticulture ouvertes sur le quartier sont à développer à tout prix.

Si vous souhaitez aller plus loin sur le sujet , deux articles de fond :

Sophie HUBAUT et Caroline MINON, « Les Trixhes : utopie et réalités », analyse postée sur le site « Le Chaînon manquant », vendredi 19 décembre 2014. Les auteurs proposent entre autres une immersion dans l’historique de l’urbanisation du site et de nombreuses vues sur le site actuel.
Lien direct : http://lechainonmanquant.be/analyses/trixhes.html

Jean-Marie HALLEUX et Jean-Marc LAMBOTTE, « Friches d’habitat et désurbanisation en Wallonie » (« Residential wastelands and urban decline in Wallonia (Belgium) »), dans Géocarrefour, vol. 79/2, 2004, p. 153-161.Les auteurs mettent en lumière les facteurs qui ont conduit à la configuration urbanistique de notre région – notamment les particularités politiques et fiscales.
Lien direct : http://journals.openedition.org/geocarrefour/670

La suite

Nos autres Décodages sont programmés :
• Parc Spoor Noord, le mardi 19 juin 2018 à Anvers.
• Le Ry-Ponet, espace rural et naturel aux frontières entre Chênée, Fléron, et Chaudfontaine, le mardi 11 septembre 2018.
Inscription obligatoire – CONTACT : Julie Debruyne, 081/390 750
j.debruyne(at)iew.be

Ces formations d’IEW sont reconnues par le Conseil fédéral des géomètres-experts (www.economie.fgov.be). Dès lors, les heures de formation suivies par des géomètres-experts peuvent faire l’objet d’une attestation. L’attestation est délivrée sur demande du géomètre-expert, à l’issue de la formation. Le demandeur devra signaler aux organisateurs ses coordonnées complètes ainsi que son n° d’inscription GEO. Il devra signer un document attestant sa présence à la formation.

En 2018, IEW met dans ses Décodages l’accent sur l’aménagement des espaces publics (verdissement, comestibilité), des espaces verts (accessibilité, étanchéité des sols, rôle dans la régulation des intempéries) et des quartiers habités (accessibilité piétonne, structure écologique, échelle humaine, densification et mixité d’usages), tant en milieu urbain que rural. La Wallonie est riche en territoires variés. Ces visites sont l’occasion de distinguer des morphologies propres à la région et de concrétiser des concepts descriptifs originaux.

La formule interactive des Décodages donne l’occasion de rencontres fructueuses entre le public et les orateurs. Chaque visite technique est couplée avec un débriefing où les participants partagent ce qu’ils vont garder de cette visite pour leur pratique quotidienne.