Alors qu’un accord entre Engie et le gouvernement pour la prolongation des centrales nucléaires Doel 4 et Tihange 3 est loin d’être acquis et que la confusion est totale sur les scénarios de prolongation nucléaire au-delà de 2025, le Gouvernement lance ce lundi 20 mars une enquête publique… Il serait temps que les citoyen·nes appellent à envisager d’autres scénarios que celui de l’incertitude nucléaire.
L’accord sur la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 est censé être finalisé pour la fin juin 2023. Mais les négociations entre Engie et le gouvernement fédéral ne se déroulent pas sans heurts – c’est un euphémisme. Aucune des échéances intermédiaires n’a été respectée. Ce mercredi 15 mars encore, la date limite pour un accord sur la facture maximale à charge de l’entreprise pour le démantèlement et l’élimination des déchets – une décision à plusieurs milliards à charge du contribuable et un obstacle principal à un accord – n’a pas été respectée.
Résultat : un an après la décision politique du 18 mars 2022 de prolonger Doel 4 et Tihange 3, un accord semble loin, alors qu’Engie a besoin d’un « go » formel pour commencer les travaux. Et le temps presse… Les travaux et procédures nécessaires pour la poursuite de l’exploitation sont estimés à cinq ans. Bref, l’incertitude est totale sur quand ces réacteurs pourront être disponibles…
Au même moment, en France, le manque de fiabilité des réacteurs nucléaires jette l’incertitude sur la sécurité d’approvisionnement dans plusieurs pays européens. Pour y faire face, les idées fusent, comme des champignons toxiques, au niveau des autorités…
Bricolage à la belge
La solution de prolonger pour les hivers tendus (2025-20 28) les réacteurs Doel 1 et 2 et Tihange 1 (tous âgés de 50 ans !) avait la préférence des autorités, notamment sous l’insistance du MR. Mais l’AFCN a disqualifié cette option dans une lettre envoyée au gouvernement, lui préférant le maintien en activité de Doel 4 et Tihange 3 durant les travaux de prolongation. Même si les conditions de cette option restent à étudier, l’Agence dont la mission première devrait pourtant être la sécurité, annonce qu’il faudrait postposer les investissements de sécurité nécessaires…
La consultation publique qui s’ouvre ce lundi et qui se prolongera jusqu’au 20 mai est un autre signe tangible du flou qui entoure ces scénarios de prolongation censés garantir notre sécurité d’approvisionnement. Les citoyen·nes seront ainsi amené·es à se prononcer sur un accord de prolongation entre Engie et l’État belge… qui n’existe pas encore.
Un débat politique chaotique, une incertitude totale sur les modalités techniques et financières d’une éventuelle prolongation, le report des travaux de sécurité… tout cela a les allures d’un bricolage à la belge peu susceptible d’inspirer la confiance.
Emprunter une autre voie
Canopea et Greenpeace examineront avec attention les documents de consultation. Mais le flou actuel nous oblige déjà à continuer à plaider en faveur d’une politique énergétique durable et équitable. En pratique, il serait plus que temps de se détourner de l’incertitude nucléaire et envisager d’avantages les autres options : accélération du renouvelable, possibilité renforcée de flexibilité et de stockage, actions plus volontaires sur la demande d’électricité et coopération internationale renforcée.
Carte blanche parue sur le site du journal Le Soir – Par Mathieu Soete, expert énergie chez Greenpeace Belgique; Arnaud Collignon, expert énergie chez Canopea