Fin de législature, il reste quelques brasses avant le scrutin régional du 9 juin 2024. Très attendu, presque en dernière minute, le Schéma de développement du Territoire a été adopté par le gouvernement wallon. Quant au thème du Stop Béton, un temps repoussé à coup de « vous faites du NIMBY », il revient et s’impose, porté par des citoyen.nes de tous bords.
Le 25 avril dernier, le gouvernement wallon a validé la version définitive du Schéma de Développement du Territoire (SDT). Ce document définit, à travers des textes et des cartes, la stratégie territoriale de la Wallonie pour les années futures. La version adoptée tient compte des réflexions et remarques issues de l’enquête publique, qui s’était déroulée entre le 30 mai et le 14 juillet 2023. Le dossier a suscité 1.430 observations, dont 245 issues des Villes et Communes. Lors de cette enquête publique, de nombreuses observations émanant d’organisations avaient été transmises, parmi lesquelles l’avis de Canopea, que vous pouvez retrouver ici :
N’ayant pas encore eu l’occasion de lire la version adoptée du Schéma de développement du territoire (SDT), Canopea se réserve quant à un éventuel commentaire et se réjouit surtout, pour l’heure, que ce gros dossier soit enfin arrivé à son terme. Des esprits chagrins avaient maintes fois répété que le chantier n’aboutirait pas, que le gouvernement n’y parviendrait pas, faute de consensus sur les modalités du freinage de l’artificialisation. Le document adopté entrera en vigueur en août 2024 et nous espérons pouvoir bientôt en prendre connaissance, afin de rédiger des articles didactiques permettant aux citoyen.nes et aux membres des CCATM de s’approprier les contenus, notamment dans le cadre de notre Newsletter Echelle Humaine.
Maîtriser l’artificialisation des sols
Le SDT, en tant que stratégie territoriale pour la Wallonie, entend orienter les décisions régionales et communales en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme.
Quelles seront les mesures concrètes qui permettront réellement de maîtriser l’artificialisation des sols et de lutter contre l’étalement urbain ? C’est peu de dire que les attentes sont très fortes vis-à-vis du texte. Elles le sont tout autant vis-à-vis de la partie cartographique, qui va donner corps au concept de centralité.
Pierre d’achoppement de l’enquête publique, la définition des centralités (leur emplacement, leur étendue, etc.) a certainement dû donner lieu à des négociations intenses, dont on a hâte de voir le résultat sur papier.
En attendant, force est de constater que, sur ce point au moins, le programme de la Déclaration de Politique Régionale aura été suivi d’effets. Pour rappel, à la page 70, début du chapitre 14 relatif à l’aménagement du territoire, le gouvernement de 2019 s’exprimait en ces termes :
La Wallonie mettra en œuvre une stratégie territoriale ambitieuse assurant la cohérence globale du développement wallon sous tous ses aspects. Cette stratégie de développement territorial intégrera les besoins actuels et futurs de la population. Elle sera coordonnée avec le plan de transition sociale, écologique et économique et les stratégies de développement supracommunales.
La croissance des terrains artificialisés a été la plus intense entre la fin des années ‘80 et la fin des années ‘90, avec une artificialisation moyenne de plus de 18 km²/an. Durant les années 2000, l’artificialisation est tombée à 16 km²/an et elle baisse encore entre 2010 et 2015 à 12,7 km²/an et pour la dernière période de trois ans (2015-2017) à 11,3 km²/an. Pour freiner l’étalement urbain et y mettre fin à l’horizon 2050, il s’agit à court terme de poursuivre les objectifs suivants :
- Réduire la consommation des terres non artificialisées en la plafonnant d’ici 2025 ;
- Préserver au maximum les surfaces agricoles ;
- Maintenir, réutiliser ou rénover le bâti existant ;
- Localiser au maximum les bâtiments à construire dans les tissus bâtis existants (urbains, ruraux ou périurbains) situés à proximité des services et transports en commun ;
- Restaurer la biodiversité.
Il faut dire que la Wallonie revient plutôt de loin en matière de stratégie territoriale, comme l’Inspecteur général Michel Dachelet l’a rappelé lors de son exposé au colloque de la CPDT du 24 avril 2024, dans lequel il reprenait toutes les tribulations politiques du dossier SDER / SDT.
Stop Béton dans tous les codes postaux
L’expression « Stop Béton » n’était pas écrite en toutes lettres dans la DPR : il ne fallait pas fâcher les cimentiers et le secteur de la construction. Mais le thème y était en filigrane, et puis il s’est carrément invité en début de mandature, via notre dossier d’éducation permanente : « Stop béton. Le territoire au service de l’urgence environnementale et sociale », publié fin 2019. Ce dossier, écrit avec comme inspiration majeure le dossier de FIAN, « Pressions sur nos terres agricole » a à son tour encouragé la publication du « Manuel de Résistance contre les projets inadaptés, imposés et nuisibles» d’Occupons Le Terrain.
Distribué gratuitement de la main à la main pendant la période Covid, le dossier « Stop Béton », a été épuisé en un rien de temps et réédité dans la foulée. Alors qu’il nous avait été poliment recommandé de ne pas utiliser l’expression pour ne vexer personne, nous nous sommes abstenus et le résultat aujourd’hui est que « Le Stop Béton s’impose » dans ce sens-là aussi : tout le monde utilise l’expression.
Quand les citoyen.nes s’intéressent à des projets d’urbanisation et estiment qu’ils ne conviennent pas, leurs remarques sont souvent considérées comme issues du NIMBY. Peut-être est-ce parfois le cas, mais pour avoir à longueur d’année contact avec ces personnes, notre équipe peut attester que l’intérêt commun est leur priorité.
Un temps chassé d’un revers de main comme s’il s’agissait d’une petite rouspétance capricieuse, le Stop Béton revient et s’impose dans la dernière ligne de la campagne, porté par des citoyen.nes de tous bords et de tous les codes postaux, y compris par des mandataires qui n’ont pas froid aux yeux.
Dans l’intervalle, les inondations à répétition et gravissimes – encore la semaine passée en Hainaut – ont fait prendre au sérieux la nécessité de préserver les terres de l’urbanisation, de laisser de l’espace aux cours d’eau et de cesser de construire à tout va. La réalité nous montre que le stop béton s’impose (= doit d’urgence être appliqué) et on peut parier que le sujet s’imposera de lui-même lors de la rédaction de la prochaine DPR, comme il l’avait déjà fait en 2019.
Pour aller plus loin – Quelques pistes d’actions « Stop Béton »
Activités économiques : la bonne entreprise à la bonne place – promouvoir une meilleure allocation de la ressource sol
Pratiquer la logique de « la bonne entreprise à la bonne place », c’est offrir aux entrepreneurs une sécurité. C’est aussi un gage de succès et une excellente publicité pour la région. La Wallonie a besoin d’une volonté politique qui recadre la demande en matière de nouvelles zones d’activités économiques.
La rationalisation de l’utilisation des terrains situés dans les parcs industriels et dans les parcs d’activités économiques est une priorité. Cela signifie notamment le développement d’outils assurant aux intercommunales de développement économique une plus grande maîtrise sur le devenir des parcelles vendues et leur affectation. Malgré la cherté du terrain, l’émiettement des parcelles et la cohabitation parfois difficile avec les fonctions plus sensibles, la fonction industrielle et la fonction économique en général prouvent qu’elles s’accommodent bien du milieu habité.
Cette réussite peut être stimulée à plus grande échelle. D’une part, par une meilleure connaissance des possibilités d’utilisation de la zone d’habitat et de la zone d’habitat à caractère rural. D’autre part, par une allocation plus judicieuse de la ressource sol : un large stock d’hectares existe aujourd’hui en zone d’activités économiques, qu’il faudra dédier aux entreprises dont les activités sont proprement incompatibles avec le milieu habité, et non plus à toutes celles qui en expriment la demande.
Enfin, puisque la cohabitation entre les fonctions – ou mixité fonctionnelle – est le gage d’une diminution des déplacements et d’une plus grande cohésion sociale, assurons-nous d’équiper les parcs d’activités économiques et les parcs industriels de façon à les rendre les plus vivables pour tous, y compris pour l’environnement. Habiter dans leur voisinage ne sera alors plus une malédiction mais une chose agréable et allant de soi.
Mobilité : repenser l’accessibilité pour diminuer les déplacements en voiture individuelle
Culturellement, la plupart des salarié.es wallon.nes trouvent normal d’effectuer des trajets plus ou moins longs entre travail et domicile. C’est aussi une fatalité que beaucoup acceptent pour trouver et garder un emploi. Vis à vis de cette réalité pénible à la fois pour les citoyen.es et l’environnement, Canopea s’interroge sur ce que signifie le terme « améliorer » en matière de mobilité. Est-ce réduire, voire annuler les distances ? Ajouter des bandes de circulation ? Nous pensons que ce sont les activités qui doivent se localiser mieux, y-compris la fonction résidentielle.
Ironiquement, nous notons que le modèle économique wallon, construit aujourd’hui sur la croissance et sur la consommation, a besoin de ces distances parcourues en voiture pour survivre ! C’est probablement là que se situe le véritable enjeu.
L’étalement de la fonction résidentielle et des services, la croissance de la surface habitable utilisée par chaque habitant.e (ou desserrement de la résidence), le mitage de l’espace agricole, prouvent que la distance entre activités n’est aujourd’hui pas reconnue comme un problème – sauf en cas de panne automobile. Pour améliorer la mobilité de façon saine sur le plan environnemental, la diminution des déplacements en voiture privée est une priorité. Le report modal sur des modes moins polluants doit être recherché pour tous les types de transport.
Attractivité du territoire : renforcer l’attractivité du territoire wallon en tirant parti de ses caractéristiques propres.
Nous pensons que le territoire wallon est marqué par des caractéristiques naturelles et artificielles très fortes et très intéressantes. La curiosité des régions voisines pour notre région incite à y voir des opportunités socio-économiques. Il faut prioritairement arrêter de banaliser l’occupation du sol, car ce sont nos particularités qui font notre richesse.
La Wallonie est étonnamment variée sur le plan des faciès. Avec cette particularité paysagère, topographique et urbanistique, notre région dispose d’un atout extraordinaire pour développer des secteurs encore inexistants, en proposant sa configuration singulière, au lieu d’accepter des offres standardisées qui l’obligent à se reconfigurer – notamment par de nouvelles routes et des coupes sombres dans les terres agricoles.
La Wallonie doit repenser la manière dont elle s’est engagée sur le long terme à travers le secteur logistique. D’autres secteurs peuvent être développés, faisant également un atout de sa localisation sur le continent européen, de la disponibilité de l’espace, en y ajoutant davantage de respect pour les terrains, leur environnement bâti et non bâti, et les gens qui habitent tout près.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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