A travers une lettre ouverte, des centaines d’organisations paysannes et la société civile tiennent à faire connaitre leur opposition à l’adoption d’un label « Soja Responsable ». Ce label autoproclamé est soutenu et développé par la Table Ronde sur le Soja Responsable. Véritable tentative de « greenwasher » une grande partie de la production de soja génétiquement modifié, ce label ne pourra que renforcer les problèmes causés par la production industrielle de soja au lieu de fournir des solutions valables.
Une production largement contestée
La production industrielle de soja a déjà causé de nombreux dommages sociaux et environnementaux en Amérique latine, des dommages parmi lesquels on peut citer des déforestations à grande échelle, la destruction des systèmes de production alimentaire locaux, la dégradations de la fertilité des sols, l’exposition des populations locales aux pesticides toxiques et des déplacements à grande échelle de communautés locales et de petits agriculteurs.
Un enjeu : arrêté notre dépendance au soja
La production de soja à grande échelle a permis, dans le Nord, une industrialisation sans précédent de la chaîne alimentaire et le renforcement de notre dépendance en alimentation animale importée. Elle a également favorisé la production animale non durable avec des effets négatifs sur l’agriculture, l’environnement et la santé.
Outre le fait que la production intensive de viande, de produits laitiers et d’½ufs contribue de manière importante aux émissions globales de gaz à effet de serre, notre dépendance au soja renforce grandement le phénomène. L’introduction de substituts au soja (féverole, lupin, luzerne…) dans la sole européenne permettrait en effet de réduire drastiquement l’utilisation d’engrais chimiques dont la production est fortement émettrice de gaz à effet de serre; elle réduirait dans le même temps les émissions de protoxyde d’azote liés à l’utilisation des engrais. Le coût de réduction des émissions de gaz à effet de serre par ce biais est de l’ordre de 50 ¤ la tonne, soit bien moins que l’utilisation d’agrocarburant dont notamment, l’huile de soja « responsable »…
Le soja « responsable », un label de l’industrie
La Table ronde sur le soja manque de soutien et n’est pas représentative.
Elle prétend être « une initiative internationale multi-acteurs » mais, en réalité, l’accord a peu ou pas d’appui au sein de l’agriculture familiale durable, des mouvements sociaux ou de la société civile en Amérique latine comme en Europe. L’accord suscite au contraire de fortes critiques de ces organisations, particulièrement dans les pays producteurs de soja. En outre, les principaux acteurs de l’industrie brésilienne du soja – APROSOJA et ABIOVE – ont tourné le dos au projet de la RTRS suite aux désaccords portant sur l’inclusion de clauses très faibles concernant le déboisement.
Un label de la « non-durabilité »
Les critères de la RTRS sont très insatisfaisants. Ainsi, elle certifiera comme responsable le soja génétiquement modifié. Et la plupart du soja produit en Amérique latine est génétiquement modifié pour être résistant à l’herbicide glyphosate (l’herbicide est mis sur le marché par Monsanto qui vend aussi son Soja « RoundupReady »). De plus, que le soja soit ou non OGM, sa culture industrielle est basée sur la monoculture, qui a des impacts négatifs sur la biodiversité et les communautés locales, et nécessite un grand nombre de produits chimiques.
Le soja OGM résistant au glyphosate a toutefois plus d’impacts négatifs sur la sécurité biologique que le soja non-OGM, en particulier sur la vie et la fertilité des sols.
Alors que le soja OGM est vendu aux agriculteurs en affirmant qu’il permet de réduire les coûts de main-d’½uvre, l’emploi continu d’herbicides non spécifiques a des conséquences graves sur la vie et la santé des communautés vivant autour de ces plantations de soja. L’utilisation de soja OGM a également accéléré l’apparition de plantes résistantes à l’herbicide, qui posent aujourd’hui de graves problèmes sur des milliers d’ hectares de soja aux USA, en Argentine et au Brésil. Cette situation oblige alors les producteurs à recourir à nouveau à des pesticides plus dangereux tels que 2,4-D (un composant d’agent orange).
Un label qui ne prend pas suffisamment en compte le déboisement
Les critères de la Table ronde pour le soja «responsable», définis en mai 2009, n’empêchent pas de nouveaux déboisements. En effet, le soja «responsable» peut être cultivé sur des terres qui ont été déboisées jusqu’en mai 2009. Le soja «responsable» pourra même être cultivé sur des terres qui seront déboisées à l’avenir pour autant que le producteur puisse fournir la «preuve scientifique» qu’il n’y avait aucune forêt primaire, ou que cette forêt n’était pas de haute valeur pour la biodiversité ou que la déforestation n’a pas affecté « la terre de peuples locaux ». La façon dont ces critères seront surveillés et imposés manque grandement de clarté.
Un label qui cache un puissant lobby contre le climat
Le soja « responsable » prétend être favorable au climat mais fournirait en grande partie l’alimentation pour la production intensive et non durable de volaille, de bétail et d’agrocarburants.
De plus, la Table ronde pour le soja responsable a mené un lobby pervers à la conférence de Copenhague (2009) sur le changement climatique où elle a d’ailleurs reçu, avec le géant des biotechnologiques Monsanto, le prix international « Angry Mermaid Award ».