Points de vue de la société belge francophone.
Fort de ses trois composantes – environnementale, sociale et économique -, le développement durable est un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »[[Rapport Brundtland, 1987]].
La fiscalité environnementale, telle que pratiquée de nos jours en Belgique, fait toutefois encore trop souvent abstraction de la composante sociale. C’est pourquoi, par le présent rapport, la fédération environnementale se penche sur les répercussions sociales de la politique environnementale, en l’occurrence celle de la fiscalité verte, et apporte différentes propositions en vue d’y remédier.
La fiscalité environnementale couvrant un large éventail de biens et services, nous avons volontairement restreint notre étude aux biens énergétiques et à l’eau de distribution, considérant ceux-ci comme des besoins humains fondamentaux. En termes énergétique, les ménages les plus démunis peuvent être pénalisés à différents égards : mobilité, chauffage (logement), etc.
Par fiscalité environnementale, l’OCDE entend « impôts, taxes et redevances dont l’assiette est constituée par un polluant, ou plus généralement par un produit ou un service qui détériore l’environnement ou qui se traduit par un prélèvement sur des ressources naturelles renouvelables ou non renouvelables ». La réforme fiscale de l’environnement se distingue pour sa part par le fait qu’elle s’accompagne du principe de neutralité fiscale ou budgétaire, dès lors que le produit des recettes fiscales est recyclé, le plus souvent en faveur de l’emploi, par le biais d’un allègement de la charge fiscale pesant sur celui-ci.
Les Etats semblent de plus en plus nombreux à recourir aux instruments économiques, à l’instar des écotaxes, dans le cadre de leur politique environnementale. S’enracinant dans le principe du pollueur-payeur, la fiscalité environnementale – au regard des instruments réglementaires – présentent des avantages non négligeables dont efficiences statique et dynamique.
Néanmoins, même si certains Etats membres, à l’instar des pays nordiques, se sont lancés dans de vastes réformes fiscales écologiques dans le courant des années 1990, force est de constater que les avancées en termes de fiscalité verte, notamment en Belgique, sont encore timides. Les raisons le plus souvent avancées par les détracteurs à la fiscalité environnementale sont d’ordre économique (compétitivité industrielle) et social (effets redistributifs). Or, les expériences nordiques en matière de réforme fiscale verte témoignent, du fait du double dividende (emploi-environnement), des résultats encourageants, tant en termes environnemental que social.
Sur le territoire belge, IEW a mené l’enquête auprès de groupes politiques et sociaux. Ceux ci furent interrogés tant sur leurs perceptions des taxes environnementales (faisabilité, avantages, affectation des recettes fiscales, etc.) que sur les mesures compensatoires – au profit des ménages les moins nantis – qu’ils préconisent face à l’instauration ou majoration de taxes environnementales (taxe énergétique, taxe sur la mobilité, taxe kilométrique, taxe d’épuration).
D’après les acteurs politiques et sociaux, la frilosité belge en matière de fiscalité environnementale est imputable à une série de facteurs – dont certains sont propres à la Belgique – de nature tantôt juridique, tantôt sociale, tantôt géographique, tantôt culturelle. Ces (présumés) obstacles ne sont toutefois pas insurmontables. IEW, sur base de la réflexion menée auprès des partenaires politiques et sociaux ainsi que de la littérature existante, tente d’apporter réponse aux détracteurs de la fiscalité environnementale. Ainsi, les biais (re)distributifs, dans le chef des couches sociales démunies, peuvent être contrecarrés au moyen de mesures compensatoires, ciblées sur les bas revenus et les plus démunis. Outre le biais social, il importe aussi de veiller à ce que l’objectif premier des taxes environnementales, en l’occurrence la protection de l’environnement, soit rencontré. Cela suppose, entre autres, de lutter contre tout effet d’aubaine.
Prenant la fiscalité dans sa globalité, nous constatons que, comparativement à la moyenne européenne, les ressources naturelles et le capital sont moins taxés. A contrario, l’emploi y est plus soumis à la pression fiscale. Dès lors, la fédération environnementale prône un rééquilibrage fiscal, en faveur d’une meilleure protection environnementale et d’une justice sociale. Les partenaires interrogés, pour leur part, sont unanimes concernant la pression fiscale exercée sur le travail : ils militent en faveur d’une baisse des taxes levées sur ce facteur (le travail). Soucieux d’assurer la pérennité de notre système de sécurité sociale, certains (en ce compris IEW) jugeront alors indispensable, en parallèle (et de manière proportionnelle) à la défiscalisation du travail, de lever des taxes sur d’autres sources de revenus, à l’instar du capital. Une taxe environnementale efficace voyant son assiette s’éroder, il est en effet illusoire de compenser la perte de recettes fiscales sur le travail par seules celles issues des ressources naturelles. A l’heure d’aujourd’hui, bien que nécessitant préalablement la levée d’une série d’obstacles, la taxation du capital est envisageable, seule manque une réelle volonté, dans le chef de certains politiques.
En termes de fiscalité environnementale, IEW s’est plus spécifiquement penchée sur les ressources en eau de distribution et en énergie. Concernant l’eau de distribution, les partenaires interrogés se montrent unanimes et prônent une tarification solidaire, dont la première tranche serait accessible à un prix socialement acceptable. La taxation des produits (p.ex. d’entretien) dommageables à l’environnement, en vertu d’une meilleure application du principe du pollueur-payeur, ne fait par contre pas l’unanimité.
Une fiscalité accrue sur les produits énergétiques touche tant la mobilité que l’habitat. Une mobilité durable suppose et mesures dissuasives (intégration du paramètre environnemental dans la fiscalité automobile) et mesures incitatives (amélioration, tant quantitative que qualitative, de l’offre des transports en commun). La promotion d’un habitat durable passe quant à elle par des mesures fiscales incitant les investissements économiseurs d’énergie, des réglementations thermiques plus strictes et la taxation directe des produits énergétiques. Il importe néanmoins, que ce soit en termes de mobilité ou d’habitat, d’accompagner les mesures fiscales de mesures compensatoires ciblées sur les personnes à bas revenus et les plus démunies, de sorte à ce que celles-ci ne se voient pas interdire l’accès à ce bien fondamental.
Enfin, le succès d’une réforme fiscale de l’environnement est tributaire de l’acceptabilité du grand public. Pour ce faire, il est nécessaire que ladite réforme soit précédée d’une large campagne d’information, laquelle préciserait, entre autres, l’objectif et l’attribution des recettes fiscales des taxes environnementales.
Voir aussi :
La position complète d’IEW
Carte blanche : La fiscalité verte ? Une nécessité
Une fiscalité verte servirait l’emploi