Depuis le 1er janvier 2010, le respect des biens et servitudes publics est inclus dans la liste des Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE). Il s’agit d’un progrès encourageant la responsabilisation des agriculteurs envers les chemins et sentiers publics. Explication et mode d’emploi.
La profession d’agriculteur est un métier difficile. Cette situation ne doit cependant pas dispenser les exploitants de nos campagnes de respecter le bien public. En effet, il est malheureusement courant de constater que beaucoup de chemins et sentiers sont « effacés » par les labours ou entravés par les barbelés ou le « taureau méchant ». Il n’est pas rare, non plus, de constater l’anéantissement partiel ou total de la faune et de la flore des bords de chemins sous la pluie toxique des produits phytosanitaires.
L’un justifie cet état par l’abandon « de fait » du chemin par les autorités communales, l’autre argue du non-passage du public depuis de nombreuses années. Et trop souvent, cela suffit pour « ramollir » toute volonté communale ou associative de réhabiliter une voirie qui pourrait trouver une seconde jeunesse dans le cadre de la mobilité (liaison inter-villages, inter-quartiers…), de la nature (aménagements en faveur de la biodiversité) ou du tourisme.
Heureusement, la majorité des agriculteurs concernés n’est pas de mauvaise composition et accepte, après quelques palabres, bon gré, mal gré, de « rendre » au public ce qui lui appartient : l’assiette praticable d’un chemin ou simplement le droit de passer en toute sécurité dans le cas d’un sentier. Cependant, il arrive parfois qu’un récalcitrant refuse net de ne plus labourer tel chemin ou de désentraver tel tourniquet. Les rappels à l’ordre des autorités communales ou du commissaire voyer n’y faisant rien, la situation reste donc bloquée ad vitam. Mais un nouveau moyen de pression existe aujourd’hui…
De nouvelles normes agricoles
Les nouvelles dispositions prises dans le cadre de la mise en oeuvre de la conditionnalité des primes agricoles pour l’année 2010 ayant fait l’objet d’un consensus, tant de l’administration que des organisations agricoles, permettront à l’avenir de ramener certains réfractaires à plus de sagesse.
En effet, suite au bilan de santé de la Politique Agricole Commune (PAC), des modifications ont été apportées dans la réglementation européenne concernant certaines normes des Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE). Des normes ont donc dû être ajoutées ou modifiées en Région Wallonne. Ces modifications ont été arrêtées et sont d’application depuis le 1er janvier 2010.
La norme « D1T0E5 – Maintenir les particularités topographiques »[[Remarque importante : cette norme est bel et bien obligatoire depuis le 1/01/2010. Elle n’est donc plus donnée à titre de recommandation]] retiendra toute notre attention puisqu’elle stipule que sont interdit(e)s :
- toute usurpation des biens et servitudes publics ;
- toute destruction, sauf si un permis d’urbanisme ou à défaut, l’autorité compétente, l’autorise, de particularités topographiques et des autres éléments fixes du paysage, tels que les bordures de champs, les talus, les fossés, les berges, les haies indigènes, les alignements d’arbres et arbustes, en groupe ou isolés ;
- sauf si un permis l’autorise, toute modification sensible du relief du sol ;
- toute modification du régime hydrique du sol si elle affecte de manière sensible la zone humide, sauf si un permis d’urbanisme ou, à défaut, l’autorité compétente l’autorise.
Concernant les bords de champs, il est interdit « d’installer une culture, d’épandre un fertilisant, de labourer, de travailler le sol ou d’effectuer un traitement phytosanitaire (sauf traitement spécifique et localisé contre les plantes invasives) à moins de 1 m de la limite d’une voirie ».
Le nerf de la guerre
On comprend donc toute l’importance de cette norme en matière de protection des voiries vicinales : plus question de prendre la chose à la légère sous peine d’avoir quelques ennuis avec les autorités subsidiantes…
L’article 23 du règlement 73/2009 fixe les modalités de sanctions[ [RÈGLEMENT (CE) no 73/2009 DU CONSEIL du 19 janvier 2009 ]]. L’agriculteur est informé de ces modalités au travers de la notice explicative de la déclaration de superficie 2010[ [Notice explicative du formulaire de déclaration de superficie pour l’année 2010 – 1er volet : Comment remplir la déclaration ?]]. Les modalités de contrôle sont expliquées à la page 47 et les sanctions aux règles de BCAE sont expliquées à la page 49 du chapitre 5.4 de la seconde brochure[ [Notice explicative du formulaire de déclaration de superficie pour l’année 2010 – 2ème volet : Aperçu des législations – Conditionnalité – Contrôles]].
En résumé, lorsque la situation de non-respect en question est due à un acte ou à une omission directement imputable à l’agriculteur qui a présenté la demande d’aide, la sanction correspond :
à une diminution de 3 % de l’ensemble des aides de l’exploitation, découplées ou non (du 1er et du 2ème pilier) ;
selon la gravité, l’étendue et la permanence de la non-conformité, cette diminution peut être portée à 5 % ou réduite à 1 %, voire à 0 % dans certains cas particuliers ;
en cas de récidive d’une non-conformité, la sanction est multipliée par 3 ;
en cas de non conformité intentionnelle, la sanction est fixée entre 15 et 100 %.
Pas de contrôle automatique
Au vu de l’absence de cartographie détaillée des biens et servitudes publics, le contrôle du respect de cette norme ne sera toutefois pas automatique. Elle ne sera pas non plus effectuée lors des contrôles in situ visant annuellement 5% des exploitations agricoles.
Toutefois, toute constatation d’une infraction à cette norme par une autorité compétente (bourgmestre, échevins, commissaire voyer ou police communale) devra être prise en considération par la Direction du Contrôle pour autant qu’elle soit informée de ce constat d’infraction[[Courrier à l’attention de Monsieur Philippe Nemry, Directeur – Direction du Contrôle – Département de la Police et des Contrôles de la Direction générale de l’Agriculture, des Ressources naturelles et de l’Environnement – Chaussée de Louvain 14 – 5000 Namur.]].
Un moyen de pression utile
Certes, l’intention n’est pas de vouloir tout réhabiliter partout et instantanément, mais bien d’assurer l’accès aux voiries identifiées comme utiles par la collectivité, quel que soit l’état de celles-ci. L’application de ces nouvelles normes peut être un moyen de pression efficace lorsque le dialogue échoue. Espérons que ces dispositions permettront de débloquer certains dossiers difficiles et redonnerons du courage à tous ceux et celles, qui au sein des administrations ou des associations, essaient de rendre et garantir l’accès au bien public.