Le vendredi 23 décembre 2022, le gouvernement fédéral a déposé au pied du sapin un cadeau attendu depuis plus de 10 ans : les nouveaux contrats de gestion avec la SNCB et Infrabel. Ces contrats définissent les objectifs des entreprises ferroviaires pour les 10 prochaines années. Des objectifs chiffrés, accompagnés d’une trajectoire financière (à travers des plans pluriannuels d’investissement) censée permettre une réalisation de ces objectifs. Ceux-ci étant pour certains contraignants, ils offrent donc une vision de ce à quoi devrait ressembler le rail en 2032.
A quoi doivent s’attendre les voyageurs du ferroviaire1 dans les prochaines années ? Partons ensemble à la découverte de ces contrats2!
Une modification en profondeur de l’offre
Vais-je avoir assez de trains ?
C’était annoncé par la Vision Rail 2040 (publiée en mai 2022), cela est maintenant acté : l’offre de train va augmenter d’ici 20323 (Figure 1). Cette augmentation ne sera néanmoins pas aussi importante qu’initialement espérée. En effet, le contrat estime un potentiel d’offre annuelle de l’ordre de 94,1 millions de trains-kilomètres [CSP, Art. 2] en tenant compte des projections de capacité du réseau. La SNCB s’est cependant engagée à ne planifier qu’une offre de 91,6 millions de trains-kilomètres [CSP, Art. 4], en dessous donc du potentiel estimé, mais qui représente tout de même une augmentation de près de 10%. De plus, la rapidité de cette augmentation est conséquente. En effet, l’offre devra être augmenté à 90,1 millions de trains-kilomètres d’ici 2027, en comparaison de 83,4 millions de trains-kilomètres en 2023 [CSP, Art. 3] (chiffre qui n’inclut pas le report de l’extension de l’offre planifiée pour 2023). Cela représente une augmentation de 8%. La gestion des deux prochains plans de transport (2023-2026 et 2026-2029) sera donc cruciale pour permettre une telle augmentation.
En lien avec la Vision Rail 2040, le contrat précise bien que l’objectif final est d’avoir 4 trains par heure près des grandes villes et sur les grands axes et 2 trains par heure sur le reste du réseau [CSP, Art. 4]. Il n’est cependant pas précisé si cet objectif est par heure et par sens. L’Annexe 1 du contrat de service public semble suggérer que cet objectif est par heure, mais pas par sens. Cela signifierait donc 1 train par heure et par sens hors des grands axes. De plus, le contrat mentionne bien une recherche d’augmentation de l’amplitude horaire. Cependant, il ne précise pas d’objectif à ce niveau. Il n’y a donc, pour l’heure, pas de certitude quant à l’augmentation de l’amplitude du service de 14h à 16h tel que désiré par le Ministre Gilkinet.
Bien que les objectifs d’amélioration de l’offre ne soient pas tous assurés, il est important de noter que, contrairement aux craintes de certains, aucune modification significative de l’offre (plus de 10% de trains-kilomètres sur 4 mois) ne peut être actée de manière unilatérale par la SNCB [CSP, Art. 8]. Aucune réduction de la fréquence de desserte ne peut être actée en dehors des plans de transport (validés par le gouvernement) [CSP, Art. 9]. L’article 9 précise également la procédure d’ajout, de suppression, ou de modification de tout point d’arrêt. Il n’y a donc à ce jour pas de risque de fermeture de ligne avant 2032.
Si les perspectives pour 2032 sont assez positives, il est toutefois important de noter que des perturbations risquent d’avoir lieux lors de la période de transition vers l’offre désirée. En effet, augmenter et fiabiliser l’offre de train va nécessiter un important effort de renouvellement de l’infrastructure, celle-ci étant relativement vétuste du fait d’un sous-investissement chronique ces dernières années. Ce renouvellement va engendrer de nombreux travaux, ce qui va entrainer des restrictions de capacité temporaires, notamment des coupures totales de ligne et des services à voie unique [CP, Art. 96]. Les coupures totales de ligne auront principalement lieu la nuit, mais pourront aussi être utilisées le weekend, voire en semaine sur certaines petites lignes. Cela va engendrer la mise en place d’une offre alternative [CSP, Art. 13] à de nombreuses occasions, offre qui pourra s’avérer moins fréquente et d’une amplitude horaire moindre (suppressions des premiers et derniers trains) que l’offre « normale ». Les voyageurs pourront donc voir périodiquement leurs trajets adaptés, ce qui va nécessiter une certaine flexibilité de leur part. En contrepartie, réduire l’impact des travaux sur les utilisateurs devra passer par une bonne coordination entre la SNCB et Infrabel, ainsi qu’une information voyageur améliorée (voir 1.3).
Mon temps de trajet va-t-il diminuer ?
En plus d’une augmentation de fréquence et d’amplitude, une caractéristique clé de l’offre présentée dans la Vision Rail 2040, inclus dans le contrat de service public [CSP, Art. 10], est celle de l’organisation du réseau autour de nœuds de correspondance pour permettre la mise en place d’un horaire intégré. Concrètement, cela signifie une gestion des correspondances optimisée dans certaines gares, et ce non seulement entre trains mais également avec les autres opérateurs de transport. Cela devrait donc permettre de réduire le temps de parcours total pour les voyageurs devant changer de train ou de mode de transport, d’autant plus qu’une augmentation de la vitesse commerciale est prévue sur les grands axes4 [CSP, Art. 11]. Cette réduction des temps de parcours est cependant très dépendante de la réussite des correspondances planifiées, condition sine qua non de la réussite d’un système d’exploitation organisé autour de nœuds de correspondance.
La gestion des correspondances est matérialisée par deux indicateurs clés de performance (KPIs) de la SNCB : le nombre de correspondances planifiées et le nombre de correspondances réalisées. Alors que le premier indicateur voit ce nombre augmenter de 44% entre 2023 et 2032, le deuxième ne passe que d’un taux de réussite de 87,7% à 89 ,1%. Ce dernier taux est largement insuffisant pour opérer un système d’exploitation par nœuds de correspondance. Pour comparaison, en Suisse, qui opère un tel système, 98,9% des voyageurs ont obtenu leurs correspondances en 2021. Comment expliquer un tel taux de réussite alors que le taux de ponctualité suisse était légèrement inférieur à celui de la Belgique en 2021 (91,9% pour la Suisse contre 92,6% pour la Belgique) ? Simplement par le fait que le taux de ponctualité est calculé sur un retard de 3 minutes en Suisse, contre 6 minutes (soit deux fois plus !) en Belgique… Les trains Belges ne sont donc pas suffisamment à l’heure pour assurer le niveau de correspondance suffisant.
Le calcul du taux de ponctualité est particulièrement problématique en Belgique. En effet, celui-ci est centré sur les trains plutôt que sur les voyageurs. Il ne prend en compte ni les retards aux arrêts intermédiaires, ni les suppressions de trains, deux aspects majeurs dans l’échec d’une correspondance. Dans le cadre des contrats de gestion, la SNCB et Infrabel se sont engagés à développer un nouvel indicateur de ponctualité basé sur 111 points de mesure d’ici 2027. Bien que cela puisse mener à une amélioration significative dans la prise en compte des retards aux arrêts intermédiaires (particulièrement important si ceux-ci sont des nœuds de correspondance), ce nouvel indicateur ne tiendrait malheureusement, en l’état, pas compte des trains supprimés et resterait basé sur un retard de 6 minutes.
Vais-je arriver à l’heure à mes rendez-vous ?
Comme souligné plus haut, la mise en place d’un modèle d’horaires intégré, basé sur des nœuds de correspondance, va fort probablement nécessiter une amélioration de la ponctualité des trains de la SNCB. Malheureusement, les objectifs inclus dans les contrats de gestion sont tout sauf ambitieux en ce qui concerne la ponctualité. Cette dernière s’est effondrée ces derniers mois, descendant jusqu’à 84,8% en décembre, menant à une ponctualité de 89,2% sur l’ensemble de l’année 2022, taux le plus faible depuis 2018. À cela s’ajoutent 5.665 trains supprimés, soit 5,7% de tous les trains devant circuler. Ces même mois, la responsabilité de ces retards incombait principalement à la SNCB (47,3%), suivi par des tiers (29,1%), et Infrabel (21,3%)5, tandis que les suppressions incombaient majoritairement (56,2%) à la SNCB. Les raisons de ces retards et suppressions sont nombreuses : infrastructures vétustes, matériel roulant ancien et retard de livraison des M7, manque de personnel, etc. Le constat est clair : il était plus que temps de réinvestir dans le rail.
Les contrats de gestion comme les plans pluriannuels d’investissement (PPI) vont vraisemblablement permettre une amélioration de la situation. Par exemple, le contrat de performance d’Infrabel prévoit un arrêt des avis de ralentissement temporaires (ART) pour mauvais état de l’infrastructure d’ici fin 2030 [CP, Art. 58], tandis que la SNCB prévoit [dans son PPI] de renouveler 50% de son matériel roulant. Malheureusement, ces améliorations ne se verront que sur le long terme. En effet, le secteur ferroviaire, fortement intensif en capital, pâti d’une certaine inertie (le renouvellement de l’infrastructure et du matériel roulant prend du temps, beaucoup de temps). De plus, la plupart des investissements d’Infrabel dans la ponctualité ne sont prévus qu’à partir de 2026 (voir Figure 2), et une grande partie de ses objectifs est conditionnée à l’obtention d’un prêt de la Banque Européenne d’Investissement (BEI).
De ce fait, il n’est pas prévu de baisse du nombre de minutes de retard à charge d’Infrabel d’ici 2027 (c’est même une augmentation qui est incluse dans les KPIs de l’entreprise)6. Il est néanmoins prévu que les minutes de retard à charge de la SNCB diminuent, elles, significativement. En ce qui concerne le taux de ponctualité (indice agrégé des retards à charge de chaque acteur), les objectifs ne sont pas non plus très ambitieux, avec un taux exigé en 2032 de 91% (contre 89,5% en 2023), alors même que ce taux était, comme mentionné précédemment, de 92,6% en 2021. Néanmoins, tant les objectifs en termes de taux de ponctualité commun que de minutes de retard à charge de la SNCB et Infrabel sont contraignants (sous peine de malus).
Alors, qu’une amélioration significative de la ponctualité ne semble pas à espérer sur le (très) court terme, les ambitions en termes d’information voyageur [CSP, Art. 63 et 64] sont, elles, bien plus encourageantes, l’indice CLCPC (Cause, Lieu, Conséquences, Prévisions et Conseils) devant passer de 79% à 90%. Espérons que cela puisse empêcher la fuite des voyageurs du rail, la conséquence d’une ponctualité en berne sur le long terme pouvant malheureusement être un report modal depuis le train vers d’autres moyens de transport (notamment la voiture) du fait d’une élasticité de la demande de transport faible à court terme mais forte à long terme7.
Mes conditions de voyage vont-elles s’améliorer ?
En ce qui concerne les conditions de voyage, la SNCB, comme mentionné précédemment, envisage de renouveler 50% de son matériel roulant d’ici 2032, en privilégiant une homogénéisation. Le contrat de service public défini le cahier des charges du nouveau matériel roulant [CSP, Art. 20]. Il définit également des critères de choix du matériel roulant en fonction du type de ligne [CSP, Art. 21] : les services nationaux (IC) devraient être principalement effectués par des rames M7 (à étage) et les services locaux (L et S) par des Desiro (AM 08 ; automotrice à trois voitures). Ainsi, les voyageurs devraient bénéficier de davantage de trains confortables.
Un problème particulièrement important sur certaines lignes est celui des trains déforcés (càd ayant une composition réduite par rapport à celle prévue). Le contrat de service public spécifie [CSP, Art. 12] que moins de 2% des trains devront être déforcés et suroccupés (nombre de passagers supérieur au nombre de places assises). Cela ne veut cependant pas dire que tout le monde pourra s’assoir : en effet, le contrat de service public stipule aussi [CSP, Art. 18] qu’une place assise devra être disponible dans minimum 80% des cas sur la section la plus chargée pour les relations IC, et dans minimum 70% des cas pour les relations L et S (en faisant en sorte que le temps de trajet debout ne dépasse pas 16 minutes). Ainsi, le contrat laisse de la marge à la SNCB pour optimiser la composition de ses trains. Une bonne nouvelle d’un point de vue énergétique, mais pas forcément pour le confort des voyageurs.
De tous les points précédents résulte une amélioration attendue de la qualité de service entre 2023 et 2032, amélioration qui risque d’être limitée par certains aspects présentés plus haut. Cela peut notamment être perçu dans l’ambition limitée en termes de satisfaction client, celle-ci devant passer de 7,25 à 7,45 pour la SNCB et de 6,1 à 6,5 pour Infrabel. Mais qu’en est-il des prix pratiqués ?
Une relative continuité de la billeterie
Vais-je devoir payer mon titre de transport plus cher ?
Pour ce qui est du prix, l’indexation des titres de transport prévue en février 2023, actée fin octobre 2022, aura bel et bien lieu. Il y aura donc une augmentation des prix du billet de 8,73% pour les billets standard et de 9,73% pour les abonnements domicile-travail. Une augmentation qui est en accord avec les principes du précédent contrat de gestion, stipulant que le prix des titres de transport peut être indexé une fois par an (historiquement en février) proportionnellement à l’indice santé, indexation à laquelle peut être ajouté un point de pourcentage en cas d’objectifs de ponctualité (comme ça sera le cas en 2023 pour les abonnements). Il est à noter que, les salaires étant indexés sur l’indice santé, le prix « réel » des titres de transport ne va donc pas sensiblement augmenter en février 2023.
Pour ce qui est des prochaines indexations, deux changements majeurs [CSP, Art. 34 et 35]. Premièrement la prise en compte de l’indice des prix à la consommation, en lieu et place de l’indice santé, pour l’indexation des prix. Cela pourrait amener à une augmentation du prix réel des billets lorsque l’augmentation de l’indice des prix à la consommation est supérieure à celle de l’indice santé, ce qui fut le cas lors de la crise énergétique de 2022. Cette différence ne devrait cependant pas être sensible, et il est à noter que le niveau d’indexation défini par l’indice à la consommation est un plafond (la SNCB pourrait donc décider (sait-on jamais) de moins indexer). Deuxièmement, le nombre possible d’indexations va passer à deux fois par an au lieu d’une. Cela va permettre à la SNCB d’éviter de grever sont budget en période de forte inflation, faisant passer l’inflation aux usagers. Pour ce qui est des autres modalités d’indexation, le contrat précise davantage les choses. Par exemple pour augmenter l’indexation d’un point il faudra que la SNCB ait respectée ses objectifs de ponctualité, de satisfaction client et de taux de suppression [CSP, Art. 37].
Le contrat conserve de nombreux tarifs régulés [CSP, Art. 25], à savoir sur le ticket standard [CSP, Art. 26], les abonnements domicile-travail [CSP, Art. 27] et pour les étudiants [CSP, Art. 28], les enfants de moins de 12 ans (gratuité) et les jeunes de 25 ans ou moins [CSP, Art. 29], les seniors de 65 ans et plus [CSP, Art. 30], et les Bénéficiaires d’Intervention Majorée [CSP, Art. 31]. Seule la réduction famille nombreuse passe à la trappe (ce qui va principalement impacter les adultes accompagnant).
Parallèlement aux tarifs régulés, d’autres titres de transports conventionnés, mais à tarifs non régulés, pourront être proposés [CSP, Art. 38]. Ces titres ont pour objectif de stimuler le report modal vers le train, en promouvant, par exemple, les trajets courts. Un changement important dans ce cadre est celui des suppléments vélo, qui pourront être adaptés pour tenir compte de l’heure de pointe. Malheureusement, aucune mention n’est faite de l’adaptation de ces suppléments à la distance (ceux-ci étant pour le moment de 4€ quelle que soit la distance parcourue).
Enfin, en complément du contrat de service public, le Ministre Gilkinet a annoncé souhaiter faire passer la TVA sur les titres de transport de 6% à 0%. Certains espèrent que cette mesure pourra faire baisser le prix du billet. Il est important de noter qu’étant donné le caractère régulé de nombreux tarifs, la SNCB ne pourra pas baisser ses prix du jour au lendemain mais pourrait éventuellement décider de sauter une indexation ou de proposer une indexation inférieure à l’indice de prix. Toutefois, c’est à la SNCB de décider de la réallocation des recettes, et rien ne dit qu’elle valorisera une baisse du prix du billet, particulièrement étant donné le contexte budgétaire compliqué auquel elle fait face. Ainsi, l’impact d’une telle mesure, a fortiori sur les tarifs, est difficile à prévoir.
Où vais-je pouvoir acheter mes titres de transport ?
Pour ce qui est de l’achat des titres de transport, pas de revirement de situation : la digitalisation du service continue. Liberté est laissée à la SNCB de proposer soit des guichets, soit une « assistance mobile » (comprendre ici du personnel pour vous aider à acheter à l’automate) [CSP, Art. 43]. La mise à disposition de personnel de vente n’est assurée que dans les gares les plus fréquentées. Pour compenser l’absence de personnel de vente, les nouveaux automates devront être équipés d’une assistance vocale [CSP, Art. 44]. Une telle assistance ne remplacera cependant jamais le contact humain. Chaque gare devra posséder un automate, devant être disponible en moyenne 95% du temps entre 5h et 1h. Néanmoins, en cas d’actes de vandalisme répétés, certaines gares pourraient voir leur automate disparaître. La seule option serait alors de se diriger vers les canaux de vente digitaux [CSP, Art. 45] ou de prendre le train sans billet, situation souvent anxiogène même si le supplément pour l’achat à bord ne devrait pas être dû [CSP, Art. 44]. Dans tous les cas, l’accès à des titres de transport risque fort de rester une gageure pour les personnes victimes de la fracture numérique habitant à proximité d’une gare S ou M [typologie définie dans l’article 48].
Comment me faire indemniser si mon train est en retard ou annulé ?
Le Règlement (UE) 2021/782 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires définit les modalités de remboursement en cas de retard. Certaines modalités sont précisées dans le contrat de service public de la SNCB [CSP, Art. 46]. En particulier, le contrat définit une indemnisation à 100% du prix du billet pour tout retard supérieur à 60 minutes et une compensation pour les détenteurs d’abonnements subissant des retards à répétition.
Malheureusement, se faire indemniser peut s’avérer très difficile sur le réseau belge. En effet, les titres de transport n’étant associés à aucun train en particulier, il est très difficile pour un voyageur de prouver sa présence à bord d’un train (les contrôleurs se montrant souvent peu disponibles en cas de retard) et encore plus sa volonté de prendre un train annulé. De plus, aucune indemnisation n’est prévue en dessous de 60 minutes de retard.
Une accessibilité et une intermodalité renforcée
J’éprouve des difficultés à me mouvoir. Pourrais-je prendre le train ?
L’objectif affiché du contrat de service public est de rendre tant les gares que les trains entièrement accessibles de manière autonome aux personnes à mobilité réduite (PMR) [CSP, Art. 53]. La transition vers cet objectif sera définie dans le cadre du Plan National d’Implémentation Accessibilité. Pour ce qui est des gares, la SNCB et Infrabel se doivent de mettre en place un Masterplan Accessibilité Autonome visant à rendre 176 gares accessibles à tous en autonomie d’ici 2032 [CSP, Art. 54], ce qui inclut notamment l’information voyageurs [CSP, Art. 56 et 65] (particulièrement problématique pour les personnes mal-voyantes). Pour le matériel roulant, celui acheté en cours de contrat devra répondre à certaines caractéristiques d’accessibilité PMR, avec notamment un espace dédié aux fauteuils (partagé avec les vélos mais prioritaire pour les PMR) ainsi que des toilettes adaptées [CSP, Art. 20 et 55]. Dans le cas où une accessibilité PMR autonome n’est pas (encore) possible, la SNCB s’engage à proposer une assistance du premier au dernier train [CSP, Art. 57]. De plus, le personnel sera formé aux problématiques des PMR et autres personnes en situation de handicap8 [CSP, Art. 58].
Quelles seront mes options pour me rendre à la gare ?
L’un des grands objectifs du contrat de service public est de permettre une mobilité intermodale (càd basée sur l’utilisation de différents modes de transports lors d’un même déplacement) [CSP, Art. 67]. Dans cette optique, les gares devront devenir de véritables pôles d’échanges intermodaux [CSP, Art. 69], appelés « mobipôles » en Wallonie, agrégant de nombreuses offres de transports et proposant un ensemble de services additionnels (y compris pour les petites gares [CSP, Art. 50]).
En ce qui concerne les autres opérateurs de transport en commun, l’objectif est d’atteindre une certaine complémentarité via le développement d’un système d’exploitation à horaire intégré basé sur des nœuds de correspondances (définis conjointement par l’ensemble des opérateurs, y compris la SNCB) [Art. 68]. Afin d’assurer cette complémentarité et de permettre aux clients des autres opérateurs d’obtenir leur correspondance, la SNCB informera les autres opérateurs de tout changement dans ses horaires un an auparavant [CSP, Art. 7]. En plus du travail sur l’intégration horaire, la SNCB œuvrera également à améliorer l’intégration billettique [CSP, Art 77] et l’intégration tarifaire [CSP, Art 78] (Brupass et Brupass XL, City Pass) avec d’autres opérateurs. Elle s’engage aussi à partager ses informations en temps réel afin de soutenir le développement de la mobilité servicielle (MaaS) [CSP, Art 76].
Pour les cyclistes, le nombre de parkings vélo en gare va significativement augmenter pour atteindre 164.000 places en 2032 [CSP, Art. 70], soit une augmentation (contraignante) annoncée de 40%9. De plus, la SNCB s’engage à augmenter le nombre de gares possédant un point vélo à très court terme (2025) pour atteindre 44 gares L et 32 gares S ou M [CSP, Art. 70]. Enfin le nombre de places pour les vélos va augmenter dans les trains, passant de 4 à 8 [CSP, Art. 21 et 74]. L’utilisation de ces places restera cependant soumise à un supplément, tandis que l’emport de vélos pliables restera gratuit.
Outre les parkings vélos, le nombre de places de parking pour les voitures sera également augmenté [CSP, Art. 71]. Ces parkings devraient permettre un accès aux voitures électriques, qui bénéficieront de bornes de recharge [CSP, Art. 73]. Ces parkings pourront également accueillir davantage de véhicules partagés (voitures et vélos notamment) [CSP, Art. 72].
Des objectifs environnementaux positifs mais peu ambitieux
Voyager en train sera-t-il plus écologique ?
Les contrats de gestion définissent certains objectifs environnementaux, tant pour la SNCB que pour Infrabel. Pour ce qui est de la SNCB, celle-ci s’engage à réduire la consommation énergétique de ses bâtiments et de ses trains [CSP, Art. 105]. En particulier, elle s’engage à réduire l’énergie de traction de 5% d’ici 2027 et de 10% d’ici 2032 (par rapport à 2021)10. Ces améliorations devraient venir principalement du renouvellement du matériel roulant et de formations à l’éco-conduite. Ces objectifs sont contraignants mais auraient probablement pu être plus ambitieux. Pour ce qui est de ses bâtiments, la SNCB s’engage à réduire leur consommation énergétique de 40% (par rapport à 2005) et à atteindre 50% de bâtiments énergétiquement neutres en 2032. Ces objectifs, plus ambitieux que ceux concernant les trains, ne sont cependant pas contraignants. Du point de vue de la production énergétique, la SNCB envisage de doubler sa production d’énergie photovoltaïque (passant de 8 à 16 GWh). À terme, elle ambitionne de couvrir 20% de ses besoins énergétiques (hors énergie de traction) en développant, notamment, des partenariats avec des tiers investisseurs. Alors que la crise énergétique actuelle n’a fait que souligner l’importance de développer son autonomie énergétique pour augmenter sa résilience, ces objectifs (non contraignants) sont trop peu ambitieux. De plus, la majorité de l’augmentation promise (6 GWh) devrait avoir lieu entre 2027 et 2032, alors même qu’il est urgent d’investir maintenant pour compenser les risques de flambée des prix. En ce qui concerne Infrabel, l’entreprise a annoncé viser la neutralité carbone en 2050. Cette neutralité carbone devrait être atteinte en 2040 pour ses bâtiments, avec un objectif intermédiaire de 50% de bâtiments neutres d’ici 2030 [CP, Art. 69]. Ces objectifs, qui devraient être atteints en améliorant le chauffage des installation (abandon du mazout) et en installant des panneaux solaires pour une puissance totale de 2 MWc, ne sont cependant pas contraignants.
En termes d’empreinte carbone, le contrat de service public prévoit l’obligation d’effectuer un audit annuel [CSP, Art. 105]. Sur base de cet audit, la SNCB s’engage (de manière contraignante) à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 15% d’ici 2032 (par rapport à 2019) pour arriver à une empreinte carbone de 214 ktCO2eq à train.km constant. De son côté, Infrabel s’engage également à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 15% d’ici 2032, mais avec un objectif pour le mid-term review (2027) plus ambitieux que celui de la SNCB (-10% pour Infrabel contre -6% pour la SNCB) [CP, Art. 67]. Ces chiffres, peu ambitieux, dénotent avec les ambitions de neutralité carbone11 présentées plus haut.
Enfin, de nombreuses mesures sont prévues concernant la gestion des déchets (notamment l’augmentation du tri sélectif en gare, dans les bureaux et dans les ateliers) [CSP, Art. 106], la construction durable [CSP, Art. 107] ou encore l’assainissement des sols [CSP, Art. 108]. Pour ce qui est de la gestion des déchets, l’article 19 du contrat de service défini les modalités associées à la fin de vie du matériel roulant.
Une approche (trop ?) réaliste
Les objectifs présentés sont-ils réalisables d’ici 2032 ?
Si la portée de certains changements (en termes quantitatifs) manque parfois d’ambition, il en retourne que la plupart des objectifs semblent réalisables. C’est particulièrement le cas des objectifs associés à des indicateurs clés de performance, qui engagent les entreprises ferroviaires. En effet, les contrats de service public (SNCB) et de performance (Infrabel) incluent de nombreux indicateurs quantitatifs. Alors que certains sont indicatifs, d’autres (12 pour la SNCB, 15 pour Infrabel) sont contraignants et peuvent mener à des bonus ou à des malus financiers en fonction des avancées réalisées [CSP, Art. 97 ; CP, Art. 104]. Ces indicateurs ont été définis conjointement par les deux entreprises ferroviaires et le gouvernement. Alors que la SNCB et Infrabel avaient tout intérêt à revoir les objectifs contraignant à la baisse lors de la négociation des contrats, elles ont, maintenant que les contrats sont actés, tout intérêt à respecter leurs engagements.
La définition d’indicateurs clés de performance (ou KPIs en anglais) permet de donner un tableau de bord, une direction, aux entreprises ferroviaires et est en cela assez positif. Néanmoins, le risque principal de travailler avec des KPIs est celui de l’hyperfocalisation sur la réussite de ceux-ci, au détriment d’autres indicateurs non contraignants, ce qui peut mener à des effets pervers. Un bon exemple d’un tel effet pervers potentiel est celui de la mesure actuelle de la ponctualité (présentée plus haut) qui survalorise l’arrivée d’un train à l’heure à son terminus au risque de créer de nombreux retards aux arrêts intermédiaires. Il sera donc nécessaire de non seulement monitorer les KPIs, mais également de garder un œil sur les autres indicateurs informatifs, ainsi que sur les aspects qui ne font pas l’objet d’un indicateur.
La première évaluation des résultats (mid-term review) [CSP, Art. 98 ; CP, Art. 105], effectuée en 2027, devrait permettre de corriger certains problèmes et d’adapter certains objectifs. Pour la SNCB, l’un des KPIs les plus complexe à réaliser sera sans doute celui de l’évolution du nombre de passagers.km, en ce qu’il ne dépend pas exclusivement de ses actions, mais aussi des choix de mobilité des individus, influencés par leur attitude vis à vis du train12. Comme discuté plus haut, les conditions de voyage (en particulier la ponctualité) risquent de mettre un peu de temps à s’améliorer. Or les voyageurs tendent à surévaluer leurs expériences négatives (assez fréquentes pour le moment) et à sous-évaluer leurs expériences positives (environ 85% de trains roulant arrivent toujours à l’heure). Malheureusement, une perception négative a tendance à rester fortement ancrée dans l’imaginaire. Attirer de nouveaux voyageurs sur le rail ne sera donc pas chose aisée, d’autant plus que le taux d’adoption marginal sera de plus en plus faible (c’est-à-dire qu’il sera de plus en plus complexe de convaincre les personnes réfractaires)13.
La SNCB et Infrabel ont-elles les moyens de leurs ambitions ?
Bien que l’augmentation des dotations obtenue (2 milliards d’€, et 1 milliard d’€ supplémentaire sous forme d’un prêt de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) pour Infrabel) soit en dessous de ce qui était espéré par les entreprises ferroviaires, force est de reconnaître que tant Infrabel que la SNCB vont recevoir davantage de financement dans les 10 années à venir qu’elles n’en ont reçues ces 10 dernières années. Au total, ce sont pas moins de 20,14 milliards d’€ (10,96 milliards pour Infrabel (Figure 2) et 9,18 milliards pour la SNCB (Figure 3)) qui vont être investis sur la période 2023-203214. Il est cependant à noter que les budgets d’investissements de ces 10 dernières années étaient largement insuffisants et que notre réseau ferroviaire pâtit de ces années de sous-investissement. Les contrats de gestions et plans pluriannuels d’investissement entérinés constituent donc un retour à une trajectoire budgétaire « normale ».
Les trajectoires budgétaires étant intégrées dans les contrats de gestion, elles sont contraignantes pour les prochains gouvernements. Une baisse des dotations est toujours possible, mais devrait entraîner une renégociation des contrats pour revoir les objectifs (représentés par les KPIs) à la baisse. A l’inverse, il reste toujours possible pour le gouvernement de mettre davantage de financements publics sur la table, comme l’a fait le précédent gouvernement avec le plan stratégique pluriannuel d’investissement (PSPI) 2018-2031 visant à assurer le financement des travaux du RER bruxellois. Ainsi, les trajectoires budgétaires votées sont censées représenter la dotation minimum que la SNCB et Infrabel peuvent s’attendre à recevoir.
Une incertitude demeure cependant quant au déblocage du prêt de la BEI promis à Infrabel. En effet, comme mentionné au point 1.3., les objectifs d’Infrabel dépendent de l’accès à ces fonds. Ne pas obtenir ce prêt serait donc très préjudiciable pour les objectifs, et en particulier pour la ponctualité15. Cependant, obtenir ce prêt aura aussi de lourdes conséquences sur le niveau d’endettement d’Infrabel (et donc également sur la charge de la dette à rembourser).
Ces dotations doivent servir à financer les plans pluriannuels d’investissement de la SNCB et d’Infrabel. De nombreuses questions ont été soulevées quant à la capacité des deux entreprises ferroviaires à effectuer les investissements nécessaires avec les budgets débloqués. Il est ici important de noter que ce sont Infrabel et la SNCB qui sont à l’origine de leurs plans pluriannuels d’investissement respectifs. Suite aux négociations budgétaires, les arbitrages nécessaires au niveau des investissements ont été discutés entre les entreprises ferroviaires et le gouvernement, et des concessions ont été faites en revoyant certains objectifs à la baisse (c’est le cas notamment de la suppression des avis de ralentissement temporaire (ART) pour cause de mauvais état de l’infrastructure (décalage de l’objectif de 3 ans) ou de l’accessibilité PMR autonome des gares (moins 5 gares). Ainsi, la vraie question n’est pas tant de savoir si les objectifs définis dans les contrats seront atteints (ceux-ci étant plutôt réalistes) mais plutôt si les avancées obtenues en 2032 permettront d’atteindre les objectifs de la Vision Rail 2040 durant les 8 années suivant les présents contrats.
Conclusion : qu’attendre des nouveaux contrats de gestion de la SNCB et d’Infrabel ?
Globalement, les nouveaux contrats de gestion intègrent de nombreuses avancées significatives pour le système ferroviaire. On peut notamment s’attendre à une amélioration non négligeable de l’offre de trains d’ici 2032, en particulier en termes de fréquence et de confort. Cette amélioration est permise par la mise en place d’indicateurs clés de performance (KPIs) engageant les entreprises ferroviaires au travers d’un système de bonus/malus. Les objectifs associés à ces KPIs, concertés avec les entreprises, sont réalistes. De ce réalisme découle cependant un manque d’ambition sur certains aspects, notamment en termes d’impact environnemental, mais aussi, et avant tout, en termes de ponctualité.
Les objectifs relatifs à la ponctualité dépendent d’importants investissements, dont les effets ne seront probablement visibles qu’en fin de période. La période de transition vers l’offre attendue en 2032 risque donc d’être marquée par des perturbations (qui, heureusement, seront de moins en moins fréquentes). Qui plus est, de grosses incertitudes subsistent quant à la possibilité de mettre en place un système d’exploitation à horaire intégré au regard de ces objectifs de ponctualité. Ce modèle, que Canopea défend depuis de nombreuses années au travers de sa participation au projet Integrato, permettrait de réduire le temps de trajet grâce à une optimisation des correspondances, organisées au sein de nœuds de correspondance. Le contrat de service public de la SNCB soutient un tel modèle, également porté par la Vision Rail 2040, notamment au travers d’une amélioration de l’intermodalité. Néanmoins, un modèle basé sur des nœuds de correspondance est tributaire de la ponctualité des trains dans chacun de ces nœuds, ponctualité qui n’est clairement pas suffisante pour le moment en Belgique. Une étude va être menée en 2023 afin d’analyser la faisabilité économique et opérationnelle d’un modèle d’horaire intégré (Integrato ayant déjà prouvé la faisabilité théorique d’un tel système), mais il semble déjà clair que ce modèle ne pourra être mis en œuvre que dans l’hypothèse d’une augmentation significative de la ponctualité. Il reste donc encore beaucoup de travail et de défis à relever pour les entreprises ferroviaires avant d’atteindre les objectifs tant attendus, et ce n’est qu’avec le temps que nous saurons si le modèle d’horaire intégré tant espéré pourra passer du rêve à la réalité.
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- L’analyse portera ici exclusivement sur le transport de voyageurs, et discutera donc principalement du contrat de service public de la SNCB.
- Pour permettre au lecteur d’approfondir certains points, une mention des articles associés est proposée. Elle contient le nom du contrat (CSP = contrat de service public SNCB ; CP = contrat de performance Infrabel) et le numéro de l’article
- Cette augmentation ne concerne que le trafic intérieur de voyageurs, qui est l’objet du contrat de service public avec la SNCB. Les gares étrangères dont la desserte est incluse sont mentionnées dans l’article 15 du contrat.
- Il est toutefois à noter qu’un système par nœud de correspondance exige que le train n’aille pas « aussi vite que possible » mais « aussi vite que nécessaire » (pour respecter les correspondances).
- https://punctuality.belgiantrain.be/fr/tableau-de-bord (consulté le 9 janvier 2023)
- Il faut cependant noter que, dans le même temps, le trafic de voyageur est amené à augmenter de 8%. Ainsi, le nombre de minutes de retard par train-kilomètre risque tout de même de diminuer.
- Cela signifie que les gens ne peuvent pas changer de moyen de transport du jour au lendemain, mais peuvent le faire à plus longue échéance (en achetant une voiture par exemple).
- Dans le contrat de service public, le terme « personne handicapée » est utilisé. Il est malheureux qu’un document qui se veuille inclusif utilise ce terme, alors que le terme « personne en situation de handicap » (qui suggère que le handicap réfère à la situation et non à l’identité de la personne) est bien plus adapté.
- Plutôt 32% selon des chiffres donnés par les indicateurs clés de performance…
- En réalité, les réductions incluses dans les indicateurs clés de performance sont légèrement plus faibles, à savoir 4,8% d’ici 2027 (37,04 Wh/t.km) et 9,4% d’ici 2032 (35,27 Wh/t.km)
- Un concept par ailleurs vivement critiqué par certains scientifiques (par exemple : https://theconversation.com/climate-scientists-concept-of-net-zero-is-a-dangerous-trap-157368)
- L’attitude étant l’un des trois facteurs principaux influençant l’intention d’adopter un comportement donné selon la théorie du comportement planifié (introduite dans Ajzen,I. (1991). The Theory of Planned Behavior. Organizational Behavior and Human Decision Processes, 50(2), 179-211.).
- On peut ici se référer à la courbe de diffusion de l’innovation proposée par Everett Rogers en 1962, bien que celle-ci ne s’applique pas totalement étant donné l’ancienneté du train comme innovation (ce dernier ayant donc déjà eu une très large adoption avant la démocratisation de l’automobile).
- Ces chiffres, exprimées en €2023 (coûts constants et non courants), incluent toutes les sources de financement des entreprises ferroviaires, y compris leurs fonds propres.
- Une grande partie de ces fonds, qui ne pourront vraisemblablement pas être débloqués avant plusieurs années, va aller à des dépenses permettant d’améliorer la ponctualité. Cela peut expliquer un plus faible investissement d’Infrabel dans la ponctualité jusqu’en 2026 (Figure 2)