Ce bilan de deux années de visites d’aménités des lieux urbanisés met d’abord l’accent sur l’espace public à travers quelques-uns des témoignages des citoyens rencontrés, pour ensuite revenir sur la méthode et sur les objectifs du projet. Merci à ceux et celles qui nous ont accueillis dans les localités de Marchienne-au-Pont, de Biercée, de Marche-en-Famenne, du Val-Saint-Lambert et de Louvain-La-Neuve puis, tout récemment, au centre de Charleroi, de Liège et de Namur.
Voici un petit échantillon de l’espace public wallon, tel qu’il émerge de quelques récits d’aménités enregistrés sur le vif, selon les mots exacts utilisés par les témoins, avec en incise, çà et là, les interventions des autres participants. L’histoire n’a retenu que leurs prénoms, un parti pris un peu flou pour contrebalancer la rigueur des aspects géographiques du projet.
Des arbres aérés à Louvain-La-Neuve
A Louvain-La-Neuve, nous avons visité le 10 décembre 2014 le quartier dénommé « Centre-ville », construit comme une espèce de table reliant les collines de l’Hocaille, du Biéreau, de Lauzelle et des Bruyères. Sous son plateau, entre les piliers de béton, les trains font terminus, les bus circulent et les voitures se garent. En surface, les rues forment un piétonnier sinueux, dénivelé, où la végétation est extrêmement rare, mais les passants nombreux. Avant que Véronique présente son aménité, les participants tiennent à nous dire qu’ils ne peuvent pas traverser le centre-ville sans rencontrer une connaissance.
Véronique nous invite à nous arrêter près des platanes de la Grand’ place.
« J’habite là-bas pas très loin et je fais mes petites courses pratiquement tous les jours dans le centre, donc je passe par ici. Les platanes, si on les enlevait, cela m’embêterait beaucoup. Alors je m’attendais bien à ce que pratiquement tout le monde choisisse [comme aménité] des espaces verts, puisque nous sommes dans un centre-ville très minéral. Celui-ci, je pense, est un des seuls qui soit artificiel. Il n’est pas implanté dans le sol, c’est un bac à sable, un bac à plantes, quoi. Avec des aérations sur le côté, je crois. Et puis, il est très aligné, il est taillé tous les ans, et cetera, donc il est très urbain, mais moi je trouve que (rire) il est vraiment bien là où il est. Il me manquerait beaucoup s’il n’était plus là. Et puis il est assez grand pour avoir quand même une présence. Ce n’est pas une rangée, c’est un espace. »
Hélène (IEW) : « Ces platanes, quand vous les avez vus au début, vous pensiez qu’ils ne seraient jamais aussi gros ? »
Louvain-La-Neuve : les platanes de la Grand’ place, photo Benjamin Assouad, 2014.
Véronique : « J’habite depuis dix-huit ans ici et il me semble qu’ils n’ont pas spécialement changé. »
Jean : « En étant retaillés, ils gardent un volume compact. C’est à la demande de l’architecte, de Blondel, cette plantation ? »
Véronique : « Je ne sais pas, je n’ai pas fait de recherche là-dessus. »
Marie-Solange : « Est-ce que c’est à la demande de Blondel, ou est-ce que c’est pour masquer le bâtiment ? » (Tout le monde rit)
Hélène : « Mais il est bien ce bâtiment ! »
Marie-Solange : « En attendant, il y a eu des conflits autour de tout ça et moi j’ai entendu qu’au niveau des caractéristiques du bâtiment, il n’avait pas obtenu les accords. »
(Plusieurs voix à la fois) : « Ah oui, le toit plat, alors que Louvain la Neuve devait être à double pente… »
Marie-Solange : « Est-ce que ce n’était pas aussi une petite manière de boucler le conflit ? »
Jean-Louis : « A mon avis, il y a toujours eu des conflits, hein, ici. »
Marie-Solange : « Sur cette place ? »
Jean-Louis : « L’Aula Magna par exemple, il y a beaucoup de détracteurs et puis moi je connais quelqu’un qui trouve que c’est le plus beau bâtiment de Louvain-La-Neuve ».
Sur ces entrefaites, arrive le bourgmestre, qui nous salue et s’enquiert de notre activité. Il se montre très intéressé et prie IEW de refaire une édition bientôt, avec lui. On en prend bonne note, Monsieur Roland !
Première maison en dur, à Marchienne-au-Pont
Faisons un saut vers le sud-ouest avec une visite à Marchienne-au-Pont, le 14 novembre 2014. Dans l’ombre de la colossale église néo-gothique Notre Dame de Miséricorde, dite aussi « Sainte-Vierge », s’étire la ruelle du Posty. Elle n’est que partiellement accessible aux voitures, côté place Albert 1er, et se fait piétonne pour rejoindre la rue des remparts. Écoutons Annamaria raconter son aménité, à l’endroit précis où la ruelle-parking devient un chemin piéton.
Marchienne-au-Pont : la maille de 500 x 500 mètres choisie pour la visite de novembre 2014 ; la ruelle du Posty (Posti) va du nord au sud, parallèle à l’axe de l’église, au coin inférieur droit de la maille.
Annamaria : « Voilà, moi ici je me trouve au croisement de ma vie, puisque, sur le côté droit, on a l’école où j’ai fait toute ma petite enfance ; si on continue un peu plus loin on arrive là où j’ai habité, la première maison, après les baraquements italiens, donc une première maison en dur (une participante intervient : « en briques »), oui, en briques, et puis donc ici c’était un peu ce croisement entre le passé et le présent donc l’école de quand j’étais petite et puis l’Athénée Royal et en même temps, si on va sur la gauche et qu’on passe la Sambre, eh bien on va là où j’habite. C’est un lien entre mon passé et mon présent. Et donc ici aussi, il y a les traces du passé, c’est les vestiges des remparts de Marchienne. Et donc, voilà pourquoi cette image me reste, chaque fois que je passe devant la petite impasse du Posty.»
Marchienne-au-Pont : deux portes à degrés de la ruelle du Posty ; celle de droite est aménagée dans l’ancien mur d’enceinte. Celle de gauche, dans une façade enduite élevée dans l’alignement de ce mur. Image extraite de la vidéo amateur tournée pour enregistrer l’aménité d’Annamaria, 14 novembre 2014.
Dany : « Et au cœur de l’Athénée, au milieu de la salle des pas perdus, il y a des fouilles, dans le prolongement des remparts, des fouilles qui montrent ce qu’ils ont trouvé quand il y a eu les travaux du Métro ».
Annamaria : « Les travaux du Métro, oui. Et donc, c’est un peu ma vie Marchiennoise résumée autour de la petite impasse du Posty. »
Hélène : « Donc ce n’est plus une impasse, en même temps. » (S’ensuivent des échanges sur la définition d’une impasse, tout le monde tombe d’accord pour dire qu’il y avait des sorties à chaque extrémité, mais qu’on disait impasse parce que c’était un passage limité aux piétons, très étroit vu qu’il y avait des maisons des deux côtés, aujourd’hui rasées.)
« Donc autour de cette impasse, qui n’est plus une impasse, se passait ma vie Marchiennoise du passé et du présent. Les premiers flirts, les premiers bals, qui se faisaient dans la rue des Remparts. Dans les… (une connaissance passe) Bonjour ! – A la rue des Remparts il y avait « Il Ritrovo Italiano » qui était ici, et puis il y avait « La Casa d’Italia » où on dansait. »
Benjamin (IEW) : « Au niveau immigration, Turcs, Marocains, Italiens, c’était des Italiens ici ? »
Annamaria : « Oui, très italien. D’ailleurs toutes les maisons particulières, pratiquement, c’étaient des Italiens. L’Athénée a été construit bien après hein. »
A la demande d’Annamaria, j’ai vérifié dans le dictionnaire de Jean Haust le sens du mot « posty ». Il fallait d’abord le ré-orthographier en « posti », en accord avec les voyelles wallonnes.
« Posti : porte de jardin ; elle est ord[inairemen]t pleine et faite de planches solides, (fig.531) ; serrer l’- [fermer la porte de jardin] ; ènn’aler po l’- [sortir par la porte de jardin]; hanter sol’- [tenir une conversation galante à la porte du jardin]. Voy. barîre, hahè (barrière, porte à claire-voie). [Anc.fr. postic, latin posticum, porte de derrière.] »
Vous conviendrez avec moi que le nom de la ruelle a été choisi fort à propos.
Dessin d’un posti, par Edouard REMOUCHAMPS, figure n°531 du « Dictionnaire Liégeois, vol. 2 » de Jean HAUST.
Pourquoi je l’aime… La Place aux Foires à Marche-en-Famenne
A Marche, que nous rejoignons à l’entrée de l’été, le 16 juin 2015, la Place aux Foires forme un plateau à mi-chemin entre la ville basse du piétonnier et l’étage supérieur, où passe la voie ferrée Liège-Gouvy. Des arbres palissés bordent le périmètre de cet espace pavé, vaste et rectangulaire. Plusieurs personnes sont assises sur les degrés qui entourent la place et la fontaine, au soleil. Nous nous regroupons pour écouter Anne.
Anne : « Sur cette place, il y avait auparavant du parcage, il faut s’imaginer cet endroit envahi de voitures. Et à l’origine, c’était – comme le nom l’indique – un lieu de foire aux bestiaux. J’ai choisi de vous parler de cette place car les travaux qui ont été faits ici ont vraiment apporté quelque chose d’important. Il a fallu beaucoup de conviction de la part de tous pour accepter que cette place ne soit plus un parking. Grâce à une opération de rénovation urbaine, menée avec la Région wallonne, la place est devenue un espace convivial et d’animations. Marche a bénéficié des effets à long termes des chantiers de ce type qui lui ont permis de faire fonctionner ensemble la voirie, l’espace public et les bâtiments. J’apprécie énormément la qualité des matériaux utilisés, les multiples usages que la place connaît grâce à cette rénovation. La prochaine étape : la mise en piétonnier des voiries la bordant… on peut rêver, n’est-ce pas ?»
Marche-en-Famenne : la place aux Foires vue à travers les arbres palissés. Photo extraite de la « Ballade au Cœur de Marche » sur le site officiel du tourisme en Luxembourg belge.
http://www.luxembourg-belge.be/diffusio/fr/voir-faire/balades-randos/a-pied/circuit/balade-au-coeur-de-arche_TFOCIR37407.php
Un quartier liégeois qui change d’affluence selon les jours
Survolant la route du Condroz vers le nord, nous voilà à Liège, en rive gauche, sur un large trottoir de quai, le 20 décembre 2015. Elisabeth nous invite à tourner le dos à la Meuse et à regarder d’abord la Halle aux Viandes et l’esplanade couverte de voitures du parking de la Cité Administrative. Mis à part notre groupe, le quai de la Goffe reste désert durant toute notre halte.
Liège : la maille du 20 décembre 2015 reportée sur photo aérienne. Le poste d’observation de l’aménité d’Elisabeth est au centre du carré de 2,5 hectares (25 000 m²).
Elisabeth : « Donc comme je le disais, [mon aménité] c’est déjà le chemin qu’on vient de faire depuis la place du Marché, c’est vraiment les vieilles rues de Liège. Et ce que j’ai bien aimé, c’est qu’on a, du coup, évité la percée de la Rue Léopold qui a été faite au XIXe siècle, vous voyez, la grande rue, qui mène au Pont des Arches qui est ici et qui est vraiment le repère quand on voit des vieilles gravure de Liège, des vieux plans de Liège, c’est toujours grâce au Pont des Arches, le plus vieux pont de Liège, qu’on se repère, pour comprendre comment est la ville. Et du coup, on a vraiment pris les vieilles rues. Et on suppose que la Légia coulait – qui est la rivière qui descend de la colline de… » « De Ans » « … de Ans, qui venait se jeter dans la Meuse par plusieurs bras plus ou moins ici jusqu’à ce qui est aujourd’hui le quai sur Meuse, c’était comme un delta et c’est ce qui fait que Liège s’est installée ici, non seulement parce qu’il y avait la Meuse, forcément on pourrait arriver en bateau, mais il y avait tous les bras de la Légia, ça formait un petit promontoire, et en plus il y avait les coteaux, qu’on aperçoit là-derrière, avec des bonnes terres pour cultiver, bien exposées. Donc ici on se retrouve vraiment dans le vieux cœur de Liège, on peut imaginer que les gens venaient ici par bateau, c’est un passage difficile ici pour les bateaux parce que ça tourne fort. »
Sophie : « C’est marrant parce qu’en fait je ne suis jamais venue sur ce trottoir. »
Elisabeth : « Non, on ne vient jamais sur ce trottoir, moi j’adore venir ici. »
Sophie : « Ça donne une toute autre perspective sur des endroits où, par contre, je vais souvent. Ou alors parfois je passe en voiture, mais… »
Elisabeth : « D’ici on a un autre recul. Ce qu’ils ont refait et que je trouve très bien, ils ont changé ici [montre les garde-corps du quai], avant c’était des murs en béton et on ne voyait pas la Meuse. Voilà, je trouve que c’est une belle petite promenade. En plus on a vue sur le Musée Curtius, qui est là, le quai des Tanneurs ici en face, qui reste un des plus beaux quais de Liège, la Maison Havart qui est une des plus vieilles maisons, dit-on, de Liège, avec celle qui est devant les Guillemins. On connaît le gars qui l’a rachetée mais je ne sais pas ce qu’il va en faire. Juste à côté, il y a un nouveau truc qui s’appelle Grand Maison, je fais de la réclame, coincé sous la tour de la Cité administrative, là. C’est super. C’est fermé le samedi, malheureusement, sinon, on serait allé boire un café là. Et alors elles font une soupe du jour, un plat du jour, le café est super bon. Et voilà. C’est ouvert le dimanche. Elles disent qu’elles n’ouvrent pas le samedi parce qu’elles disent que le samedi, personne ne passe ici. Mais bien la semaine, avec les administrations, et avec la Batte, le dimanche. »
Fabrizio : « Quoi alors le samedi ça devient un quartier dangereux ? » (Gros rires)
Elisabeth : « Non, mais il n’y a personne, il n’y a pas de clients le samedi ici. Une ville, c’est aussi comprendre où les gens passent, par jour. Le dimanche ici c’est noir de monde. »
Fabrizio : « A cause de la Batte. »
Elisabeth : « Oui. Par contre, je n’ai toujours pas compris la signification des deux grands poteaux en bois, je vais me renseigner et vous faire savoir. Je crois qu’ils ont mis ça symboliquement parce que c’était l’ancien port de Liège. Quand on voit sur les gravures, souvent il y a des bateaux amarrés ici, avec des belles voiles et tout ça. »
Sophie : « C’est les mêmes architectes qui ont proposé ça qui ont fait la restauration de la Halle aux Viandes, je pense, non ? Alain Richard et Pierre Hebbelinck. Mais enfin, en tout cas ici tu es dans un truc très dégagé, super clair, et on est passé dans tout un dédale de ruelles de tailles différentes, où parfois tu touches presque les murs et parfois un peu plus grandes, ça c’est intéressant je trouve. »
Elisabeth : « Oui, et on dit « quai de la Goffe » ici parce que l’eau est très profonde. »
Au ras de l’eau, à Namur
Nous remontons le cours de la Meuse. Nous sommes le 3 décembre 2015, à l’extrémité sud de la Corbeille de Namur, en contrebas de la circulation routière du quai. Cette fois on se tourne d’emblée vers l’eau. Franz arrête le groupe dans un endroit où je ne suis personnellement jamais allée : c’est le site du confluent, en rive gauche de Sambre, là où la rivière se mélange à la Meuse. Il y a des passants, de temps en temps. La description de l’aménité (les restes architecturaux des résidences du XIXe siècle en bord de Meuse, côté Jambes) cède rapidement le pas à une discussion sur les projets urbanistiques en préparation, aussi naturellement que la Sambre se fond dans la Meuse.
Un peu de cinéma ne fera pas de tort. Sur fond de soleil couchant et de clapotis, voici la vidéo amateur qui retrace le récit de Franz et les réactions qu’il éveille chez les autres participants.
A la 6e minute, vous verrez le chaland Yolanda passer derrière nous.
Un peu de méthode
Le projet « Aménités des lieux urbanisés » s’est emparé d’un concept géographique fréquemment utilisé en aménagement du territoire, celui de « maille ». Afin de délimiter le périmètre d’exploration et de réduire le temps passé à cheminer ensemble sur le terrain, une maille carrée de 500 sur 500 mètres a été tracée sur chacun des lieux à visiter, selon les axes nord-sud et ouest-est. De manière arbitraire, mais en veillant tout de même à englober une variété de choses, variété susceptible de permettre à chacun, habitué de l’endroit, d’y choisir une aménité.
L’utilisation de la maille permet de structurer l’itinéraire et d’éviter un éparpillement qui aurait raison de nos forces. Il y a fort à parier que, sans cet artifice, les haltes seraient situées à des kilomètres les unes des autres et ce, que l’on soit en ville ou dans des coins plus ruraux.
Le concept de maille quitte ainsi le monde abstrait pour retrouver une dimension matérielle. Le temps de la promenade, cette maille de 25 000 m² prend corps à travers les multiples haltes qui correspondent à l’aménité de chaque participant, elle devient presque familière. Malgré que ce tracé couvre une surface imposante, les « chapelles » se concentrent parfois par hasard sur un espace plus réduit, parce que les participants ont choisi soit le même endroit (mais pas nécessairement pour décrire la même aménité) soit des endroits très proches.
Le critère de choix de l’aménité ? Qu’elle soit perceptible par chaque participant lors de l’exploration. Il faut qu’elle fasse partie de l’espace public, ou qu’on puisse la percevoir depuis celui-ci. Voirie, espaces verts, esplanades, transport public, tous ces postes d’observation conviennent, du moment qu’ils se situent en-dehors de la sphère privée. Quant à l’aménité en elle-même, elle peut être un son, une vue, une odeur, une sensation, un objet précis, un ensemble d’éléments combinés, il n’y a à cet égard aucune limite. Les raisons du choix sont personnelles, elles sont expliquées par le participant lors de la promenade. L’important est que le participant sélectionne quelque chose qui l’attache à sa ville, à son quartier.
Dans les récits sélectionnés ici, l’aménité se confond avec l’espace public. Dans d’autres cas, le choix a porté sur des aménités qui n’avaient rien à voir (odeur, mouvement de foule ou façade de maison privée, par exemple). Néanmoins, toutes ces aménités sont des biens publics. La rubrique « En savoir plus », à la fin de cet article, explicite ce qu’est un bien public.
Une fois le trajet effectué, les participants se recréent dans un lieu confortable et se penchent sur les cartes. Ils doivent alors reporter, sur un extrait du plan de secteur, le carré de la maille. Parfois, sans avoir jamais vu au préalable le plan de secteur de leur localité. Qu’importe, et tant mieux ! Cet exercice, beaucoup moins facile qu’il n’y paraît, ouvre la porte à toute une série d’échanges sur les usages du plan de secteur, sur sa portée juridique et sur la signification des zones de couleur recouvrant le territoire inclus dans la maille.
Des aménités, pour quoi faire ?
Notre objectif, à travers ce projet, est d’explorer le terrain aujourd’hui, avec ses habitants et ses usagers. Il est primordial pour nous de rencontrer ceux qui connaissent un quartier wallon habité pour échanger avec eux sur ce lieu et sur ce qui le leur rend attachant, amène, sympathique. Un objectif secondaire et complémentaire est de leur faire manipuler des abstractions – la maille, le plan de secteur – que l’on confine souvent aux bureaux d’études et aux échevinats.
Jamais nous ne penserons que l’aménité qu’ils nous montrent est la seule aménité, jamais nous ne penserons que la maille est calée au bon endroit ! Non, l’esprit de ce projet, c’est comme regarder par la serrure dans la caverne d’Ali-Baba. Parmi un amas de richesse, s’attarder sur quelques-unes et s’autoriser à en parler avec quelques témoins.
Chacun doit pouvoir dire, avec ses mots, en passant par le médium de l’aménité, son attachement à notre territoire. Les aménités que nous découvrons lors de ces visites sont des biens publics à préserver. Chemin faisant, le territoire prend forme pour nous, chargés de mission d’IEW, avec ses aspérités, ses inconforts, ses désaménités : tout cela est pris aussi en compte, mais sans se perdre dans la récrimination ou la plainte. Mauvaise allocation des budgets, travaux qui traînent, incivilités, les reproches sont assez universels, quel que soit l’endroit. Par contre, les aménités, elles, sont uniques, irréductibles à un principe, indéplaçables. Pour les apprécier, il faut donc se déplacer jusqu’à elles, puis écouter la voix particulière de chaque participant.
En 2016, nous continuerons à arpenter la Wallonie pour mieux connaître son actualité et ses beautés. Il y aura des visites de terrain à Flémalle, Châtelet, Liège (bis!), Braine-Le-Château, Jodoigne, Gosselies.
C’est pour bientôt, c’est pour demain. Comme le dit Pierre Tchernia – lui-même une fameuse aménité de la télévision francophone – « le plus beau mot de la langue française, c’est demain. Et aujourd’hui, ce n’est pas mal non plus ! ».
En savoir plus
L’article « Aménités des lieux urbanisés », que j’ai écrit à l’occasion des 50 ans du CREAT.
L’article paru sur notre site en 2014, pour lancer le projet « Aménités » avec un petit jeu.
La Lettre des CCATM a vu son n° 80 consacré aux aménités, et depuis lors, chaque numéro comporte un témoignage extrait d’une de nos visites de terrain, dans la rubrique « Pourquoi je l’aime ». L’aménité de Anne à Marche-en-Famenne figure dans le n°84 : « Consommation : qu’y a-t-il sous le sapin? »
D’ailleurs, tant qu’on y est, vous pouvez nous dire pourquoi vous aimez la Lettre des CCATM grâce à un sondage de satisfaction sur ce périodique trimestriel publié par IEW. Il y a un dîner avec les rédacteurs à gagner! Si ça ce n’est pas une aménité…
Un bien public a, selon Wikipédia, deux caractéristiques essentielles, la non-rivalité et la non-exclusion : « la consommation du bien par un agent n’a aucun effet sur la quantité disponible de ce bien pour les autres individus, par exemple, le fait que je respire ne prive pas les autres d’air. » (Non-rivalité) ; « une fois que le bien public est produit, tout le monde peut en profiter. Exemple: le fait qu’un automobiliste regarde un panneau de circulation n’empêche pas un autre de le faire. » (Non-exclusion)
L’illustration d’entrée de cette nIEWs est un photo-montage de 2011 d’Eric De Ville, « La Tour de Bruxelles en automne » (http://www.ericdeville.be), publié sous forme de carte postale par la maison Plaizier.
Le dictionnaire liégeois de Jean HAUST utilisé pour cet article est la réédition de 2008, à l’identique, par le Musée de la vie Wallonne, de l’ouvrage «Le dialecte wallon de Liège 2me (sic) partie Dictionnaire Liégeois » édité en 1933 à Liège par Vaillant-Carmanne.