Ce 31 octobre débutera la 26e Conférence des parties (COP). Les COP sont les réunions des états membres des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCCC). Ce sont les réunions les plus importantes à ce jour pour discuter du problème planétaire qu’est le réchauffement climatique induit par l’homme. L’objectif premier des COP est de produire des accords internationaux (Protocole de Kyoto, Accord de Paris…) qui devraient permettre de limiter le réchauffement climatique. Depuis l’Accord de Paris, les états se sont engagés à viser une augmentation maximale de la température moyenne annuelle de la Terre à 1.5°C par rapport à l’époque pré-industrielle. L’importance de limiter ce réchauffement est tout simplement vitale pour maintenir une terre habitable pour nous et les futures générations.
Si vous souhaitez maîtriser un peu mieux cet enjeu central de notre époque qu’est le réchauffement climatique, je vous propose de vous plonger dans cette synthèse rédigée par la plateforme wallonne du GIEC (5 pages, pas long). Vous souhaitez être incollable sur le sujet ? Je vous suggère alors de vous lancer dans la lecture du 6e rapport du GIEC (3949 pages, un peu plus long). Le GIEC (IPCC en anglais) c’est plus de 14 000 scientifiques internationaux qui travaillent pour mettre en lumière ce que l’ensemble de la communauté scientifique a produit à ce jour comme observations, modélisations et projections sur l’évolution du climat de notre planète. Leurs rapports sont ce qu’il y a de plus abouti sur l’état des connaissances scientifiques à ce sujet. Le rapport insiste notamment sur l’augmentation de la température moyenne et du niveau marin. Il nous explique que le réchauffement climatique entraine l’augmentation de la récurrence et de l’ampleur des inondations, des sécheresses et des vagues de chaleur.
La trajectoire à suivre pour ne pas dépasser les 1.5°C requiert de diviser par deux au moins nos émissions annuelles totales de gaz à effet de serre (environ 50 GtCO2-eq1) d’ici 2030 et d’atteindre des émissions nettes nulles de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050 (0 Gt CO2-eq1 si vous préférez) ! Cela veut dire drastiquement réduire nos émissions dans les secteurs émetteurs (transport, bâtiment, industrie, énergie, alimentation et agriculture…) et préserver la nature et l’océan qui régulent la plus grande partie de nos émissions (mais pas tout !) en captant et stockant nos GES !
C’est au niveau des moyens pour y parvenir que les COP entrent en jeu. Si on sait que l’objectif est très difficile à atteindre, il est tout aussi, voire plus difficile, d’obtenir et de faire appliquer des accords justes, solidaires et durables pour y parvenir au niveau mondial 2 !
Trois enjeux de la COP 26
1. Un renforcement de l’action à court terme pour des émissions nettes nulles d’ici 2050
L’objectif mondial est de maximum 1.5°C de réchauffement. Cette ambition est cristallisée à l’article 2 de l’Accord de Paris de 2015, où les états ont pris l’engagement de renforcer leur action en « contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques » 3.
La route pour y arriver est simple, mais particulièrement exigeante : il faut que les émissions nettes de gaz à effet de serre soient égales à zéro d’ici le milieu du siècle !
Pour ce faire, le moyen principal mis en avant dans l’Accord de Paris est que chaque état membre prenne des décisions nationales (NDC ou « nationally determined contribution » dans le jargon), avec objectifs et mesures concrètes dans tous les secteurs émetteurs.
On peut prendre l’exemple européen, avec son nouveau pacte vert qui s’est donné pour objectif de réduire les émissions de la zone euro de 55% d’ici 2030 par rapport à 1990 (insuffisant pour les ONG environnementales) et d’atteindre une émission nette nulle d’ici 2050.
La somme des efforts nationaux est régulièrement évaluée, et les états sont encouragés à en faire plus si la tendance n’est pas suffisante par rapport à l’objectif. Et de fait, c’est un des gros enjeux de la COP26, les pays doivent en faire plus, car l’ensemble des politiques nationales actuelles nous dirigent vers un réchauffement mondial compris entre 2.1 et 3.9°C d’ici la fin du siècle 4 !
Et au niveau belge, une fois ?
La Belgique doit aussi drastiquement réduire ces émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire nous avons le Plan National Energie Climat (PNEC) et pour la Wallonie le PWEC (je vous laisse deviner le W). Ces plans sont ce que notre pays s’est engagé à mettre en oeuvre pour respecter l’Accord de Paris. Ils sont actuellement insuffisants ! Le PNEC est d’ailleurs en révision pour augmenter ses ambitions et déjà s’accorder avec les -55% de GES décidés au niveau européen. La Belgique est loin d’être bonne élève avec des émissions totales 8 fois supérieures à ce que devrait être la moyenne mondiale pour rester sous les 1.5°C de réchauffement ! Notre mode de vie, notre aménagement du territoire dispersé, nos transports polluants, nos bâtiments insuffisamment isolés et nos industries énergivores et aussi une agriculture trop intensive font partie des causes de cette trop forte émission de GES. Nous avons même été condamnés par la justice belge pour inaction climatique ! Nous devons fortement augmenter notre ambition et nos actions au niveau belge, pour notre propre bien-être et celui de la planète.
Les ONG belges ont un avis concret pour que la Belgique participe réellement à éviter au maximum la catastrophe climatique. L’ensemble des mesures nécessaires à prendre pour respecter l’Accord de Paris se retrouvent dans notre mémorandum IEW et celui de la Coalition climat (gratuit sur internet, pas cher).
2. Protéger les personnes et la nature
Le changement climatique s’accompagne d’une injustice mondiale : ce sont le plus souvent les pays en voie de développement et les populations précarisées qui subissent le plus fortement les conséquences du réchauffement (sécheresse en Afrique, inondation dans les quartiers pauvres de Verviers et Pepinster…) et n’ont pas les moyens pour s’y adapter !
Les COP précédentes ont instauré le principe des « pertes & préjudices » ainsi que le principe du « pollueur-payeur » pour permettre que les pays riches pollueurs soutiennent financièrement les pays pauvres qui subissent leur pollution. Si vous croyez que c’est uniquement la faute de la Chine et des États-Unis, sachez que la Belgique est 26e sur les 145 pays les plus pollueurs par habitant, devant la Chine ! Les discussions sur les pertes & préjudices sont loin d’être conclues. Ces questions d’équité et de solidarité sont bien présentes à l’agenda de la COP, mais paradoxalement, la participation des pays pauvres à la Conférence est loin d’être garantie cette année : la faible vaccination dans les pays africains, notamment, limite les possibilités de participation de leurs représentants, ce qui va sans doute biaiser les discussions, comme le dénonce CAN Europe.
Par ailleurs, les pays développés se sont engagés à financer à hauteur d’au moins 100 milliards la transition des pays en voie de développement dès 2020… Cet engagement est loin d’être honoré à l’heure actuelle.
Les ONG estiment également crucial de sortir des dynamiques d’endettement des pays pauvres, qui ne leur permettent pas de consacrer leur recette à une transition sociale et écologique. Il faut également que dans les plus brefs délais, nous arrêtions tout soutien et financement aux secteurs trop fortement émetteurs de gaz à effet de serre : transport aérien, énergies fossiles, etc.
3. Le sujet chaud des marchés du carbone
Un sujet assez technique, mais particulièrement important de cette COP26 sera la mise en place éventuelle de marchés du carbone à l’échelle internationale (article 6 de l’Accord de Paris). Le principe des marchés internationaux du carbone est de permettre à un pays d’atteindre ses objectifs d’atténuation climatique sous l’Accord de Paris (CDN) en achetant, sous forme d’unités carbone, des « réductions d’émissions » à un autre pays ayant, quant à lui, fait mieux que ses objectifs.
Ce principe n’a de sens que s’il existe des états ayant des surplus de réductions d’émissions à revendre. Pour qu’un état puisse prétendre à la revente de surplus d’émissions, il faudrait que la mise en place de sa CDN mène à des réductions supérieures à ce qui est nécessaire pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris et rester sous le seuil de 1,5°C de réchauffement global. Ceci n’est actuellement le cas d’aucun pays.
D’un point de vue environnemental, les marchés internationaux du carbone risquent donc d’être contre-productifs tant qu’une répartition mondiale du budget carbone relatif à 1,5°C n’a pas été mise en place pour objectiver l’existence de surplus éventuels à échanger.
Notons aussi que, dans la perspective d’une décarbonation complète au niveau mondial, la possibilité même de compenser les émissions d’un pays par des réductions d’émissions plus importantes dans un autre perd de sa pertinence. Tous les pays doivent réduire drastiquement leurs émissions et devenir climatiquement neutres.
À plus court terme, bien que ces marchés du carbone puissent en théorie faciliter l’atteinte des objectifs d’atténuation de l’Accord de Paris, ils présentent également des dangers importants :
- Ils peuvent contribuer à déresponsabiliser certains pays qui y verraient un moyen d’éviter de faire les efforts nécessaires pour réduire rapidement leurs propres émissions.
- S’ils ne sont pas conçus et mis en œuvre de manière appropriée, ils pourraient entraîner des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale bien plus importantes que s’ils n’étaient pas utilisés. Ceci nuirait très gravement à l’intégrité environnementale de l’Accord de Paris, en particulier dans l’état actuel des CDNs où l’on pourrait avoir au niveau mondial la création entre 2020 et 2030, de l’ordre de 20 à 30 GtCO2 de fausses réductions d’émissions du point de vue de l’atmosphère (appelées communément « hot air » ou « air chaud »)5.
Vous l’avez compris, vu les risques de triche et d’entourloupes comptables, les ONG ne sont pas chaudes face à ce qui est sur la table en matière de marchés du carbone.
On vous attend le 10 octobre !
Vous ne serez pas tous présents physiquement aux discussions de la COP 26 ce 31 octobre (Philippe Henry, vous ici ?!), mais ce n’est pas pour ça que votre voix n’est pas pertinente et importante.
Je vous invite toutes et tous chaudement à marcher avec nous pour le climat ce 10 octobre. Déjà parce qu’il fera beau (garantie !), et puis qu’il nous faut vraiment nous bouger les miches pour montrer aux gouvernements notre attente de décisions nationales et internationales pour empêcher la progression du réchauffement climatique.
Bonne journée à vous !*
Aidez-nous à protéger l’environnement,
faites un don !
- On utilise la giga tonne de CO2 équivalent (GtCO2-eq) qui est l’unité qui comprend tous les GES : CO2, méthane, NO2,…
- https://climat.be/politique-climatique/internationale/un-processus-laborieux
- https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris
- Calcul: https://climateactiontracker.org/global/cat-thermometer/ (quel beau thermomètre)
- Voir notamment le tableau 3 p. 27 de l’étude : SEI (2017), International transfers under Article 6 in the context of diverse ambition of NDCs https://mediamanager.sei.org/documents/Publications/SEI-2017-WP-international-transfers.pdf. Le terme « hot air » ou « air chaud » fait référence à des situations où les projections d’émissions BAU ont été surestimées pour certaines parties (pays, industries, etc.). Il en résulte par la suite que, même sans efforts pour réduire les émissions, les émissions réelles sont inférieures à ces projections, et que les parties concernées peuvent prétendre avoir réduit les émissions et revendre les crédits correspondants. Ces crédits peuvent être achetés par d’autres parties, qui évitent ainsi de devoir réduire d’autant leurs propres émissions.