« Les espaces verts, ça sert à quoi ?« Poser la question peut paraître naïf, et pourtant, les espaces verts sont encore trop souvent perçus par les promoteurs immobiliers et certains pouvoirs locaux comme des espaces accessoires, en attente d’une utilisation plus rentable. Mais qu’en est-il de leur utilité pour la population ? Partons à la découverte de ces espaces et de la multiplicité de leurs fonctions !
Définition
Il existe plusieurs définitions des espaces verts.
La définition de l’OMS est la suivante : « Ensemble des terrains couverts par une végétation de toute nature. Il s’agit de la végétation des terrains privés et publics, indépendamment de leur taille et de leur fonction, et peut également comprendre de petits plans d’eau tels que des étangs, des lacs ou des cours d’eau ».
Dans le cadre de l’actualisation du réseau écologique de la ville de Liège, Julie Lebeau et Grégory Mahy (2016) (Gembloux-Agro-Bio Tech) définissent un espace vert comme « un espace non minéralisé accessible au public ». La notion d’accessibilité est importante car si certaines fonctions de régulation peuvent être remplies dans tous les cas, les fonctions sociales d’un espace vert ne peuvent être rencontrées que si la population y a effectivement accès. La cellule Paysage et Nature du SPW ajoute que « cet espace ne doit pas faire l’objet d’appropriation par un groupe social et doit s’adapter à la diversité des usages que l’on peut en faire ». Un terrain de football, par exemple, ne peut donc pas être considéré comme un espace vert puisqu’il est réservé à un usage particulier.
La définition de l’IWEPS est plus restrictive puisqu’elle fixe une surface minimale de 5 hectares. De notre point de vue, nous préférons ne pas fixer de surface minimum puisque des surfaces plus petites peuvent aussi contribuer à remplir des fonctions essentielles, en particulier dans les zones fortement urbanisées.
Climatiseurs naturels
Avec le réchauffement climatique, les canicules sont appelées à se multiplier et à devenir de plus en plus intenses. Pouvoir trouver de la fraîcheur à l’ombre des arbres n’est donc pas un luxe, mais un besoin. Les arbres sont de loin le système de « climatisation urbaine » le plus performant ! En effet, ces végétaux ne se contentent pas de fournir de l’ombrage comme un parasol, mais l’évapotranspiration contribue également à absorber la chaleur ambiante, de manière bien plus efficace qu’un simple brumisateur ! D’après une étude publiée dans « The Lancet », la plantation d’arbres pourrait réduire d’un tiers la mortalité liée aux canicules urbaines en Europe.
Les surfaces non imperméabilisées jouent également un rôle tampon qui absorbe le surplus d’eau en cas de précipitations importantes, limitant ainsi l’ampleur et la fréquence des inondations.
Poumons des villes
Il est bien connu que les végétaux captent du dioxyde de carbone et rejettent de l’oxygène, nécessaire à la vie. Cependant, les arbres contribuent également à l’épuration de l’air en interceptant différents polluants : particules fines, ozones, métaux lourds. Un arbre peut ainsi intercepter jusqu’à 20 kg de poussière par an ! Cette fonction n’est pas à prendre à la légère lorsqu’on sait que les particules fines sont responsables de 7400 morts prématurées par an en Belgique…
Dans certaines configurations, la présence d’arbres peut également atténuer le bruit résultant du trafic routier.
Vitamines vertes
De nombreuses études ont mis en évidence les effets positifs des espaces verts sur la santé et le bien-être humain. Déjà en 1984, Roger Ulrich constatait que les patients ayant subi une chirurgie consommaient moins d’antidouleurs et se rétablissaient plus vite s’ils voyaient des arbres depuis leur fenêtre. Une étude des Mutualités Libres a également montré que les habitants des quartiers riches en espaces verts se rendent moins souvent chez le médecin.
Le contact avec la nature est également très important pour la santé et le développement des enfants, au point de parler de « trouble de déficit de nature » (« nature deficit disorder » en anglais) pour désigner les conséquences multiples de ce manque de nature : baisse des capacités sensorielles, difficultés d’attention, risque d’obésité, sensibilité accrue à diverses maladies, etc. A l’inverse, le contact avec la nature a des effets positifs sur le microbiote intestinal et cutané des enfants et renforce leur système immunitaire. Les espaces verts publics sont donc essentiels pour permettre aux gens qui n’ont pas de jardin de sortir, pour que les enfants puissent courir et jouer dans un environnement végétal.
« J’ai besoin de verdure. Quand je ne suis pas bien je vais dans un espace vert, ça me ressource » (Thérèse)
« Je suis en burn-out et il n’y a que dans la nature que je me sens bien. Ça me fait peur quand je vois qu’on urbanise et qu’on bétonne les espaces verts ! » (Véronique)
« Les espaces verts me consolent, ceux qui restent ! » (Pierre)
« Je ne saurais pas vivre sans arbres et sans fleurs, je serais trop malheureuse » (Florence)
Les espaces verts sont aussi très importants pour la santé mentale. Des enquêtes ont montré que les personnes vivant à proximité d’espaces verts sont généralement plus heureuses et moins stressées. L’accès aux espaces verts permet également de réduire les symptômes de dépression et d’anxiété. Les témoignages de plusieurs personnes que nous avons rencontrées au cours de nos activités d’éducation permanente vont aussi dans ce sens. En revanche, les projets qui les menacent sont source d’anxiété pour les personnes qui considèrent ces espaces comme essentiels à leur bien-être.
Lieux de rencontre
Les espaces verts offrent un cadre agréable pour discuter, se rencontrer, refaire le monde, etc. Ce sont des lieux où toutes les générations se rencontrent : les gens promènent leur chien, les jeunes y pique-niquent à midi… Ils contribuent à la convivialité et à la cohésion sociale d’un quartier.
Quant aux potagers collectifs, même s’ils peuvent sembler anecdotiques en termes de quantités produites, ils sont vecteurs de lien social et peuvent jouer un rôle important de sensibilisation et d’éducation à une alimentation saine et locale.
Joyaux paysagers
La présence d’éléments naturels et de végétation contribue à l’esthétique des paysages. En effet, le top 100 des paysages du monde est constitué en grande majorité de paysages naturels. Plus localement, tous les villages reconnus comme les plus beaux villages de Wallonie se caractérisent par un environnement particulièrement verdoyant. Si la perception esthétique d’un paysage reste subjective, beaucoup de personnes s’accordent à dire qu’un paysage comportant de la verdure est bien plus joli qu’un paysage entièrement bétonné. La présence de nature joue d’ailleurs un rôle important dans l’attractivité touristique d’un territoire : selon une enquête réalisée auprès de touristes visitant la Wallonie, la nature est un critère important dans le choix de la destination pour 2 personnes sur 3.
Refuges de biodiversité
La préservation des espaces verts est importante pour la biodiversité animale et végétale. Qu’il s’agisse de réserves naturelles abritant des habitats rares et des espèces patrimoniales ou de parcs urbains u accueillant une biodiversité plus ordinaire, ils ont tous un rôle à jouer dans le réseau écologique déjà fortement fragmenté en Wallonie ! En effet, pour stopper l’érosion de la biodiversité, il ne suffit pas de mettre sous cloche quelques « hotspots » de biodiversité, il faut aussi que les espèces puissent disposer de corridors écologiques et de zones relais pour se déplacer d’un habitat à l’autre. C’est essentiel pour que la vie continue sous toutes ses formes, y compris la nôtre !
En bref, les espaces verts, c’est la vie !
Espaces en danger
Régulation du climat local, épuration de l’air, cohésion sociale, santé, biodiversité,… Les raisons de préserver les espaces verts sont nombreuses ! Malheureusement, ces espaces sont encore trop souvent la proie de promoteurs immobiliers, qui voient ces zones vertes comme des ressources à exploiter et à rentabiliser par la construction de lotissements ou de zonings industriels et commerciaux. Les terres agricoles subissent également des menaces similaires, et des permis de bâtir sont encore trop souvent octroyés sur ces terrains malgré une volonté affichée par le Gouvernement Wallon de renforcer la souveraineté alimentaire du territoire.
La Wallonie compte plusieurs dizaines de milliers de logements inoccupés et 3000 hectares de friches industrielles à réhabiliter. Il est donc tout à fait possible de répondre aux besoins en logements et en activités économiques en réutilisant ces espaces déjà imperméabilisés, de préférence par la rénovation, voire la démolition-reconstruction lorsque la rénovation n’est pas techniquement possible.
Face à ces constats, Occupons le terrain a lancé une pétition réclamant du logement pour toutes et tous… en sauvant les espaces verts et les terres agricoles ! Cette initiative a vu le jour dans la région liégeoise mais fera l’objet d’une campagne plus large à l’échelle de la Wallonie en 2024.
Pour préserver les espaces verts, Stop Béton !
Remerciements
Cet article a été largement inspiré par les échanges très riches que nous avons eus avec le public à l’occasion de la Journée des Espaces Verts de Cointe. Merci à Anne-Marie, Antonio, Callista, Chloé, Christine, Florence, Germaine, Helena, Jacque, Laura, Laurina, Lucas, Marianne, Marie, Nicolas, Norbert, Pascale, Patrick, Pierre, Sophie, Thérèse, Thomas, Tracy, Véronique, Zoé et toutes les autres personnes qui ont visité notre stand !
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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