Les intercommunales bloquent sur le sac gratuit

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Dans son Arrêté du 5 mars 2008 le gouvernement wallon prévoit la mise en place du coût-vérité pour la gestion des déchets ménagers avec obligation de couvrir à brève échéance 100% des coûts de collecte et de gestion des déchets via intervention des « pollueurs-payeurs » (les citoyens). Cette intervention doit couvrir la différence entre les dépenses communales et les recettes liées à cette activité[Tous les détails pratiques dans [la circulaire aux communes du 25 sept 2008 ]] .
Par ailleurs, cet Arrêté prévoit une obligation de transparence des coûts mais aussi une information aux citoyens (voir « Déchets: à quand une facture intelligente ? » ) normalement obligatoire dès 2009.

Un obstacle récurent empêche cependant que cet Arrêté soit pleinement d’application: le §2.4 de l’article relatif à ce que comporte le service minimum: la fourniture d’un nombre déterminé de sacs adaptés à la collecte des ordures ménagères brutes, ou de vignettes à apposer sur les sacs destinés à la collecte de ces déchets, ou la fourniture de récipients destinés à la collecte de ces déchets, assortie d’un nombre déterminé de vidanges et/ou d’une quantité de déchets déterminés. Ce point du service minimum avait déjà, en mars 2008, bénéficié d’un report (janvier 2009) puis il fut postposé à 2010 par un autre AGW. Et aujourd’hui, étant donné « que les communes rencontrent des difficultés à appliquer cet article », on le postpose à 2011….

Pendant que les acteurs publics du déchet ergotent et s’interrogent sur le nombre de sacs à 1 euro qui pourrait être compris dans le service minimum aux citoyens, la Région wallonne continue à investir dans de gros outils d’élimination des déchets (Ipalle et Intradel ont récemment bénéficié de gros investissements pour augmenter leurs capacités d’incinérations à + de 400.000 tonnes /an chacune) et dans le maintien de volumes de décharge astronomiques à combler (ex Habay, Tenneville, Hallembay, Monceau s/Sambre, Cour au bois, Mont St Guibert…).

Ce faisant, elle s’enfonce dans son dilemme schizoïde : d’un côté assurer des capacités d’élimination de déchets qui coûtent en investissement puis en contrôle et suivi pendant des décennies, ouvrant donc une « autoroute » (avec son classique effet d’appel), de l’autre, convaincre les gens que « le meilleur déchet est celui qui n’existe pas » et leur fournir les outils pour atteindre cet objectif de prévention.

A bien y réfléchir, cette question qui divise n’est pas si anodine qu’elle en a l’air. Elle porte en son sein des conceptions de la gestion des déchets radicalement différentes. Pour bien le comprendre, il n’est pas inutile de rappeler ici que la facturation prend la double forme d’un forfait et du coût des sacs (ou des kilos de la poubelle à puce dans certaines communes). Et que la part respective de ces deux modes de perception n’est pas indifférente sur les résultats que l’on souhaite obtenir en matière de prévention des déchets. Ainsi, si le forfait (payable une fois par an et donc peu dissuasif) couvre les coûts de collecte ET de traitement, ce sont les investissements et leurs capacités que l’on cautionne. Dans ce cas de figure, le coût du sac (ou de kilo) peut se révéler relativement marginal et la question du nombre de sacs gratuits est quasi facultative. On peut en donner pas mal, « ça fait toujours plaisir »! Et on galvaude ainsi un outil de prévention qui a fait ses preuves.

Imaginons par contre que le forfait ne couvre que les coûts de collecte[[Collecte en porte à porte mais aussi, entre autre, parcs à conteneur…]] (qu’il y ait beaucoup ou peu de poubelles ne change rien au fait que le camion doive passer…) mais que la partie « traitement » soit prise en charge par le prix du sac (ou des kg pour les containeurs à puce) : le coût du sac sera probablement plus élevé et leur utilisation parcimonieuse largement encouragée. Le citoyen peu producteur de déchets payera donc peu. Et il paiera pour que ses déchets soient éliminés dans des infrastructures subsidiées en partie par la Région et gérées en bon père de famille par les intercommunales qui évaluent la part à payer par le citoyen sur base des recettes liées aux filières de recyclage et valorisation des déchets qu’elles gèrent tout en veillant à ne pas voir trop gros dans les capacités de leurs installations… Dans ce cas, faire un cadeau sous la forme de « sacs gratuits » serait contradictoire et donc à éviter…

Cet Arrêté de 2008 avait mis 2 ans à aboutir. Ces questions déjà soulevées à l’époque reviennent sur la table. Le gouvernement entame un processus d’évaluation de cet arrêté. Puisse-t-il améliorer l’aspect « responsabilisation des acteurs»: les intercommunales quant aux capacités de leurs outils, les communes quant aux actions qu’elles mettent en place pour aider le citoyen à produire moins de déchets, les citoyens quant à leurs choix de consommateur.

Extrait de nIEWs (n°62, 15-29/10),

la lettre d’information de la Fédération.

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